Après près de sept ans d'activités, Médecins Sans Frontières (MSF), organisation humanitaire médicale internationale, annonce la fermeture de son projet de prise en charge des survivant(e)s à Salamabila dans la province du Maniema. À la fin du mois d'octobre 2025, MSF mettra cependant un terme à ses activités, rendant indispensable une relève pour poursuivre le soutien médical et psychosocial de cette population particulièrement vulnérable.
Ce désengagement, initialement prévu pour 2026, a été anticipé afin de permettre à MSF de concentrer ses ressources sur les urgences médico-humanitaires, dans un contexte de besoins croissants, de financements en forte baisse et de crise persistante dans l’est de la RDC. Les objectifs du projet étant atteints, l’organisation souhaite désormais recentrer son action sur une réponse plus rapide et flexible, notamment au Maniema et au Sud-Kivu, où le manque de financements rend cette approche urgente.
" MSF ce mois-ci atterrira ce projet, nous pensons d'une part que nous avons atteint les objectifs notamment sur ce modélisation et un modèle repliquable au niveau communautaire pour la prise en charge des violences sexuelles d'autres part aussi parce-que MSF certes organisation medicohumanitaire qui n'est pas dépendant des donateurs nous fonctionnons 100% avec des fonds privés mais la réalité de la réponse humanitaire pour rappel j'ouvre une parenthèse le plan de réponse humanitaire aujourd'hui fin septembre est financé à hauteur de 15% de suite les coupes budgétaires des États-Unis et pleins d'autres donateurs et donc ça nous amène aussi à faire des choix, des choix difficiles et nous appelons les autres acteurs qui font le lien avec le développement aussi de ne pas négliger, de ne pas oublier le Maniema, le Sud Maniema et notamment Kabambare et Salamabila ", a annoncé, ce jeudi 2 octobre devant la presse, Emmanuel Lampaert, représentant de MSF en RDC.
Et de poursuivre :
" Nous restons dans le Maniema avec un dispositif de renforcement de la surveillance, un stock de contingence pour continuer à répondre aux urgences que ça soit la rougeole, le choléra et on espère jamais un nouveau cycle ou une nouvelle exacerbation des violences inter communautaires ou c'est dont on exclut c'est le phénomène AFC/M23, Wazalendo se batteraient sur les territoires de Maniema, on esperera jamais mais donc on restera avec un dispositif de surveillance et de préparation contingence aux urgences. On atterrit notre projet de Salamabila au Sud du Maniema et on s'oriente davantage pour répondre aux conséquences terribles, déchirantes, des violences accrues "
Depuis 2019, MSF a pris en charge 16 445 survivant·e·s de violences sexuelles dans la région de Salamabila, province du Maniema, en RDC. Ce chiffre témoigne de l’ampleur d’une crise silencieuse, trop souvent négligée par les instances nationales et internationales et oubliée. En vue de son départ fin octobre, l’organisation appelle à la mobilisation afin que les avancées en matière de prise en charge des victimes et de sensibilisation dans le domaine perdurent.
Les violences sexuelles demeurent une urgence de santé publique dans tout l’est de la RDC, y compris dans la province du Maniema, située à l’ouest du Nord-Kivu et Sud-Kivu. En effet, le conflit entre les groupes armés présents dans la région, y compris à propos des ressources naturelles, ainsi que la violence commise par des acteurs extérieurs au conflit, continue d'entraîner un nombre élevé de violences sexuelles malgré les changements de contexte au fil des ans.
Face à ce fléau, MSF a mis en œuvre depuis 2019 une approche communautaire innovante à Salamabila pour répondre aux besoins des personnes ayant subi des violences sexuelles. Cette approche décentralisée est fondée sur l’action des agents de santé reproductive (ASR), des femmes issues de la communauté, souvent elles-mêmes survivantes de viols. Elles sont formées pour offrir une prise en charge médicale et psychosociale rapide, confidentielle et gratuite au sein des communautés. En 2024, les trois quarts des cas ont été pris en charge par ces ASR, illustrant l’efficacité et la pertinence de ce modèle décentralisé.
" Et puis on y arrive au niveau de santé de la reproduction, santé femme, survivant des violences sexuelles : le projet a pris en charge entre avril-mai 2019 jusqu'aujourd'hui malheureusement plus de 16.000 cas de violence sexuelles, et là, dans un troisième temps, je voudrais vous préciser davantage nous avons compris avec confidentialité pouvoir accueillir les survivants et les offrir les soins et le suivi dans le temps, il fallait dans ce contexte davantage développer une approche communautaire. Nous avons mis en place un réseau des agents de santé de reproduction avec un fort accent sur la prise en charge des violences sexuelles. Ce qui a permis par exemple en 2024, ça vous donne une idée de la pertinence mais surtout l'impact en 2024 64% des survivants des violences sexuelles ont été pris en charge dans les communautés par ses agents de Santé de la reproduction ", a expliqué le représentant pays de MSF.
MSF appelle donc à une mobilisation urgente des autorités, bailleurs et partenaires humanitaires pour assurer la continuité de la prise en charge holistique des survivant.e.s de violences sexuelles, incluant soins médicaux, soutien psychologique et accompagnement socio-économique. MSF est présente de manière continue à Salamabila, dans le Maniema, depuis 2019. L'organisation soutient les activités de santé à l'hôpital général, dans centres de santé et appuie 13 agents de santé reproductifs.
" Au total depuis avril-mai 2019 jusqu'à aujourd'hui le projet a permis de prendre en charge plus de 415.000 cas de paludisme, a permis aussi de faire des campagnes de réponse contre la rougeole à deux reprises totalisant à chaque fois plus de 80.000 bénéficiaires enfants moins de 15 ans, également c'est une zone ou malheureusement l'insécurité alimentaire ou la diversification des repas pour les enfants n'est toujours assurée mais aussi l'accès au champ vu le conflit entre communautaire, le projet a permis aussi de prendre en charge plus de 15000 cas de malnutrition la plupart de 2/3 des cas de malnutrition modérée mais nous parlons malheureusement aussi des cas de malnutrition sévère jusqu'au niveau des centres nutritionnels thérapeutiques hospitalières ", a expliqué Emmanuel Lampaert.
Selon MSF, malgré les besoins importants, le Maniema reste marginalisé dans les financements humanitaires. En 2024, il n’a reçu que 2,5% des fonds alloués par le Fonds Humanitaire de la RDC. Ce sous-financement chronique compromet la continuité des soins et la protection des survivant·e·s. De plus, le contexte de conflit des deux Kivu limitrophes et la fermeture de l’aéroport stratégique de Bukavu depuis février dernier, toute la zone est devenue aujourd’hui enclavée et difficile d’accès, exacerbant dramatiquement les besoins des populations.
Clément MUAMBA