Le forum public 2024 de l’OMC s’est ouvert ce mardi 10 septembre à Genève. La Rédaction a reçu Richard Mukundji, qui participe aussi aux travaux.
Le professeur Richard Mukundji, docteur en sciences économiques et sociales de l'Université de Genève, est un spécialiste du commerce international et du développement en Afrique. Avec une vaste expérience dans les projets financés par le Fonds Européen de Développement (FED), il est expert en évaluation de programmes et en transformation économique. En tant qu'enseignant, il couvre des sujets variés tels que l'économie internationale, le développement durable et les politiques publiques, contribuant à l'enrichissement des débats sur le développement du continent africain.
Richard Mukundji : Je suis administrateur de la Chambre de commerce Suisse-République Démocratique du Congo et professeur à l'UMEF, une université privée ici en Suisse. La Chambre de commerce est une structure bilatérale entre la Suisse et la RDC. Nous organisons chaque année un événement que l'on appelle "Congo Suisse Business Day", et le dernier s'est tenu à Berne, où nous avons fait rencontrer des membres suisses et congolais, des entrepreneurs autour des thèmes du climat des affaires. Le prochain événement se déroulera à Kinshasa au mois de juillet en collaboration avec l'ambassade de Suisse à Kinshasa et celle à Berne.
ACTUALITE.CD : Parlez-nous un peu de vous.
Richard Mukundji : Je suis professeur et enseignant, et je suis très impliqué dans des projets d'entrepreneuriat pour les jeunes en milieu universitaire. Nous avons un projet à l'Université de Kinshasa qui vise à encourager les jeunes à entreprendre, en leur offrant une autre option que la voie classique de la recherche d'emploi, à savoir la création d'entreprises. J'enseigne l'économie internationale, ainsi que des cours de géographie économique et de méthodologie de la recherche à l'université.
ACTUALITE.CD : Parlons-en. Si nous devions dresser une carte postale du commerce international, quelle serait la part de la RDC ?
Richard Mukundji : La part de la RDC est actuellement dominée par les minerais stratégiques. Mais le Congo a les ressources nécessaires pour diversifier son économie, notamment dans des secteurs porteurs comme l'agriculture et l'industrie, particulièrement dans la transformation.
ACTUALITE.CD : 90% des exportations congolaises concernent principalement les ressources minières. Est-ce un avantage ou un désavantage dans l'économie mondiale actuelle ?
Richard Mukundji : Dans l'économie mondiale actuelle, c'est un poids stratégique, certes, mais le Congo ne doit pas en rester là. Le pays doit aussi miser sur l'agriculture, un secteur d'une grande importance. Le Congo a trois réalités importantes à prendre en compte : l'agriculture, le secteur minier et l'écologie. Il est crucial d'équilibrer ces secteurs pour maximiser le potentiel du pays, car il existe aujourd'hui un déséquilibre en faveur du secteur minier.
ACTUALITE.CD : On pourrait également dire que la position géographique du Congo, au cœur de l'Afrique avec ses neuf voisins, constitue une ressource immatérielle mais précieuse, n'est-ce pas ?
Richard Mukundji : Oui, c'est un atout dans la mesure où il faut consolider les bases nationales, notamment avec des industries de transformation qui permettront de produire des biens élaborés pour les échanger avec les pays voisins, et dans un cadre encore plus élargi comme la zone de libre-échange continentale africaine.
ACTUALITE.CD : Les ressources minières de la RDC représentent environ 90% de ses exportations, dont près de 60% à destination de la Chine. Cela crée-t-il une sorte d'exclusivité ?
Richard Mukundji : La Chine s'est effectivement imposée comme le premier partenaire économique de la RDC, et il est important de capitaliser sur cela. Toutefois, le Congo doit diversifier ses partenaires, au-delà de la Chine, pour inclure des acteurs comme l'Union européenne et les États-Unis.
ACTUALITE.CD : L'Union européenne semble également vouloir se repositionner avec de nouvelles initiatives et des visites au plus haut niveau en RDC. Pensez-vous que l'UE puisse retrouver sa place dans la gestion des ressources stratégiques congolaises ?
Richard Mukundji : Les échanges entre la RDC et ses partenaires peuvent se diversifier, et chaque partenaire aura sa place. L'Union européenne peut offrir des opportunités différentes de celles proposées par la Chine ou les États-Unis, comme l'AGOA pour les États-Unis. Mais la RDC doit accélérer son programme d'industrialisation pour sortir de la simple exportation de produits primaires.
ACTUALITE.CD : L'une des leçons du dernier rapport de l'OMC est que de nombreux pays en développement, dont la RDC, restent en marge de la mondialisation du commerce. Comment la RDC peut-elle s'y arrimer ?
Richard Mukundji : La RDC doit se concentrer sur la transformation structurelle de son économie. Cela implique d'investir dans l'énergie pour transformer les produits localement et atteindre un niveau de semi-transformation, notamment dans le secteur minier. Le pays doit aussi renforcer sa position dans les chaînes de valeur mondiales, notamment pour des produits comme le cuivre et les batteries électriques.
ACTUALITE.CD : Voyez-vous des signes que la RDC est sur la bonne voie ?
Richard Mukundji : On sent une volonté de diversifier les partenaires et de ne plus dépendre uniquement des ressources minières. Il faut désormais capter plus de valeur ajoutée localement en investissant dans l'agriculture, l'industrie et d'autres secteurs stratégiques.
ACTUALITE.CD : Qu'en est-il de la balance commerciale entre la RDC et la Suisse ?
Richard Mukundji : La RDC exporte principalement des matières premières vers la Suisse, tandis que la Suisse envoie des produits élaborés comme des machines et des produits pharmaceutiques. Il est essentiel d'équilibrer ces échanges en exportant des produits congolais transformés.
ACTUALITE.CD : Le cacao congolais a-t-il sa place dans un pays comme la Suisse, réputé pour son chocolat ?
Richard Mukundji : Absolument. La RDC a un potentiel agricole important, y compris pour le cacao. Avec une meilleure qualité des produits et des circuits d'exportation mieux régulés, la RDC peut se positionner dans le secteur du chocolat et diversifier ses exportations.