À la dernière minute, la République Démocratique du Congo a refusé de signer l'accord portant sur le cadre d'intégration économique régionale avec le Rwanda sous médiation américaine, malgré plusieurs jours de négociations des experts à Washington qui avaient permis d’aboutir à un texte commun.
Alors que plusieurs parties prenantes au processus de Washington espéraient voir Kinshasa parapher ledit accord pour faire avancer sa mise en œuvre, le gouvernement a décidé de ralentir les pas, exigeant avant tout, le départ des troupes Rwandaises du sol congolais. Selon le porte-parole du gouvernement de la RDC Patrick Muyaya, la paix, la stabilité et la souveraineté sont des conditions préalables à tout cadre économique durable.
"On ne pourra parler d'économie ou d'intégration que lorsque nous aurons la paix restaurée et une paix que nous souhaitons définitive et durable. Le chapitre 6 de l'accord parle de la création du cadre d'intégration économique régionale. Je dois vous rappeler que, à l'instar de l'accord de Washington qui avait été précédé par une déclaration de principes, la création du cadre d'intégration économique régionale a aussi été précédée par un énoncé de principes. Dans tout le texte, la paix est la première condition qui doit permettre aux autres conditions de pouvoir se mettre en place", a déclaré ce mercredi 8 octobre, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement lors d'un briefing presse.
Kinshasa considère que bientôt quatre mois après la signature de l'accord de Washington, les conditions d'un retour de paix ne sont pas encore réunies.
"Dans ce que nous avons vu sur le terrain depuis le 27 juin, ce n'est pas le décor qui permet le retour de la paix et dont le Président de la République conformément à sa vision, est resté cohérent et nos négociateurs à Washington ont pris la position, le choix de ne pas signer. Cela ne veut pas dire que le travail qui avait été fait par nos experts, les experts américains et les experts rwandais tombent à l'eau, c'est un travail qui pourra s'appliquer le moment venu lorsque les conditions d'un retour d'une paix que nous voulons définitive et durable seront réunies. Nous dans le cadre de nos objectifs, c'est d'abord la paix définitive et durable ensuite on peut parler de développement, d'échanges; ça aura été mal compris pas seulement par notre opinion mais même par nous-mêmes que nous signions un accord pour créer un cadre d'intégration économique régionale alors que la pleine souveraineté qui est une des conditions sine qua none posée par la RDC n'est pas encore restaurée", a martelé Muyaya.
À la question de ACTUALITE.CD de savoir pourquoi cette condition n'était pas posée avant même la signature de l'accord de Washington? Le porte-parole du Gouvernement précise que ce refus n’a rien d’un désengagement, mais relève plutôt d’une « cohérence stratégique » conformément aux orientations du Président Félix Tshisekedi.
"Parce que lorsqu'on signe un accord, on le signe de bonne foi, ça veut dire que chacun doit faire sa part mais nous tous nous savions en signant y compris le médiateur américain, que les choses ne se feront pas de manière automatique. Nous savons que la paix est un processus lorsqu'on a convenu qu'on discutait sur cet accord qui réglait les problèmes sécuritaires, on sait que l'autre problème c'est l'économie, mais pour arriver à l'économie il faut créer les conditions, la paix définitive et durable, c'est l'expression du Président de la République", a-t-il expliqué.
Le texte, appelé Cadre d’intégration économique régionale (CIER), avait pour objectif de jeter les bases d’une coopération renforcée dans plusieurs secteurs : exploitation minière, infrastructures, énergie, développement industriel, industrie agroalimentaire, santé publique et tourisme transfrontalier. Il s’inscrivait dans la continuité de la Déclaration de principes signée le 25 avril 2025 à Washington par les ministres des Affaires étrangères congolais et rwandais, et dans le prolongement de l’accord de paix conclu le 27 juin 2025 à la Maison-Blanche.
Olivier Nduhungirehe, Ministre Rwandais des Affaires Étrangères, Coopération Internationale avait rejeté les arguments selon lesquels Kinshasa aurait conditionné la signature de l’accord économique au retrait préalable de 90 % des troupes rwandaises de l’est de la RDC. « Cette condition est un prétexte médiatique ridicule, jamais invoqué par la délégation congolaise lors des négociations », a-t-il déclaré, soulignant que les questions sécuritaires relevaient exclusivement du Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (MCCS).
Le CIER, présenté comme une plateforme dynamique de coopération, visait notamment à formaliser l’exploitation minière artisanale, renforcer la transparence et la traçabilité des minerais, développer des infrastructures régionales (notamment dans le cadre du corridor de Lobito soutenu par les États-Unis), accroître les capacités de production et de transformation des minerais, et promouvoir des initiatives conjointes dans les secteurs de l’énergie, de la santé publique et du tourisme.
Il devait constituer le volet économique du processus de paix lancé le 27 juin 2025 par Washington, aux côtés des engagements sécuritaires discutés dans le cadre du MCCS.
Clément MUAMBA