RDC : l’actualité de la semaine vue par Néema Bikahilwira

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Coulée de lave, déplacement massif de la population, secousses sismiques, plan de contingence du gouvernement..., la semaine qui s'achève a été marquée par l'éruption volcanique du Nyiragongo. Le Desk Femme vous propose un retour sur ces faits marquants avec Néema Bikahilwira, femme politique depuis 2008 et entrepreneure basée à Goma.

Bonjour Madame Néema Bikalwira et surtout merci d’avoir accepté de nous accorder de votre temps. La semaine a été marquée par l’éruption volcanique survenue à Goma. Selon le gouvernement, 32 personnes ont trouvé la mort à la suite des incidents causés par cette catastrophe. Il s’agit notamment de sept personnes tuées par l’écoulement de lave et cinq autres asphyxiées par les gaz.  Que pensez-vous de la gestion de cette situation? 

Néema Bikahilwira : le gouvernement central a dépêché une mission d'urgence à Goma et c'est une très bonne chose. Cependant, je suppose que certaines décisions au niveau provincial ne sont pas étudiées de manière détaillée avant d'être adoptées. L'éruption volcanique est survenue dans le territoire de Nyiragongo samedi 22 mai. Et le gouvernement a attendu jusque tard dans la nuit de jeudi 27, pour appeler les populations des 10 quartiers à quitter leurs domiciles. Déjà à 5 heures du matin, plusieurs familles étaient en route pour Sake. Dès enfants de moins de 5 ans ont été contraints à parcourir cette distance à pied. Pendant ce temps, aucun site n'a été aménagé à Sake pour accueillir ces familles. Pas de latrines, pas de vivres, rien du tout. La population devait se débrouiller. Les habitants de ce territoire ont doublé ou triplé le prix de certains produits. Le gouvernement devait songer à tout cela avant faire déplacer la population.

Il existe pourtant un observatoire volcanologique à Goma. Celui-ci n’a pas pu fournir des informations sur l’évolution du Nyiragongo faute des moyens techniques et financiers depuis plus de 7 mois. Que faudrait-il faire pour éviter ces dégâts dans l’avenir ? 

Néema Bikahilwira : l'OVG n'est pas l'unique institution qui manque des moyens de fonctionnement. Ce qui manque à la RDC, ce sont des politiques qui acceptent de placer le bien-être de la population au centre de leurs priorités. Le feu président tanzanien Magufuli a su gérer sa population avec les moyens du bord. Le Congo a pourtant d'énormes potentialités, mais elles ne profite pas à la population. Quand le Congo aura ces politiques, il aura un budget conséquent affecté à la recherche scientifique, au secteur de la santé et dans tout autre secteur qui peut permettre de prévoir et anticiper les catastrophes. 
 
Il s’en est également suivi des tremblements de terre (dont 119 pour la seule journée de lundi selon l’OVG). Dans la nuit du 26 au 27, le gouverneur a ordonné l’évacuation des 10 quartiers de la ville pour Sake, une localité du territoire de Masisi. Que faudrait-il faire pour assurer une prise en charge optimale à toutes les familles qui s’y rendent ? 

Néema Bikahilwira : j'ai parcouru hier les quartiers Majengo, Katoyi et Mabanga. Ce n'est pas toute la population qui s'est rendue à Sake. Si le gouvernement n'a pas su prendre toutes les dispositions pour gérer la population qui se trouve actuellement à Sake, comment serait-il en mesure de gérer un plus grand nombre ? Il se pose également un problème de sécurité pour les domiciles abandonner par les familles. En bref, il faut des dispositions au niveau du gouvernement pour permettre aux familles qui ont tout abandonner de survivre, aux morts d'être enterrés avec dignité, aux victimes d'accidents d'être pris en charge. Au delà de tout cela, le gouvernement devrait étudier chaque décision avant de  communiquer au public.

Au cours de la semaine, les scènes d’insécurité se sont multipliées dans le territoire de Beni dans la province du Nord-Kivu, avec un bilan de 18 morts à Kisima. En Ituri, 13 autres personnes ont été tuées à Mambasa. Au Sud-Kivu, une dizaine de personnes ont été kidnappées à Ruzizi. Etant donné que cette catastrophe naturelle est survenue au moment où l'Etat de siège a été décrété au Nord-Kivu et en Ituri, comment réussir à y rétablir la paix malgré la crise humanitaire qui s'annonce dans la région ?


Neema Bikahilwira : l'État de siège avait pour mission de rétablir la paix et la sécurité. Je pense qu'il faut associer les ressortissants du Nord-Kivu, ce sont eux qui maîtrisent les réalités de cette région. Le gouvernement doit se rendre aussi dans les autres territoires et pouvoir s'installer à Béni où de nombreux massacres sont enregistrés. 

Pendant ce temps, les maires, bourgmestres et administrateurs militaires et policiers ont été nommés dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Les hommes et femmes en uniformes sont mis en exergue à travers l’Etat de siège. En termes des réformes au sein de l’armée et de la police, que proposeriez-vous ? 

Néema Bikahilwira : la Constitution prévoit 30 jours pour l'État de siège. Et nous avons pratiquement passé plus de 20 jours sans une action concrète du gouvernement pour le retour de la paix dans la région. Mais, nous attendons. Il faudra également songer à organiser une mutation entre les militaires affectés à Béni, au Nord-Kivu avec ceux d'autres provinces. Enquêter au sujet des frais affectés à la motivation des militaires, renforcer les services de renseignements et nommer de nouvelles personnes à des postes de direction au sein de l'armée et de la police.

Le gaz méthane dans le lac Kivu représente actuellement un danger pour la population en dehors du volcan de Nyiragongo. Malgré toutes les décisions avancées depuis 2014 de l'élimination du gaz carbonique par le dégazage progressif, rien n’est encore fait. Que proposeriez-vous au gouvernement actuel ? 

Néema Bikahilwira :  Il y a des pays voisins à la RDC qui exploitent le gaz de manière illicite. Le Congo n'en bénéficie pas jusqu'à présent parce que le gaz n'a jamais été exploité à notre niveau. Voilà une occasion pour le gouvernement Sama de concrétiser toutes les actions et décisions arrêtées par le gouvernement précédent.

La quinzaine de la famille se clôture le 31 Mai prochain. Pour célébrer la journée internationale de la famille cette année, le thème choisi est "Importance des nouvelles technologies pour la stabilité des familles congolaises face à la Covid-19" Que devrait faire le ministère des PTNTIC pour faciliter aux familles congolaises, leur appropriation de ces outils selon vous ?  

Néema Bikahilwira : en RDC,  beaucoup de personnes n'ont pas de téléphones intelligents. Pour se procurer un smartphone, il faut de l'argent et cela passe par les moyens financiers mais aussi par l'entrepreneuriat. Il faut par exemple réduire les taxes pour permettre à la population de la classe moyenne de se procurer ces outils. Il faut aussi disponibiliser la connexion. Nous payons déjà assez de taxes et nous ne voyons pas des actions. 

Un dernier mot ?

Néema Bikahilwira : la population du Nord Kivu est une population travailleuse. Elle a besoin de la sécurité et de la paix. Je demande aux autorités de se battre et à toute la population de s'impliquer jusqu'à ce que la paix soit rétablie dans notre territoire. Merci.

Propos recueillis par Prisca Lokale