Plus de six décennies après l’accession de la République démocratique du Congo à l’indépendance, le système carcéral demeure au centre des inquiétudes. Les conditions de détention, souvent contraires aux normes internationales, restent marquées par une surpopulation extrême, la malnutrition, des conditions d’hygiène déplorables et l’insuffisance de soins médicaux dans plusieurs établissements pénitentiaires.
Cette réalité est une nouvelle fois confirmée dans un nouveau rapport de la Fondation Bill Clinton pour la Paix (FBCP), qui s’est particulièrement penchée sur les deux principales prisons de Kinshasa : la prison militaire de Ndolo et le Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK, ex-prison de Makala). Ce rapport alarmant révèle une surpopulation extrême de 11 404 détenus à Makala et 2 339 à Ndolo.
Selon le document publié ce mercredi 19 novembre 2025, "à la prison centrale de Makala, rien n’a changé : la surpopulation, la malnutrition, la lenteur des procédures judiciaires, les mauvaises conditions de détention, les décès récurrents, les tracasseries imposées aux visiteurs et les soins de santé déplorables persistent ", indique l’organisation dirigée par Emmanuel Cole.
Concernant la prison militaire de Ndolo, le rapport cite le témoignage de plusieurs détenus, dont celui de Norbert Luyeye, transféré par l’ex-DEMIAP avec 24 autres personnes, parmi lesquelles figurait le défunt général Sikatende. Ces détenus reconnaissent que les conditions de détention y sont relativement conformes aux normes, mais dénoncent néanmoins la surpopulation et la lenteur des procédures judiciaires.
Un paysage carcéral national marqué par la vétusté et la non-opérationnalité
Le rapport rappelle également qu’avant l’aggravation du conflit dans l’Est du pays, la RDC comptait 148 prisons, dont 121 sont actuellement opérationnelles, tandis que 27 restent non opérationnelles. Cette non-opérationnalité est due à la vétusté, à la ruine de certains bâtiments, à l’absence de parquets dans les juridictions concernées ou encore à l’absence de prisonniers. Le système carcéral congolais comprend des prisons civiles et deux prisons militaires :la prison de Ndolo (Kinshasa) et la prison d’Angenga (province de la Mongala)
À cela s’ajoutent 34 quartiers militaires qui, sans en avoir le statut légal, servent tout de même de lieux de détention. "C’est pourquoi nous continuons à dénoncer tous les cachots clandestins non reconnus par la loi congolaise en vigueur", insiste le rapport.
Recommandations de la Fondation Bill Clinton pour la Paix
Pour améliorer de manière structurelle le système pénitentiaire congolais, Emmanuel Cole formule plusieurs recommandations : réformer la loi pénitentiaire pour l’adapter à l’évolution du pays ; créer une Direction générale des prisons ; doter l’administration pénitentiaire d’un statut particulier, assimilé à un service de renseignements ; construire de nouveaux bâtiments et réhabiliter ceux qui sont délabrés ; accélérer les procédures judiciaires ; augmenter le nombre de magistrats et améliorer leurs conditions de travail ; exécuter les ordonnances de grâce et les décisions judiciaires ; lutter contre l’abus de pouvoir et le trafic d’influence ; assurer une véritable rééducation des prisonniers pour faciliter leur réinsertion sociale ; sanctionner les magistrats indisciplinés ; respecter les délais de jugement prévus par la loi ; régler les problèmes de salaires, de primes et de formation du personnel pénitentiaire ; désengorger les prisons ; améliorer les conditions de vie des détenus sur toute l’étendue du pays ; renforcer le monitoring judiciaire et accompagner les détenus dans leurs démarches ; garantir le respect des droits des détenus ; fermer tous les cachots clandestins non reconnus par la loi.
Priorité du gouvernement, mais actions encore timides
Pour rappel, le ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Guillaume Ngefa, a inscrit l’amélioration des conditions carcérales parmi ses priorités conformément au programme d'actions du gouvernement.Plusieurs projets de construction de nouvelles prisons ont déjà été évoqués en Conseil des ministres, mais leur concrétisation se fait toujours attendre.
Très récemment, le garde des Sceaux a effectué une série de visites dans différentes prisons du pays afin de se rendre compte personnellement des réalités du terrain. Face aux nombreuses difficultés constatées, le successeur de Constant Mutamba avait promis des interventions rapides du gouvernement central.
Clément MUAMBA