Liberté de la presse : vers une concertation tripartite UNPC–Justice–Communication

1
Photo d'illustration.

La République démocratique du Congo s’est dotée, depuis 2023, d’une nouvelle loi relative à l’exercice de la liberté de la presse. Défendue et portée par le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, cette loi fixe les modalités de l’exercice de la liberté de la presse, de la liberté d’information et d’émission par la radio, la télévision, la presse écrite et tout autre moyen de communication en RDC. Son adoption est intervenue un an après la tenue des États généraux de la Communication et des Médias, organisés en 2022.

Les professionnels des médias ont été les principaux artisans de cette réforme, initiée à l’issue de ces assises nationales, avec pour objectif de moderniser et d’adapter l’arsenal juridique et réglementaire du secteur. Cette démarche visait à répondre aux profondes mutations du paysage médiatique, après plusieurs décennies d’évolution, dans un contexte marqué par la transformation numérique et la diversification des supports d’information. Le texte se veut ainsi novateur et en phase avec son époque, dans le but d’assainir un espace médiatique longtemps confronté à des dérives et à une dégradation des conditions d’exercice du journalisme.

Intervenant lors de la session d’évaluation de décembre, consacrée à l’examen du niveau de mise en œuvre des recommandations issues des États généraux de la Communication et des Médias, le ministre de tutelle est revenu sur la nécessité de rendre cette loi pleinement opérationnelle, notamment en ce qui concerne la sécurité des journalistes. À cet effet, Patrick Muyaya a annoncé la tenue prochaine d’une rencontre tripartite réunissant l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC), le ministère de la Communication et Médias, ainsi que les institutions judiciaires, représentées par le ministère de la Justice et Garde des Sceaux et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

« S’agissant de la sécurité des journalistes et de la dépénalisation des délits de presse, le droit de réponse et de rectification est désormais consacré comme préalable à toute poursuite judiciaire, conformément aux articles 104 et 105 de l’ordonnance-loi. À la demande de l’UNPC, nous avons saisi le ministre d’État, ministre de la Justice, afin d’en assurer l’effectivité. Dans les jours à venir, une rencontre tripartite est prévue entre le ministère de la Communication et des Médias, l’UNPC, le Conseil supérieur de la magistrature et le ministère de la Justice, afin d’échanger sur ces dispositions avec les acteurs chargés de rendre la justice », a déclaré Patrick Muyaya, mardi 23 décembre 2025.

Abordant la question de la loi relative à l’accès à l’information, le ministre de la Communication et Médias a indiqué que le gouvernement a déjà transmis ses propositions. En attendant l’adoption et la promulgation de ce texte, certaines dispositions de la loi sur la liberté de la presse garantissent déjà l’accès des journalistes aux sources d’information.

« Le Gouvernement a transmis ses contributions au débat sur la proposition de loi relative à l’accès à l’information et à la protection des lanceurs d’alerte. En attendant son adoption, les articles 95, 96 et 97 de la loi sur la liberté de la presse garantissent l’accès aux sources publiques et aux informations d’intérêt public, ainsi que la protection des sources journalistiques. Nous avons également fait de la redevabilité des actions gouvernementales une stratégie de communication assumée, notamment à travers des briefings réguliers, afin de rapprocher les journalistes des sources officielles et de lutter contre la désinformation », a-t-il précisé.

Le ministre a par ailleurs annoncé que les projets de loi relatifs à l’organisation des médias ainsi qu’au statut des médias d’État sont en cours de rédaction. Ces textes visent à renforcer l’objectivité, l’impartialité et le pluralisme, conformément à l’article 24 de la Constitution.

« Les avancées enregistrées sont le fruit des efforts conjugués du Gouvernement et de l’ensemble des parties prenantes. Beaucoup reste à accomplir. Les contraintes financières demeurent réelles, mais la dynamique est engagée et les bases sont désormais posées », a-t-il conclu.

S’agissant des zones sous contrôle de la rébellion de l’AFC/M23, le gouvernement, en collaboration avec les organisations professionnelles, entend poursuivre le travail de monitoring en vue de préparer des sanctions à l’encontre des auteurs de violations de la liberté de la presse.

« Dans les zones sous occupation, nous recevons régulièrement des alertes des organisations de défense des journalistes, notamment Journalistes en danger et la Fédération des radios de proximité, faisant état de violations graves : déplacements forcés de journalistes, fermetures de médias, destructions de matériel, intimidations et arrestations arbitraires. Nous continuerons à travailler avec ces organisations afin de documenter ces violations, de les porter à la connaissance du public et de rechercher des sanctions et des réparations pour les victimes », a souligné Patrick Muyaya.

Dans ce contexte sécuritaire marqué par l’agression attribuée au Rwanda à travers la rébellion de l’AFC/M23, le porte-parole du gouvernement a également insisté sur la lutte contre la désinformation, qualifiée de priorité nationale. Selon lui, l’intelligence artificielle représente à la fois une opportunité et un défi pour la presse congolaise.

« La lutte contre la désinformation figure parmi nos priorités absolues. L’intelligence artificielle constitue aujourd’hui une opportunité majeure pour les secteurs de l’information, mais elle impose aussi une vigilance accrue et une responsabilité renforcée. Je salue les initiatives prises par plusieurs professionnels des médias pour accompagner le processus de paix dans l’Est du pays. La sensibilité et la complexité de ces conflits exigent de chacun un engagement constant afin que seules des informations vraies, vérifiées et responsables soient diffusées, contribuant ainsi aux efforts du Gouvernement pour un retour rapide de la paix », a-t-il déclaré.

Il convient de rappeler que les États généraux de la Communication et des Médias avaient pour objectif de formuler des propositions de réformes pertinentes touchant notamment au régime juridique des médias, à la presse en ligne, au statut du journaliste, à la dépénalisation des délits de presse — éventuellement précédée d’un moratoire —, à la modernisation des médias publics et aux défis structurels de la presse congolaise. Ces travaux s’étaient déroulés sous le thème : « Les médias congolais : quelles perspectives à l’ère du numérique face aux défis du développement durable ? »

Clément Muamba