La société civile du Nord-Kivu, forces vives de la coordination territoriale de Masisi, tire la sonnette d’alarme sur les conséquences des manifestations publiques dites « forcées » organisées dans les zones sous contrôle de la rébellion de l’AFC/M23. Selon elle, ces rassemblements causent de graves atteintes aux populations civiles.
Cette alerte intervient après la dénonciation du gouvernement congolais, qui avait fustigé des traitements inhumains infligés aux populations et toute tentative visant à légitimer ce qu’il qualifie d’occupation rwandaise.
Dans un communiqué parvenu à ACTUALITE.CD, la société civile indique que depuis l’instauration de ce nouveau « modus operandi » imposé aux populations locales, à travers des manifestations publiques déguisées, plusieurs agglomérations du territoire de Masisi ont été touchées. Il s’agit notamment des cités de Sake, Kitshanga, Nyabiondo et Rubaya, où les conséquences sont jugées alarmantes.
Selon ce communiqué, une manifestation tenue le 23 décembre dernier à Sake s’est soldée par l’arrestation brutale d’environ une centaine de civils, dont 29 femmes et 30 enfants, tous conduits dans des cachots. Un garçon de 13 ans a été tué lors d’échauffourées entre les manifestants et des éléments de l’AFC/M23, mécontents des cris de révolte dénonçant le caractère coercitif de ces rassemblements.
La société civile ajoute que plusieurs jeunes de Sake vivent depuis dans la clandestinité, étant recherchés par l’AFC/M23 pour avoir boycotté cette marche publique imposée.
Le lendemain, soit le 24 décembre 2025, une autre manifestation s’est tenue à Kitshanga dans le même contexte. À l’issue de celle-ci, un défenseur des droits humains, également préfet des études d’une école secondaire locale, a été arrêté manu militari et conduit dans un cachot de l’AFC/M23 pour des raisons non précisées. Le même jour, des meetings populaires forcés ont également été organisés à Nyabiondo et à Rubaya.
Face à cette situation, la société civile du Nord-Kivu formule plusieurs exigences, sans juger nécessaire de rappeler les principes fondamentaux consacrés par les instruments juridiques nationaux et internationaux en matière de droits humains. Elle réclame notamment :
- le strict respect de la dignité humaine, considérée comme sacrée en toutes circonstances ;
- la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes civiles arrêtées arbitrairement, ainsi que la cessation de la « chasse à l’homme » contre les civils contraints à la clandestinité ;
- le respect scrupuleux des principes du droit international humanitaire, à savoir l’humanité, la distinction, la proportionnalité et la précaution, conformément aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs protocoles additionnels de 1977, ainsi qu’aux Conventions de La Haye ;
- l’ouverture d’enquêtes sérieuses afin d’établir les responsabilités et d’assurer une justice réparatrice en faveur des victimes ;
- l’interdiction immédiate de toute activité liberticide et de toute forme de torture ;
- la fermeture sans délai de tous les cachots souterrains disséminés dans les zones occupées, qualifiés de lieux de détention illégaux et de véritables mouroirs. La société civile cite notamment le cachot souterrain situé sur le mont Matcha à Sake, où quatre jeunes auraient péri entre novembre et décembre 2025 ;
- l’interdiction formelle de l’utilisation forcée des civils, en particulier des jeunes, pour le transport de matériel de guerre vers les lignes de front, une pratique qui les expose gravement lors des hostilités.
La société civile conclut en rappelant qu’« aucun crime n’est parfait ».
Par ailleurs, l’occupation de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, par la rébellion de l’AFC/M23 a suscité de vives condamnations au sein de la communauté internationale, notamment à l’encontre du Rwanda. Les États-Unis, en tête de ces réactions, estiment que Kigali n’a pas respecté les engagements pris dans le cadre des accords de Washington, signés par les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame, en présence de Donald Trump, d’autres chefs d’État de la région et de représentants de l’Union africaine.
Sous cette pression internationale, l’AFC/M23 avait annoncé son retrait de la ville d’Uvira afin de favoriser les processus de paix et de répondre à la demande américaine, selon un communiqué signé par son coordonnateur politique, Corneille Nangaa. Toutefois, quelques jours plus tard, la représentante des États-Unis au Conseil de sécurité des Nations unies a de nouveau appelé la rébellion à se retirer effectivement à une distance d’au moins 75 kilomètres de la ville.
C’est dans ce contexte diplomatique et sécuritaire tendu que plusieurs manifestations ont été organisées dans les zones sous contrôle de l’AFC/M23. Des images largement relayées sur les réseaux sociaux montrent des populations brandissant des messages de soutien aux autorités de la rébellion, saluant ce qu’elles qualifient de qualité de leur gouvernance. Les manifestants ont également exigé la réouverture des banques et dénoncé toute forme de diktat extérieur, estimant que les dirigeants de l’AFC/M23 devraient poursuivre la gestion des zones qu’ils contrôlent dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Clément Muamba