Les immunités du sénateur à vie Joseph Kabila sont levées, et ce dernier est désormais exposé aux poursuites judiciaires. 88 sénateurs, soit 91,66 % sur les 96 ayant pris part au vote, ont voté pour la levée des immunités parlementaires et l'autorisation des poursuites contre l’ancien Chef de l’Etat, 5, soit 5,2 % ont voté contre, aucune abstention et 3 bulletins nuls, soit 3,12 %.
En adoptant le projet de résolution de la commission spéciale dirigée par Christophe Lutundula, l'assemblée plénière de la chambre haute du parlement a ainsi réservé une suite favorable au réquisitoire de l'auditeur général près la haute cour militaire sollicitant la levée des immunités et l'autorisation des poursuites contre M. Kabila.
Pour le sénateur Lodi Emongo Jules, cette décision démontre la capacité de son institution à prendre ses responsabilités. Selon lui, cette décision démontre à suffisance que personne n'est au-dessus des lois du pays et qu'il s'agit d'un message fort envoyé au monde et contre toute personne qui oserait travailler contre les intérêts de la République Démocratique du Congo.
« Je ne peux pas comprendre que dans un pays, que des gens pensent qu'ils pouvaient être au-dessus de la loi, notre pays vient de lancer un message fort à travers son parlement, le monde entier était suspendu à travers ce qui devrait se faire aujourd'hui à travers notre Sénat. Le Sénat de la République Démocratique vient de libérer notre pays », s'est félicité le sénateur Lodi Emongo Jules à l'issue de la plénière tenue jeudi 22 mai 2025.
Et de poursuivre :
« Ce pays mérite le respect, on parle tous les jours de son développement mais le premier développement de notre pays va partir par l'impunité qu'il faut mettre fin. Aujourd'hui, c'est un message fort qui est envoyé non pas seulement à notre collègue Joseph Kabila mais également à nous tous, aux autres générations qui viendront après nous, nous en ce qui nous concerne, nous avons fait notre part ».
Le rapport final de la commission spéciale, distribué aux sénateurs avant le vote, a été déterminant dans cette décision. Il met en lumière des accusations graves portées par l’auditeur général près la Haute Cour Militaire, notamment des charges de « trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et participation à un mouvement insurrectionnel » en lien avec le soutien présumé de Joseph Kabila à la rébellion M23 soutenue par le Rwanda.
Ces allégations, portées par le gouvernement du président Félix Tshisekedi, ont été vivement contestées par les proches de l’ancien président, qui dénoncent une « persécution politique » orchestrée pour écarter un rival influent. La séance plénière, qui s’est tenue au Palais du Peuple à Kinshasa, a été tenue sans Kabila lui-même qui jusqu'à ce jour séjourne à l'étranger.
Bien que la majorité présidentielle domine le Sénat, des voix divergentes se sont exprimées, certaines invoquant un vote au Congrès, tandis que d’autres ont mis en garde contre les conséquences d’une telle décision sur la stabilité politique du pays. « Les mauvaises décisions ont toujours des conséquences négatives illimitées », avait averti un sénateur opposé aux poursuites lors des débats, soulignant les risques d’une polarisation accrue.
Cette levée d’immunités ouvre désormais la voie à une procédure judiciaire devant la Haute Cour Militaire, où Joseph Kabila pourrait être jugé pour les chefs d’accusation retenus contre lui. Cependant, l’ancien président, qui se trouve actuellement en exil après avoir quitté le pays en 2023, n’a pas encore réagi officiellement à cette décision. Ses partisans, au sein du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), ont qualifié cette action de « chasse aux sorcières » et appellent à une mobilisation pour défendre leur leader, tandis que des observateurs internationaux s’inquiètent des répercussions possibles sur la paix fragile dans la région.
Berith Yakitenge et Clément Muamba