Kinshasa : les femmes en première ligne de la transformation urbaine

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Depuis quelques années, Kinshasa a vu naître plusieurs projets destinés à assainir la ville, lutter contre la pollution et améliorer l'environnement urbain. Des initiatives comme Kin Bopeto et Kin Ezo Bonga, ainsi que les actions des habitants pour garder la ville propre, témoignent d'une prise de conscience collective croissante. Parmi ceux qui mènent cette transformation, les femmes occupent une place centrale. Chacune, à sa manière, elle contribue de façon essentielle à la métamorphose de la capitale congolaise. Le DeskFemme a rencontré quelques-unes d'entre elles pour mieux comprendre l'étendue de leur engagement, leurs expériences et leurs visions d’un avenir plus vert et plus sain pour Kinshasa.

Marie-Claire Egbolo, cantonnière et balayeuse dans la commune de Mont Ngafula, incarne la détermination des femmes mobilisées pour un environnement plus propre. Elle balaie chaque jour les rues de son quartier avec fierté :  "Je suis fière de ce que je fais. Au début, beaucoup doutaient de notre capacité à accomplir ce travail. Mais aujourd'hui, nous prouvons que nous pouvons changer les choses. Lorsque je nettoie, je vois les gens changer leur attitude envers l'environnement. Ils respectent davantage leur quartier", témoigne-t-elle.
Pour elle, la propreté urbaine ne se limite pas à un enjeu esthétique, mais relève également d’une question de santé publique. 

"Nous ne sommes pas seulement des nettoyeuses. Nous sommes des actrices du changement. Les déchets sont une source de maladies. Nous, les femmes, avons un rôle primordial à jouer pour assainir nos villes et préserver la santé de nos familles", insiste-t-elle.

Les femmes ne se contentent pas de nettoyer, elles participent également à des projets d’urbanisme et de développement durable. Fatou Nyota, une environnementaliste de 35 ans, met en avant l'importance de leur contribution. "Nous comprenons mieux les besoins de notre communauté. Nos projets tiennent compte des réalités locales et des besoins spécifiques des populations", explique-t-elle.
Elle cite, un projet de création d'espaces verts dans le quartier Kindele, initié par les femmes de la communauté.  "Ces espaces sont devenus des lieux de rassemblement pour les familles, où les enfants peuvent jouer en toute sécurité et les habitants profiter des bienfaits de l'air pur." Fatou est également impliquée dans des actions de sensibilisation. Le dernier samedi de chaque mois, elle et son équipe réalisent des campagnes de porte-à-porte pour promouvoir la gestion des déchets et le recyclage.

Chantal Bola, 30 ans, militante écologiste et fondatrice de l’association « Je suis aussi utile », une initiative de transformation des déchets, partage son expérience de lutte contre la dégradation de l’environnement. "Les femmes sont souvent les premières touchées par la dégradation de l’environnement. C’est pourquoi nous prenons l'initiative de sensibiliser notre communauté à l’importance du recyclage et de la protection de notre cadre de vie", explique-t-elle.
Elle a mis en place des programmes éducatifs, notamment pour les jeunes, afin de les initier à la transformation des déchets plastiques en objets utiles, comme des briques écologiques et des poubelles. L’objectif est de valoriser chaque type de déchet pour le transformer en matière première utile à la population locale. Chantal insiste également sur la nécessité de former d'autres femmes à ces pratiques, soulignant que chaque petit geste compte dans la préservation de l’environnement.

D’autres femmes, comme Émilie Nzuzi, 47 ans, entrepreneuse et membre d’un réseau de femmes environnementalistes, participent également à cet effort collectif. "Nous avons le pouvoir de changer notre ville. Ensemble, nous construisons un avenir meilleur, non seulement pour nous, mais aussi pour les générations futures", déclare-t-elle. Elle soutient des projets de micro-entreprises féminines visant à intégrer les jeunes dans des initiatives écologiques à travers l’économie circulaire et les technologies vertes.

Les défis du terrain

Cependant, ces femmes ne sont pas exemptées de défis. Marie-Claire, déplore l'insuffisance de matériel et de ressources pour mener à bien son travail. "J’ai commencé ce métier avec le projet Kin Bopeto, mais depuis sa fin, j’ai ressenti le besoin de continuer, car je sais que je contribue à un environnement plus propre. Mais nous manquons souvent d’équipements et de soutien. Cela ne nous empêche pas de persévérer. Nous savons que notre rôle est essentiel", confie-t-elle.

Fatou, de son côté, rencontre des obstacles administratifs pour faire avancer ses projets d'urbanisme. "Il y a beaucoup de lenteurs bureaucratiques et un manque de financement pour les initiatives locales. Cela complique parfois la mise en œuvre de nos idées", explique-t-elle. Néanmoins, elle reste déterminée à surmonter ces obstacles pour améliorer le cadre de vie de sa communauté.

Chantal souligne, elle aussi, les difficultés à sensibiliser certaines personnes à l’importance du recyclage. "Il est parfois difficile de convaincre les gens de l’utilité de transformer les déchets, car la culture du recyclage n’est pas encore bien ancrée à Kinshasa", avoue-t-elle.

Ces femmes, par leurs actions et leurs initiatives, montrent qu’il est impossible d’imaginer la transformation de Kinshasa sans leur contribution active. En dépit des défis qu'elles rencontrent, elles persévèrent et inspirent d’autres femmes et hommes à s’impliquer pour un avenir plus propre et durable. La route est encore longue, mais elles prouvent chaque jour que la transformation urbaine de Kinshasa est possible si chaque Kinois s’approprie ces initiatives et projets d’assainissement.


Nancy Clémence Tshimueneka