Les images sont saisissantes. Sur le boulevard Lumumba, les eaux ont tout envahi. Ce samedi matin, piétons, taxis et camions tentaient tant bien que mal de circuler entre les flaques profondes, les amas de boue et les débris charriés par la crue. La rivière Ndjili est sortie de son lit dans la nuit du 4 au 5 avril, inondant plusieurs quartiers de Kinshasa après des pluies diluviennes.
À Masina, Jeancy-Paul n’a pas dormi chez lui. Son appartement, situé au premier étage d’un immeuble de quatre niveaux, a été inondé. Il accuse l’église Shekina d’avoir construit sur l’emprise naturelle de la rivière. « L'eau est montée jusqu’au premier. Tous nos biens sont détruits », témoigne-t-il, encore choqué.
Même scène à Nzuzi Wa Mbombo, dans le même district de Tshangu. Belinda, une autre habitante, a tenté pendant plusieurs heures de rentrer chez elle avant de renoncer. « J’ai dû retourner à Limete chez un membre de la famille. J’ai envoyé des vidéos pour montrer à mes proches ce qui se passait. C’était impossible de passer. »
Entre le saut-de-mouton de Debonhomme et l’arrêt Abattoir, les rues sont devenues des canaux. Certains passants se déplacent les pantalons retroussés, les chaussures à la main. D’autres avancent pieds nus ou en sous-vêtements, emportant quelques effets personnels.
Partout, des familles sont dehors, des matelas et des sacs empilés sur les trottoirs. Certains pleurent. La pluie a tout emporté.
Au moins dix morts ont été signalés. À Mont-Ngafula, six corps ont été retrouvés dans les décombres d’une maison après l’effondrement d’un mur. D’autres décès ont été rapportés à Kimwenza, à l’arrêt Pharmacie et à Mosango, selon les informations d’ACTUALITE.CD.
La commune de Ngaliema n’a pas été épargnée. Sur l’avenue du Tourisme, un éboulement a bloqué une large portion de la route à Kinsuka.
En dehors de Kinshasa, la RN1 reliant la capitale à Matadi a été coupée à hauteur de Kasangulu. Les autorités n’ont pas encore fourni de bilan officiel complet. Plusieurs quartiers de la capitale restent privés d’électricité, les routes sont endommagées et l’approvisionnement en eau est perturbé.
Face à la gravité de la situation, une réunion de crise s’est tenue samedi sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo, en présence du gouverneur de Kinshasa, Daniel Bumba Lubaki.
Selon ce dernier, les travaux de réhabilitation sont en cours sur la RN1, et une bande de circulation a été rouverte. Des équipes sont également mobilisées pour restaurer l’alimentation en eau et protéger les infrastructures électriques de la SNEL.
« Ce sont des catastrophes naturelles, mais nous devons tirer les leçons. Beaucoup de maisons ont été construites dans des zones interdites. L’État devra intervenir », a averti Daniel Bumba.
Plusieurs familles ayant tout perdu dorment désormais dans des stations-service ou chez des proches. Sur le terrain, l’urgence humanitaire est bien réelle.
Samyr Lukombo et Clément Muamba