Aperçu de l’économie congolaise dans la ZLECAF: faut-il avoir peur?

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Tribune.

IGWANDEY MOLANGA Aristote vit en France. Analyste financier de formation, il a un MBA spécialisé Corporate Finance, et il travaille pour une banque française comme Analyste risques crédits, et  il a un projet de thèse  intitulé : les financements d'investissements d'entreprises par l'endettement dans une économie ayant une forte fluctuation de taux de change, et prévision des risques banques-entreprises

ZLECAF, zone de libre-échange africain, un marché unique devant favoriser le développement des économies africaines.

Cette tribune se base sur le contexte économique actuel de la République Démocratique du Congo, l’objectif étant d’émettre un avis sur sa potentielle adhésion à la ZLECAF. La problématique ? savoir si une zone de libre-échange africain serait bénéfique pour la République Démocratique du Congo. 

Pour plus d’informations sur le fonctionnement et les missions principales de la ZLECAF, je vous invite à consulter le rapport émis sur le sujet par la Banque Mondiale, « The African Continental Free Trade Area : Economic and Distributional Effects ».

Nous évoquerons ici les conséquences économiques de l’Accord de libre-échange d’un point de vue « Importation », « Exportation », « Marché local », et enfin « Financement du déficit budgétaire » pour la République Démocratique du Congo. 

Importation.

Avec un taux d’importation  élevé (33,1% du PIB), la RDC fait partie des pays qui importent le plus, et surtout l’essentiel de la consommation de sa population.

Les importations permettent non seulement de répondre aux besoins de la consommation des ménages mais aussi de percevoir la douane sur les produits importés par l’État Congolais. Cette douane contribue fortement aux recettes budgétaires de l’ État.

Dans ce contexte, un choix s’impose, faudrait-il supprimer la douane dans la zone africaine et laisser la place au libre-échange ou faudrait-il continuer avec le marché Congolais et contrôler les produits venant de l’étranger ?

Pour ma part, la République démocratique du Congo est un pays qui importe plus de 80% de ce que consomme sa population.  En adhérant à la zone économique (ZLECAF), la population pourrait certes constater une baisse des prix des biens importés de ladite zone, du fait de la suppression des droits de douane, cependant, l’État Congolais verrait à son tour ses recettes douanières baisser pour le même fait, ce qui entrainerait une baisse du budget de l’État.

Par conséquent, il est fort probable que les entreprises domiciliées en République Démocratique du Congo constatent une augmentation du taux d'imposition, et pourquoi pas les ménages, car l’État devra compenser ses recettes perdues.

Exportation.

La République Démocratique du Congo est un pays qui, essentiellement, n’exporte que des matières premières et principalement en direction de la Chine. Cela rend son économie très vulnérable et peu résiliente en cas de choc négatif de l’évolution du cycle des matières premières mais également très dépendante de la demande chinoise. L’exportation étant peu diversifiée, il lui serait difficile de bénéficier de l’avantage comparatif dans le cadre de libre-échange. Le pays ne pourra donc pas accroitre sa richesse nationale puisque la production ou la productivité la plus forte ou la moins faible, ne sera pas mise en valeur, et par conséquent, cette zone de libre-échange ne pourrait avoir un fort impact positif sur le solde commercial.

Conséquence sur le marché local.

Le marché unique africain devrait avoir un impact négatif sur la production locale congolaise étant donné que les biens importés coûteraient moins chers que ceux produits en République Démocratique du Congo.  La suppression des droits de douane fera baisser le coût d'importation vers la RDC, et cela impliquera une baisse de prix des produits importés sur le marché congolais du fait également de l’augmentation de la concurrence et donc de l’offre.

Ainsi, face à cette nouvelle concurrence, la production congolaise ne pourrait tenir. 

De ce fait, pour permettre aux producteurs locaux de s’en sortir, l’État devra compenser les coûts avec des subventions pouvant leur permettre de réguler les prix en fonction de la concurrence. 

Financement du déficit Budgétaire.

Comme pour beaucoup de pays du monde, les prévisions budgétaires ne correspondent pas souvent à réalité des recettes réalisées. Dans le cas de la République Démocratique du Congo, l’État dépense souvent au-dessus de ses moyens, et a tendance à recourir à la planche à billets pour, par exemple, payer ses fonctionnaires. Rappelons que l’essentiel des biens consommés par la population provient de l’importation. Cela a un fort impact sur les fluctuations de notre monnaie locale. Il existe donc un risque de perte de pouvoir d’achat de la population. 

Il est nécessaire de signaler que l’inflation (perte de pouvoir d’achat de la population) se traduisant par une augmentation durable des prix est aussi considérée comme un impôt invisible que la population paie sans se rendre compte.

Conclusion.

D’une part, si cet accord prévoit d'imposer que les maisons mères des entreprises  présentes dans au moins deux pays de la zone ZLECAF mais pas les filiales des entreprises, pour un pays comme la RDC où le salaire minimum n'est pas imposé par la loi, il serait possible que des filiales s'implantent sur le sol congolais et que celles-ci profitent du capital humain congolais sans payer à juste titre les employés congolais.

D’autre part, le financement du déficit par la planche à billets, pour qu’ensuite les bénéficiaires consomment des biens importés, a un impact sur la balance commerciale. La quantité de produit importés sera toujours supérieure à celle de produits exportés, donc un déficit commercial sera toujours observé. Ainsi on tournera en rond.

Ce même financement impacte le taux de change. Nous constatons effectivement une forte dépréciation du franc congolais depuis des années.

Enfin, la ZLECAF étant une zone économique et non une zone monétaire, la situation économique congolaise ne pourrait pas s’améliorer. En effet, bien que les prix des biens importés baisseraient nous observerions une baisse du pouvoir d’achat de la population causée par la dépréciation de la monnaie locale. 

La ZLECAF ne devrait être avantageux que pour les géants africains comme la République Sud-Africaine. 

Prenons l’exemple de l’Angola qui a un taux de change constant. Le système fait que le dollar américain n’est pas facilement accessible aux ménages ainsi qu’aux entreprises, contrairement à la RDC qui a un taux de change flottant, et dont les agents économiques ont accès facile au dollar.

Le marché de Lufu sera un pont qui permettra aux opérateurs angolais d’importer du dollar américain de l’économie congolaise à la suite de leur exportation des produits revenant moins chers dans l’économie congolaise, par rapport à la production locale congolaise. Par conséquent, le dollar disponible sur l’économie congolaise sera exporté vers l’économie angolaise, et c’est le franc-congolais qui devrait subir une dépréciation. 

Nous constatons ainsi que la République Démocratique du Congo n’est pas prêtre pour adhérer à la ZLECAF, d’où la nécessité de reformer le système économique et bancaire congolais.