Sud-Kivu : « Ce retrait d’Uvira n’est ni réel ni effectif », dénoncent les FARDC

Les rebelles du M23 à Bukavu le 20 février 2025
Les rebelles du M23 à Bukavu le 20 février 2025

À Kinshasa, tant au sein des autorités gouvernementales que des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), des doutes persistent quant à l’annonce faite par la rébellion de l’AFC/M23 sur son prétendu retrait de la ville d’Uvira. Cette annonce intervient au lendemain des offensives menées dans la province du Sud-Kivu, dans l’Est du pays, avec le soutien du Rwanda.

Les FARDC, par la voix de leur porte-parole, le général-major Sylvain Ekenge, qualifient cette annonce de simple manœuvre de diversion visant à alléger la pression internationale exercée sur le Rwanda et ses supplétifs de l’AFC/M23. Selon lui, cette attitude traduit la mauvaise volonté de Kigali et compromet les efforts de paix en cours, menés sous la médiation des États-Unis et de l’État du Qatar, avec l’accompagnement de l’Union africaine.

« Cette diversion n’est en réalité qu’un coup médiatique destiné à tromper l’opinion nationale et internationale. Elle vise à instrumentaliser la confiance des négociateurs américains et qataris afin de détourner la pression internationale qui s’intensifie sur l’État agresseur et ses forces d’occupation militaire. Ce prétendu retrait ne résiste nullement à l’épreuve des réalités du terrain et atteste de la mauvaise foi flagrante du Rwanda dans le respect de ses engagements, notamment ceux pris dans le cadre de l’Accord de paix de Washington », dénoncent les FARDC dans un communiqué rendu public samedi 20 décembre.

L’armée congolaise affirme que les ONG de défense des droits humains, la société civile ainsi que les populations locales ont constaté que ce retrait annoncé n’est ni réel ni effectif. Pour étayer cette position, le général-major Sylvain Ekenge évoque plusieurs faits et éléments démontrant l’absence d’un retrait effectif des éléments de l’AFC/M23/RDF vers leurs positions militaires initiales.

Selon les FARDC, des combattants et unités armées de l’AFC/M23/RDF sont toujours présents et visibles à Uvira et dans ses environs. Ils seraient déployés dans plusieurs quartiers de la ville, occupant des positions stratégiques et contrôlant certains axes routiers. À Uvira-centre, des militaires rwandais sont signalés, certains en tenue de la police rwandaise, d’autres en civil. Des éléments armés auraient également été aperçus au port de Kalundu ainsi qu’à la frontière congolo-burundaise. L’armée dénonce en outre le maintien de barrières et de postes de contrôle érigés par ces groupes armés, entravant la libre circulation des personnes et des biens.

Le communiqué souligne également l’absence de relève par les forces régulières congolaises. « Aucune prise en charge effective des positions par les FARDC ou par les forces de sécurité locales n’a été observée », précise le document. Les FARDC rapportent par ailleurs des cas d’intimidations, de menaces, d’extorsions, d’exactions, d’arrestations arbitraires et de tortures perpétrés contre la population d’Uvira et de ses environs, faits corroborés par plusieurs témoignages.

L’armée fait également état d’activités militaires nocturnes dans la ville et ses alentours, caractérisées par des mouvements suspects et des patrouilles armées dans différents quartiers. Elle affirme que la petite troupe filmée lors de l’annonce du retrait se serait ensuite redéployée vers les collines des moyens et hauts plateaux d’Uvira pour se dissimuler, tandis que d’autres éléments auraient pris la direction des hauts plateaux de Fizi pour tenter de faire jonction avec les groupes Twirwaneho et Red Tabara. Une autre faction chercherait à contourner les positions des FARDC à travers les collines menant vers Fizi.

Les FARDC estiment que cette annonce s’inscrit dans un mode opératoire récurrent du Rwanda, fait de subterfuges, de stratagèmes, de manœuvres dilatoires et de non-respect des engagements pris. Elles exhortent les négociateurs américains et qataris, ainsi que la communauté internationale, à ne pas accorder de crédit aux déclarations du Rwanda et de ses supplétifs de l’AFC/M23, qu’elles accusent d’être déterminés à poursuivre les hostilités, en violation des Accords de Washington et de la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies.

« Les FARDC appellent la communauté nationale et internationale à ne pas se laisser abuser par ces déclarations mensongères. Elles rassurent les habitants d’Uvira et de ses environs que tout est mis en œuvre pour restaurer l’autorité de l’État et protéger les populations civiles. Elles les exhortent à rester vigilants et à signaler tout mouvement suspect aux autorités compétentes et aux services de renseignement », ajoute le communiqué.

Ville stratégique dans le dispositif sécuritaire du gouvernement congolais au Sud-Kivu, Uvira était passée sous le contrôle de la rébellion de l’AFC/M23, renforçant ainsi son influence dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ce verrou sécuritaire pourrait permettre aux rebelles, soutenus par le Rwanda, de progresser vers l’espace du Grand Katanga, considéré comme le poumon économique de la RDC.

Sous la pression de la communauté internationale, plusieurs pays, dont les États-Unis, ont dénoncé l’attitude de l’AFC/M23 et de son soutien rwandais, estimant que Kigali n’a pas respecté ses engagements. C’est dans ce contexte que l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) a annoncé un retrait unilatéral de ses forces de la ville d’Uvira, affirmant répondre ainsi aux exigences de Washington, l’un des médiateurs dans la crise de la région des Grands Lacs. Lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité, les États-Unis avaient notamment exigé que l’AFC/M23 se retire à au moins 75 kilomètres de la ville.

Clément Muamba