Tribune – Nadia Nsayi: "Pourquoi j’envisage de quitter l’AfricaMuseum"

Photo : Rebecca Fertinel – Belga
Photo : Rebecca Fertinel – Belga

Nadia Nsayi est politologue et auteure des livres Fille de la décolonisation et Congolina. Elle explique pourquoi elle hésite à quitter l'AfricaMuseum.

Lorsque l'AfricaMuseum a rouvert ses portes il y a six ans, les critiques des activistes n'ont pas été tendres. J'ai donc postulé au département du service public en 2021 pour contribuer à écrire une histoire innovante : celle d'un musée plus diversifié, plus inclusif et plus équitable.

Certains ont estimé que la nomination du directeur actuel en 2023 était une occasion manquée. Cet homme blanc, plus âgé, pouvait-il apporter un renouveau ? À l'époque, je l'ai ouvertement soutenu parce qu'il méritait une chance. Plus d'un an plus tard, ma position a changé.

Appel au débat

Cette tribune s'oppose à la situation actuelle. Je l'écris par engagement et pour appeler à un débat à plusieurs voix sur le rôle social du musée, alors que les négociateurs du gouvernement s'interrogent aussi sur l'avenir des institutions scientifiques fédérales comme l'AfricaMuseum.

Depuis mon recrutement, les activistes ne se sont pas relâchés. Certains pensent que le musée va dans la bonne direction grâce aux événements que j'organise. D'autres se taisent pour ne pas compromettre ma position interne.

En tant qu'employée, je soulève aussi des problèmes en interne, mais cela ne suffit plus. En me taisant publiquement, je donne l'impression que tout va bien. En prenant la parole, je prends mes responsabilités, même si cela n'est pas apprécié par tout le monde.

Faiblesse du leadership

En 2025, j'envisage de quitter le musée en raison de la faiblesse du leadership. Il est dépassé qu'une seule personne dirige une grande institution qui est à la fois un centre de recherche et un musée. Il serait préférable d'avoir une codirection, comme au Wereldmuseum, aux Pays-Bas.

De plus, l'AfricaMuseum n'a pas de responsable pour le service public depuis trois ans, ce qui a entraîné des dysfonctionnements : le nombre de visiteurs est faible pour un musée récemment rénové, l'exposition permanente n'est pas mise à jour, les expositions temporaires n'attirent pas les foules, et la communication ne touche que peu de nouveaux groupes. Il y a un malaise, et en même temps aucun sentiment d'urgence.

J'envisage également de quitter le musée en raison de la nouvelle vision mise en ligne depuis décembre. La réalisation de cette vision s'est faite trop rapidement et de manière trop peu participative. Elle a été dictée par le sommet, sans laisser de place à une véritable réflexion et sans tenir compte des enquêtes menées auprès du public.

La première phrase de la vision ressemble à ceci : « En tant que musée et centre de recherche, l'AfricaMuseum est un forum d'étude et de dialogue sur les sociétés et l'environnement naturel en Afrique subsaharienne ». La collection du musée étant en grande partie congolaise, pourquoi cette focalisation sur un continent ? Et en quoi cette vision diffère-t-elle de celle coloniale de Léopold II, qui consistait à construire « un musée sur l'Afrique » ?

Le musée donne l'impression de se décoloniser, mais dans la pratique, je vois encore du paternalisme dans sa coopération avec les partenaires (belgo-)africains.

Toxique

J'envisage de quitter le musée parce qu'il n'y a pas de soutien pour donner une place structurelle aux experts de la communauté africaine. Un recrutement récent renforce mon soupçon que l'institution n'est pas prête à confier aux Noirs des postes de pouvoir.

Enfin, je constate une concentration excessive du pouvoir auprès du directeur, des comportements toxiques et l'absence d'une culture du débat et de l'évaluation.

Je ne crois pas à la valeur ajoutée sociétale d'un musée sur l'Afrique, mais je crois à un musée sur le colonialisme belge en Afrique (Congo, Rwanda, Burundi). Tervuren peut devenir un lieu unique où les visiteurs individuels et les groupes (scolaires) viennent en masse pour apprendre le passé colonial et son impact contemporain sur la représentation, la migration, le racisme, le climat, la biodiversité, le commerce, etc.

Toutefois, cela nécessite une vision et une politique différentes. J'appelle à plus d'innovation, à plus de respect pour l'expertise et l'expérience de la communauté africaine, et j'invite les dirigeants à remettre en question leur position.

Cette tribune n'est pas une attaque contre une personne : le directeur n'est pas responsable de tous les problèmes. Il porte néanmoins la responsabilité finale, comme le président d'un parti lorsque celui-ci obtient de mauvais résultats. Les employés ont souvent peur de s'exprimer contre leur patron.

En ce début d'année, en tant que membre du personnel et faiseuse d'opinion, je trouve le courage de le faire. En raison de problèmes internes, j'envisage de quitter le musée, même si j'avoue que je doute.

Au cours des trois dernières années, en tant qu'employée au service public, j'ai organisé de nombreux événements qui ont fait du musée un lieu plus diversifié, plus inclusif et plus équitable. Alors pourquoi devrais-je partir ?

 

Cette tribune est une traduction du texte publié dans le journal belge De Morgen le 6 janvier 2025.