Etats généraux de l’ESU : les étudiants expriment leurs attentes

Etats généraux de l'ESU
Le ministre Muhindo Nzangi avec les experts et administrateurs de l'ESU pendant les travaux des états généraux

En République Démocratique du Congo (RDC), les travaux des états généraux de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) se sont ouverts ce vendredi 10 septembre à Lubumbashi (Haut-Katanga) en présence du ministre de tutelle Muhindo Nzangi Butondo. Plusieurs experts et administratifs venus de l’ensemble du territoire national prennent part à ces assises, qui ont pour but d’apporter quelques réformes dans le secteur de l’enseignement supérieur et universitaire au pays.

Démarrés ce vendredi, ces travaux ont lieu jusqu’au mardi 14 septembre prochain. Plusieurs points seront traités au cours des états généraux, notamment la question de l’application du système de Bologne mieux connu sous l’appellation Licence-Master-doctorat (LMD). Lors des travaux préparatoires, le ministre Muhindo Nzangi avait dit tout haut son souhait de voir ce système être effectif dans l’enseignement congolais dès l’année académique 2021-2022.

En attendant la fin des assises et ses retombées, quelques étudiants se sont confiés à ACTUALITE.CD pour exprimer leurs attentes. Ils ont également donné leur point de vue sur l’application du système LMD dans l’enseignement congolais.

« Pendant l'étape de la période des états généraux, j'aimerais proposer ceux-ci : que les professeurs qui participent à cet événement puissent discuter sur comment améliorer les cours que les étudiants apprennent étant donné qu’il n’y a pas de cohérence entre la théorie et la pratique que nous vivions sur le terrain ; les équipements dans les universités ; les bourses spéciales pour les étudiants brillants. Ce système (LMD, ndlr) est tellement avantageux puisque l'étudiant reçoit les cours qui sont directement liés à sa filière. Et comme c'est un système international, pour bien appliquer cela, l'État doit mettre à jour les enseignants pour qu'ils évitent d'apporter les supports des années précédentes », suggère Daniel Aloterembi, étudiant inscrit en L2 journalisme Politique extérieur à l’Institut Facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC).

Emeraude Majino est un étudiant en G3 sciences de l’information et de la communication (SIC) à l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Pour lui, le système LMD n’est pas vraiment une bonne chose.

« Le système LMD est un ensemble de mesures ayant pour but de modifier le système d'enseignement. Il doit être accompagné  d'un changement des contenus à enseigner aux étudiants pour l'obtention d'un diplôme de licence en 3 ans. Il permet d'utiliser les bibliothèques numériques (…). Son avantage majeur est celui de finir les études avant de devenir docteur. Son désavantage, c’est qu’il y a beaucoup de cours d'où les enseignements se donnent rapidement. En une année, ils  accumulent plus de 25 cours (…). Pour moi, c'est détruire l'enseignement supérieur et universitaire », a-t-il déclaré.

Un point de vue que Rabbi Ondele, étudiant à la même Université, inscrit dans la faculté des sciences ne contredit pas totalement.

« Le système LMD est une bonne chose dans le sens où il nous amène vers le système international d'enseignement avec un diplôme équivalent dans tous les états du monde mais ce système n'est pas le bienvenu dans notre pays pour des raisons suivantes : manque d'équipements pour certaines facultés techniques (laboratoires, salles d'informatiques) ; bibliothèques ; Le changement de programme qui tarde à suivre ; manque d'infrastructures (auditoires, cas de l'université de Kinshasa) », a-t-il expliqué.

L’Université catholique du Congo (UCC) est parmi les établissements universitaires congolais où le système LMD est déjà implanté depuis quelques années. Pour Annette Tuzolana, étudiante dans la faculté de communications sociales, au regard de son expérience, ce système est très bénéfique pour la formation de l’étudiant congolais.

« A l’UCC, nous sommes déjà dans le système LMD et je peux dire que c’est une innovation dans le système d’étude congolais. Le changement intervient d’abord au niveau de l’horaire des cours. Avec le LMD, l’horaire des cours n’est pas définitif selon le trimestre. L’horaire change chaque semaine et les séances des cours sont bien établies (par exemple cours de 15h, 30h), ce qui permet aux étudiants d’organiser leur temps pour des recherches scientifiques, pour ceux qui travaillent déjà. Avec le système de crédit, l'étudiant sera en mesure de se former dans le but de préparer sa carrière professionnelle et non pour passer de classe. Le défi général dans notre pays, c’est que les étudiants souffrent tellement beaucoup pour passer de classe et ils s’adonnent à la corruption etc. Mais avec le système LMD, l’étudiant est conscient de passer même avec des échecs mais tôt ou tard, il est obligé de bien assimiler la matière pour payer le crédit ».

Et d’ajouter :

« Je m’attends aussi à une augmentation du niveau intellectuel des étudiants congolais. Parce que LMD est un système interactif entre l’enseignant et l’étudiant. C’est-à-dire que le prof n’est pas le seul à apporter la connaissance, l’étudiant aussi est en mesure de donner son avis, d’échanger et discuter avec le professeur pendant le cours. Donc les étudiants n’iront plus seulement dans le but d’être enseignés mais eux aussi seront porteurs des connaissances ».

Pour Amala Matondo, étudiant à l'UNIKIN, ce système est une bonne chose au regard de ses avantages, mais dans le contexte congolais, il ne réussira que si les moyens accompagnent son effectivité.

« Le système LMD nous permet de finir les études avant (…) parce qu'avec notre système, on fait 3 ans de graduat et 2 ans de licence, donc on voit que le LMD nous permet aussi d'économiser le temps. Mais il se pose un problème, le LMD est un système trop pratique. La question qu'on se pose est si l'État congolais a suffisamment des moyens pour équiper les universités congolaises. Les universités doivent être dotées de matériels pouvant vraiment aider et concrétiser ce système. Au cas contraire, l'enseignement supérieur et universitaire va encore se noyer davantage, ce qui ne sera pas bon pour le pays sachant qu'actuellement l'ESU a déjà beaucoup de problèmes auxquels il fait face. Et le pays est à la recherche d'un système qui va l'aider à résoudre ses problèmes et non de faire du copier-coller parce qu'on n’a pas tous les mêmes problèmes. Si ce système évolue bien ailleurs, cela ne veut pas dire que ça réussira ici parce qu'on n’a pas les mêmes problèmes », a confié cet étudiant inscrit en SIC.

La réforme LMD garantit le recyclage des étudiants et s'occupe de réduire le niveau des déperditions. Ce système vise à former les étudiants tout au long de la vie (auto -apprentissage et auto-formation). Depuis 2014, la RDC a lancé l'intégration du système LMD à l'ESU pour objectif de diminuer le nombre d'années de chaque cycle et éviter les diplômes supplémentaires.

Divine Mbala, stagiaire UNIKIN