Sur le terrain comme au niveau des officiels, les tensions persistent entre les autorités de la République démocratique du Congo et celles du Rwanda, en dépit de l’accord de paix de Washington signé entre les deux pays sous les auspices des États-Unis d’Amérique.
Lors d’un échange avec la presse à Kigali, jeudi 27 novembre 2025, le président rwandais Paul Kagame a semblé camper sur sa position, faisant de la neutralisation des FDLR la condition première du retour de la paix dans la région. Il a insisté sur son rôle de garant de la sécurité intérieure du Rwanda face à ce qu’il considère comme une menace des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qu’il qualifie de forces génocidaires soutenues, selon lui, par le régime de Kinshasa.
"J’avais l’habitude de dire aux dirigeants Congolais que pour que nous ayons la sécurité dans notre pays et la paix pour laquelle nous nous sommes battus pendant tant d’années, c’est une condition indispensable. Nous devons nous accorder la paix mutuellement. Je ne peux pas demander la paix à qui que ce soit comme une faveur, non. Pour que nous ayons la paix, je vous supplie, vous devez me faire une faveur, me donner ma paix ? Ca c’est un autre monde dans lequel je ne vis pas. Je ne peux pas demander à qui que ce soit de me faire une faveur pour que le Rwanda soit en sécurité ou pour que mes droits soient respectés. Au début, je pourrais peut-être vous le demander si vous le souhaitez, ou même vous supplier, mais si vous ne me donnez pas mes droits, alors nous nous battrons, c’est clair", a déclaré Paul Kagame, Président Rwandais.
Face à la polémique née depuis la Conférence humanitaire de Paris au sujet de la réouverture de l'aéroport de Goma, le Président Rwandais Paul Kagame a pris position pour la rébellion de l'AFC/M23 estimant qu'il n'existe pas actuellement une crise humanitaire comme avant l'occupation de la ville de Goma mais aussi toute négociation autour de l'aéroport doit se faire avec les autorités actuelle c'est-à-dire la rébellion de l'AFC/M23
"Concernant Goma, je ne comprends pas tout à fait. Quant à la crise humanitaire, oui, il y a des souffrances, c'est indéniable. Mais il semble qu'il y en ait eu davantage avant la crise, ou plutôt avant son déclenchement. Aujourd'hui, je pense que les souffrances persistent, mais peut-être sont-elles moins importantes. Cependant, parler autant de crise humanitaire, c'est trouver un point d'entrée, un point d'entrée facile, pour ensuite la façonner à sa guise, en fonction de la manière dont certains perçoivent l'histoire dont je parle. On ne peut pas parler de crise humanitaire, sans en souligner la cause profonde", a fait savoir le Président Rwandais Paul Kagame
À Kinshasa, la dernière prise de parole du président rwandais Paul Kagame est considérée comme une revendication des actions menées par la rébellion de l’AFC/M23. Pour le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, la RDC attend du Rwanda le respect de ses engagements dans le cadre des initiatives diplomatiques en cours pour le retour de la paix dans l’Est du pays.
"Je crois que c'est le père qui revendique les actions du fils si vous l'avez suivi, il n'y a pas du tout d'ambiguïtés, nous l'attendons sur le terrain du respect de ses engagements par rapport au processus diplomatique dans lequel nous sommes engagés. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans les prochains jours pour faire le point de qui s'est acquitté de ce qu'il devrait faire pour que la paix revienne dans cette partie du territoire et pour que nous puissions permettre à nos populations de vaquer librement à leurs occupations", a réagi Patrick Muyaya, Porte-parole du gouvernement jeudi 27 novembre 2025
Il a fustigé le comportement négationniste de Paul Kagame tendant à dénier l'existence de la crise humanitaire dans l'Est de la RDC pour s'opposer à la réouverture de l'aéroport de Goma. Patrick Muyaya a réaffirmé l'engagement du gouvernement à tout mettre en oeuvre pour le rétablissement de l'autorité de l'État
"La province du Nord-Kivu est dirigée par le gouverneur militaire depuis Beni tout comme la province du Sud-Kivu à travers la ville d'Uvira. Il y a des parties du territoire qui sont occupées, nous y travaillons quotidiennement, vous avez vu que le budget 2026 consacre 30% à la sécurité et donc ici le message qu'il faut repasser à toutes nos populations qui ont pu être victimes de cette manipulation, nous travaillons pour que chaque centimètre carré du territoire national nous revienne et pour que chaque vie des congolais soit préservée, ce n'est pas ceux qui dénient l'existence de la crise humanitaire que le monde voit qui peuvent aujourd'hui se présenter comme la solution parce que ce sont eux le problème, ce sont eux qui font que l'aéroport de Goma ne puisse pas être ouvert, eux qui ont tué, eux qui ont attaqué des écoles et ils seront tenus pour responsables", a souligné le porte-parole du gouvernement.
Alors que sur le terrain les résultats restent peu visibles en matière de désescalade entre Kinshasa et Kigali, mais aussi entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23, le processus de médiation américaine semble, quant à lui, suivre son calendrier. Les différentes parties prenantes engagées dans le processus de Washington sous la facilitation des États-Unis d’Amérique respectent, pour l’instant, les échéances prévues.
Lors de la dernière réunion du mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité (MCCS), tenue les 19 et 20 novembre 2025 à Washington D.C en présence des représentants de la RDC, du Rwanda, des États-Unis, de l’État du Qatar, de la République du Togo (médiateur de l’Union africaine), ainsi que de la Commission de l’Union africaine, les participants ont évalué le niveau de mise en œuvre de l’accord de Washington, signé il y a près de quatre mois, soit le 27 juin 2025.
"La RDC et le Rwanda se sont engagés à faire progresser l’ordre d’opérations (OPORD) afin de mettre en œuvre le concept d’opérations (CONOPS) du plan harmonisé pour la neutralisation des FDLR et le désengagement des forces/la levée des mesures défensives par le Rwanda. Les observateurs de la JSCM ont salué les efforts déployés par les Parties pour faciliter la poursuite de la démobilisation, du rapatriement et de la réintégration des membres des FDLR ", lit-on dans le communiqué final du département d'Etat américain
Au cours de la même réunion, les participants ont examiné les progrès accomplis dans la première phase de l'OPORD, notamment les mises à jour concernant le partage de renseignements et les opérations d'information menées par le RDC pour sensibiliser les communautés accessibles et inciter les membres des FDLR à déposer les armes. Les Parties ont engagé des discussions ouvertes afin d'examiner les difficultés persistantes et d'identifier les lacunes et les opportunités pour assurer le succès de la première phase. Les membres du JSCM ont également entamé des discussions sur la deuxième phase de l'OPORD, notamment les actions visant à neutraliser les FDLR et à lever les mesures défensives du Rwanda.
À la suite de la chute de Goma et Bukavu et de l’échec du processus de Luanda, l’accord de Washington et le processus de Doha constituent aujourd’hui les deux volets complémentaires des efforts diplomatiques visant à mettre fin aux conflits persistants dans l’Est de la RDC, en particulier ceux impliquant le Rwanda et les groupes armés tels que le M23.
Clément MUAMBA