Choléra en RDC : MSF appelle à une réponse “urgente” et “concertée”

Prise en charge des malades de choléra
Prise en charge des malades de choléra

La République démocratique du Congo (RDC) fait face à une épidémie de choléra d’une intensité alarmante. En seulement neuf mois (de janvier à septembre) plus de 58 000 cas suspects ont été enregistrés, selon les chiffres du ministère de la Santé publique, hygiène et prévoyance sociale. Il s’agit de l’une des épidémies les plus graves de la dernière décennie, révélant l’ampleur de la crise sanitaire qui frappe le pays.

Cette alerte provient de Médecins Sans Frontières (MSF), qui tire la sonnette d’alarme et appelle à une mobilisation immédiate et renforcée des autorités nationales, des acteurs humanitaires et des partenaires internationaux pour contenir la propagation de la maladie.

"Le choléra est présent, il est plus que présent. Aujourd’hui, nous parlons de plus de 58 000 cas en République démocratique du Congo. C’est l’une des épidémies les plus graves de ces dix dernières années, et nous avons encore deux mois devant nous. Nous tirons la sonnette d’alarme, d’autant plus que la saison des pluies va commencer", a déclaré devant la presse, le Dr Jean-Gilbert Ndong, coordonnateur médical de MSF en RDC.

Selon cette organisation humanitaire médicale internationale et indépendante, le choléra doit être placé au cœur des priorités nationales en tant que menace majeure pour la santé publique. L’organisation appelle à une action coordonnée pour garantir la fourniture rapide de soins médicaux, l’accès aux vaccins, et des investissements durables dans l’eau potable et l’assainissement. À ce jour, 20 des 26 provinces du pays sont touchées. De janvier à mi-octobre, plus de 1 700 décès ont été recensés, pour un taux de létalité supérieur à 3 %.

"Cette situation nous inquiète énormément, surtout dans un contexte de rareté des ressources financières. Depuis le désengagement de plusieurs bailleurs internationaux en début d’année, de nombreux acteurs humanitaires ont dû se retirer. Nous lançons donc un appel à une implication accrue, à plus de moyens et à une meilleure coordination pour renforcer la lutte contre le choléra", a ajouté le Docteur Ndong lors de sa communication

Une propagation rapide et des zones jusque-là épargnées

L’épidémie ne cesse de s’étendre, touchant désormais des zones de santé non endémiques. Les inondations, les conflits armés, les déplacements massifs et la faiblesse des systèmes d’assainissement contribuent à alimenter les flambées. À l’approche de la saison des pluies, le risque d’aggravation est élevé.

"La propagation rapide de l’épidémie cette année nous préoccupe particulièrement. Nous redoutons de nouvelles flambées si des mesures urgentes ne sont pas prises", alerte le Docteur Ndong.

MSF renforce son intervention sur le terrain

Depuis janvier 2025, MSF a intensifié ses interventions dans plusieurs provinces : Nord et Sud-Kivu, Maniema, Sankuru, Tshopo, Équateur, Kinshasa, Mai-Ndombe, Haut-Katanga et Tanganyika. Les équipes restent mobilisées dans les zones les plus touchées, notamment à Fizi (Sud-Kivu) et Kongakonga (Tshopo). Depuis le début de l’année, MSF a conduit 16 interventions d’urgence, permettant de soigner plus de 35 800 patients et de vacciner plus de 22 000 personnes contre la maladie.

"À ce stade critique, seule une mobilisation générale permettra de contenir la maladie et de freiner l’expansion alarmante des foyers épidémiques", insiste le docteur Ndong.

Des obstacles majeurs à la riposte

Sur le terrain, la réponse se heurte à de nombreux défis : insuffisance de financement, manque de coordination, pénurie de personnel médical et de fournitures, et distribution limitée des vaccins.La faiblesse des systèmes de surveillance rend également difficile l’identification rapide des cas suspects. 

"Des mesures ont été prises, mais leur mise en œuvre est freinée par de multiples facteurs : insécurité persistante, problèmes logistiques, acheminement des intrants, etc. Le choléra est une maladie liée à l’eau et à l’hygiène. Sa réponse doit être multisectorielle, mais trop souvent, elle reste confinée au seul domaine de la santé", a souligné le Docteur Ndong.

Une maladie évitable mais toujours meurtrière

Le choléra est une infection bactérienne hautement contagieuse, souvent mortelle sans traitement, mais facilement évitable. Sa propagation est favorisée par un accès limité à l’eau potable, un assainissement insuffisant et de mauvaises conditions d’hygiène, notamment dans les zones densément peuplées et les sites de déplacés internes. MSF soutient le ministère de la Santé dans la prise en charge médicale, la formation d’agents communautaires, la mise en place de points de chloration et le renforcement des systèmes d’eau et d’assainissement.

"Partout où nous intervenons, le constat est alarmant : les structures existantes ne sont pas adaptées, les intrants médicaux manquent et les vaccins sont insuffisants. Le gouvernement et les partenaires doivent renforcer les moyens financiers et logistiques, y compris dans les zones reculées", a plaidé Ton Berg, cheffe des programmes MSF au Sud-Kivu.

Accès difficile et défis logistiques

L’accès aux patients demeure un véritable défi, en raison de l’insécurité, des barrières administratives et de la fermeture prolongée des aéroports de Bukavu et Goma, qui freinent l’acheminement de matériel médical. Dans la zone de santé de Fizi, la présence humanitaire reste limitée, et très peu d’acteurs se sont engagés dans la lutte contre la maladie.

"L’insécurité persistante le long des axes principaux entrave les déplacements et retarde la livraison de l’aide, obligeant les équipes à effectuer de longs détours pour éviter les zones à risque", a déploré Ton Berg.

Cette augmentation des cas survient alors que la RDC fait face simultanément à plusieurs autres maladies notamment Ebola, mpox, rougeole, et bien sûr le choléra. Malgré les assurances répétées du gouvernement lors des réunions du Conseil des ministres sur sa capacité de riposte, la situation reste critique et exige des actions immédiates, coordonnées et soutenues.

Clément MUAMBA