M23/RDF à Goma : la diplomatie française peut-elle peser face à l’escalade à l’Est ? Quelles actions sont menées ? Le débat s’invite au Sénat français

ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot
ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot

La France a condamné mercredi l'offensive du groupe rebelle M23, soutenu par l'armée rwandaise, dans l'est de la République démocratique du Congo, tout en réaffirmant son engagement en faveur d’une solution diplomatique à la crise sécuritaire qui secoue la région du Kivu.

Interpellé lors d'une séance publique au Sénat, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a dénoncé une attaque qui "porte atteinte à l'intégrité territoriale et à la souveraineté congolaise". Il a également souligné l'aggravation de la crise humanitaire, qualifiée de deuxième plus grave au monde, avec plus de 400 000 nouveaux déplacés depuis le début de l’année, en plus des 2 millions de déplacés enregistrés en 2024.

Le chef de la diplomatie française a rendu hommage aux agents et diplomates de l’ambassade de France à Kinshasa, dont un des bâtiments a été incendié lors des violences qui ont éclaté après l'entrée du M23 à Goma. Il a rappelé leur engagement "en première ligne pour défendre les intérêts de la France" dans un contexte sécuritaire particulièrement tendu.

Sur la scène internationale, la France a appuyé la RDC en soutenant l’organisation de deux réunions d’urgence au Conseil de sécurité des Nations Unies, au cours desquelles une déclaration a été portée par Paris condamnant sans ambiguïté les actions du M23 et de l'armée rwandaise.

À Bruxelles, la France a également impulsé une prise de position de l’Union européenne, qui a condamné l’offensive rebelle et appelé à un cessez-le-feu immédiat.

Le ministre français a rappelé que les négociations de paix passent par les processus de Luanda et de Nairobi, qui régissent respectivement les relations entre la RDC et le Rwanda, ainsi que les discussions avec les groupes rebelles, dont le M23. Il a insisté sur la nécessité d’attaquer les "causes profondes du conflit", en particulier les enjeux économiques et miniers.

Cette approche diplomatique a toutefois été vivement contestée par le sénateur Christophe-André Frassa (Les Républicains), qui a dénoncé une passivité persistante de la communauté internationale et l'absence de sanctions contre les soutiens du M23.

"On condamne, on condamne, mais il manque l’essentiel", a-t-il lancé, en interpellant le ministre sur les contradictions de l’Union européenne. Il a notamment rappelé que l’UE finance à hauteur de 20 millions d’euros l’armée rwandaise pour son intervention au Mozambique, sans aucun mécanisme de contrôle garantissant que ces fonds ne profitent pas indirectement aux opérations du Rwanda en RDC.

Il a également souligné l’exploitation illégale des ressources congolaises, rappelant que le Rwanda est un exportateur majeur de coltan alors que ce minerai stratégique n’existe pas sur son sol.

"60 à 80 % des réserves mondiales de coltan se trouvent, comme par hasard, à l'est de la RDC", a-t-il déclaré, appelant la France à prendre la tête d’une demande de sanctions internationales contre le Rwanda et l’Ouganda.

"Ce serait l'honneur de la France d'exiger ces sanctions", a insisté le sénateur.