Kinshasa : la protection des droits d’auteur au cœur d’un débat comparatif entre l’Afrique et la France

Conférence sur la propriété intellectuelle
Conférence autour de la propriété intellectuelle

L’Institut français de Kinshasa (IFK), en collaboration avec Kongo Music Expo a organisé, ce samedi 6 décembre, une rencontre consacrée à la propriété intellectuelle, réunissant experts, opérateurs culturels et artistes. Placée sous le thème "Regards croisés sur les mécanismes de promotion et de protection des droits d’auteur et droits voisins en RDC, en Afrique et en France", la conférence a mis en lumière les défis structurels qui entravent encore la gestion efficace des droits en République Démocratique du Congo.

L'échange s’est déroulé dans la salle de cinéma de l’Institut français de Kinshasa, animé par le Professeur Théodore Nganzi, directeur de cabinet adjoint de la ministre de la Culture, Arts et Patrimoine, et modéré par Randy Kalay, opérateur culturel et spécialiste en propriété intellectuelle.

Dans son intervention, le professeur Théodore Nganzi a souligné le retard persistant de la RDC dans la reconnaissance et la protection de certaines catégories d’œuvres, notamment les logiciels et les bases de données. Il a insisté sur l’urgence d’une réforme du système congolais afin de l’aligner sur les normes internationales.

« En comparant la situation avec celle de l’Afrique francophone et de la France, nous avons relevé des similitudes en matière de droits accordés et d’œuvres reconnues. Toutefois, la RDC accuse un net retard sur certains types d’œuvres comme les programmes informatiques », a-t-il précisé.

Selon lui, une autre difficulté majeure réside dans le monopole de la gestion collective actuellement détenu par une seule entité. Il estime par ailleurs que ce modèle, désormais dépassé ailleurs, engendre de « réels problèmes de performance, de transparence et de redevabilité ».

Autre constat : un manque criant de perception de redevances pourtant essentielles, telles que le droit de suite, la rémunération pour copie privée, les redevances issues de l’exploitation numérique ou encore les protections liées à la vie privée et posthume de l’auteur.

« Ce sont là des défis majeurs que nous devons relever pour améliorer l’efficacité de la gestion collective des droits en RDC et mieux répondre aux attentes des créateurs », a-t-il conclu.

Pour Randy Kalay, cette rencontre a permis de souligner un enjeu important qu’est : le manque de connaissance des droits demeure l’un des points faibles majeurs du secteur artistique congolais.

Selon lui, « de nombreux créateurs congolais ne maîtrisent pas les dispositifs de protection en place, ce qui les expose davantage aux abus, que ce soit de la part d’exploitants d’œuvres ou des plateformes numériques ».

« La comparaison internationale comme levier de progrès »

Une partie des échanges a porté sur l’importance d’étudier les modèles étrangers pour adapter des solutions pertinentes au contexte congolais. Le professeur Nganzi a notamment cité la Côte d’Ivoire et le système européen des droits voisins, en vigueur depuis 2004, comme sources d'inspiration.

« Une étude comparative nous permet de sortir des positions optimales et d’identifier des pistes d’amélioration concrètes. Les droits d’auteur et droits voisins représentent un levier économique très important pour les créateurs », a-t-il souligné.

Il a aussi insisté sur la nécessité de renforcer les compétences des professionnels œuvrant au sein des sociétés de gestion collective, tout en intensifiant les campagnes de sensibilisation auprès des artistes et producteurs.

« Il y a un énorme besoin de sensibilisation en RDC, aussi bien pour les créateurs que pour ceux qui sont chargés de gérer leurs droits », a-t-il poursuivi.

Les intervenants se sont accordés à dire que la modernisation du système de propriété intellectuelle en RDC dépasse la seule dimension juridique : elle constitue également un enjeu économique très stratégique. Dans un pays où les industries culturelles sont en plein essor, il s'agit de garantir aux créateurs une meilleure valorisation de leur travail.

Cette rencontre organisée à l’institut français de Kinshasa s’inscrit dans le cadre d’un cycle de conférences sur la propriété intellectuelle, dont l’objectif est de mieux outiller les artistes congolais, encore trop souvent privés de leurs droits et de revenus équitables.

D’après les organisateurs, les recommandations issues de ces échanges seront soumises aux institutions compétentes, afin d’alimenter les réflexions en cours au ministère de la Culture. Une prochaine session de ce cycle est prévue dans les prochaines semaines.

James Mutuba