RDC-Ebola : des légèretés dans la surveillance aux postes d’entrée de Butembo risquent de créer la méfiance vis-à-vis de la riposte

Un agent de riposte contre Ebola affecté à l'entrée de Butembo/Ph ACTUALITE.CD

Depuis une semaine, des dispositifs de lavage de mains et de prélèvement de température ont été restaurés aux principaux points d’entrée de la ville de Butembo (Nord-Kivu), pour renforcer la surveillance de la douzième épidémie de la maladie à virus Ebola dont six cas sont jusque-là signalés à Butembo et Lubero depuis le 6 février dernier. Mais l’horaire de surveillance fait partie des défis qui risquent de créer la méfiance vis-à-vis de la riposte. Reportage.

En visitant la barrière de Kangothe, située à la sortie Nord de Butembo, nous remarquons la restauration des dispositifs d’hygiène. Des tanks de près de 500 litres, dotés de près de cinq robinets chacun, sont installés de part et d’autre de la barrière. Ces tanks, estampillés « OIM (organisation internationale de migration, Ndlr) contiennent de l’eau chlorée, ravitaillée par des organisations humanitaires.

« C’est depuis une semaine que ces dispositifs d’hygiène sont restaurés ici dans le cadre de la surveillance de l’épidémie d’Ebola qui est de nouveau signalée dans notre ville », confie à ACTULITE.CD, M. Hommage Viseso, l’un des agents du poste de contrôle de la mairie affecté à Kangothe. 

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Les passants sont à nouveau appelés à se laver les mains et à se soumettre au contrôle de température avant de franchir la barrière.

« La surveillance, une urgence »

Juin 2020, à la fin de la dixième épidémie d’Ebola qui a fait plus de morts à Butembo, les dispositifs   d’hygiène ont été levés à tous les postes d’entrée de la ville, notamment Kangothe, Kyambogho, Komba… Mais à la déclaration de la douzième d’épidémie, les autorités ont décidé de restaurer les dispositifs de lavage de mains et de prélèvement de température, en vue de renforcer la surveillance d’une épidémie dont six cas sont signalés depuis le 6 février à Butembo et Lubero.

Vendredi, ACTUALITE.CD a visité le même poste pour comprendre le fonctionnement de la surveillance épidémiologique contre Ebola.  Oui, des passants sont à nouveau appelés à se laver les mains et à se soumettre au contrôle de température avant de franchir la barrière. 

Gilbert Kambale revenait de Beni, 54 Km au Nord de Butembo, et a accepté de se soumettre à ce protocole pour se protéger contre Ebola.

« Nous venons de nous laver les mains pour nous prévenir contre Ebola et Covid-19. C’est important de nous protéger et de protéger les autres, parce que l’épidémie d’Ebola est encore là, elle est dangereuse. Il faut respecter les règles d’hygiène, pour que nos proches ne meurent plus comme lors de la précédente épidémie dans la région. L’hygiène est la meilleure barrière pour nous protéger et protéger les autres », exhorte Gilbert Kambale, souriant, séchant ses mains lavées.

Les agents du Programme national de l’hygiène aux frontières (PNHF) qui assurent la surveillance aux postes d’entrée indiquent que la « surveillance est une urgence » pour couper la chaîne de contamination d’Ebola. Thermo-flash en main, Bulambo Mwasa rassure que tous les efforts sont consentis pour qu’aucun cas d’Ebola n’échappe au contrôle.

« Nous sommes ici depuis dimanche (le 14 février, Ndlr) pour aider la population à bien riposter contre Ebola, en renforçant la surveillance. Jusque-là, il n’y a pas de résistance. Des habitants ont tiré des leçons de la précédente épidémie. Ils se lavent les mains et se soumettent au contrôle de température sans contrainte. Il faut appliquer les mesures d’hygiène publique pour que l’épidémie ne persiste plus », indique Bulambo Mwasa, l’un des agents du PNHF commis à Kangothe.

« Mais des légèretés qui attirent la méfiance »

En revisitant la barrière ce dimanche, des riverains rapportent à ACTUALITE.CD des légèretés dans le chef des responsables de surveillance, lesquelles risquent, d’après eux, de « créer la méfiance vis-à-vis de la riposte ». Des légèretés observées surtout dans l’horaire de la surveillance. A notre arrivée à 16 heures, le trafic était intense : à chaque 5 minutes, une nouvelle voiture franchissait la barrière, sans compter les motos. Mais aucun des passagers ne descendaient pour se laver les mains et prélever sa température. Et pour cause : l’absence des agents de l’OIM qui clôturent leur surveillance à 16 heures.  Si vous croyez que la surveillance fonctionne 24 heures sur 24, détrompez-vous.

« Les équipes de surveillance viennent à 7 heures et rentrent entre 15h30 et 16h00 », nous confie l’un des agents affectés au poste de contrôle de la mairie. « Nous ouvrons la barrière à 5h et nous la fermons à 21 heures. Comprenez donc qu’il n’y a pas de surveillance entre 5h et 7h, l’heure de l’arrivée des agents de l’OIM, et entre 16h et 21h, après leur départ. Or le trafic est toujours intense ces heures-là », déplore un agent de service de sécurité.

A l’absence des agents de surveillance affectés par l’Organisation internationale de migration, certains conducteurs ou agents d’autres essayent d’interpeller les passagers de se soumettre aux protocoles d’hygiène. Mais pour ce cas, la surveillance n’est pas obligatoire.

« Nous qui sommes commis au contrôle d’autres formalités, nous essayons d’appeler les passagers à se laver les mains, même si nous ne pouvons pas prélever leur température, dès lors que les agents de surveillance partent avec leur thermoflash. Ceux qui acceptent le font, ceux qui ne veulent pas, ne le font pas. Nous ne sommes pas obligés de les contraindre. Cela ne rentre pas dans nos prérogatives », ajoute notre interlocuteur.

Cette défaillance dans la surveillance gène Catherine qui vend des poireaux à côté de la barrière. 

« Ils viennent en retard et quittent tôt, on dirait après 16 heures Ebola ne se propage pas. Rien de sérieux jusque-là. S’ils ne se réorganisent pas comme avant (la dixième épidémie), les passants risquent de ne pas prendre au sérieux cette épidémie », s’inquiète Catherine.

M. Hommage Viseso appelle les autorités à prendre la surveillance épidémiologique au sérieux pour éviter toute méfiance vis-à-vis de la riposte actuelle.

« C’est tiquant lorsqu’un passant qui revient à 16 heures ne retrouve pas les agents de surveillance, alors qu’à 10 heures, il a été contraint de se laver les mains et se soumettre au prélèvement de température. Certains osent même nous demander si après 16 heures il n’y a pas d’Ebola. Pareille question peut paraître banale, mais ce sont ces genres de constats qui créent la méfiance dans le chef des habitants. Dès lors qu’elles ont restauré la surveillance, il faut que les autorités affectent deux équipes comme c'était le cas lors de la dixième épidémie. Une équipe de jour, et une équipe de nuit », recommande Hommage Viseso.

Certains services ont évoqué à ACTUALITE.CD l’insuffisance des moyens pour la prise en charge des agents de surveillance. La surveillance fait partie des défis pour le contrôle de l’épidémie d’Ebola et de la pandémie du coronavirus, dans cette région à forte mobilité.

Claude Sengenya, à Butembo