Le dernier rapport de l'OMC met en lumière les défis et opportunités de l'inclusivité dans le commerce international, avec des leçons pour la RDC

Économiste en chef de l'OMC, Ralph Ossa
Économiste en chef de l'OMC, Ralph Ossa

Le rapport annuel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), publié ce lundi, souligne que, bien que le commerce ait été un puissant moteur de croissance économique au cours des trente dernières années, il n’a pas bénéficié de manière égale à toutes les économies et populations. Ce document met en exergue les progrès réalisés pour réduire l'écart de revenus entre les pays à faible revenu et ceux à revenu élevé, tout en identifiant les défis qui persistent, notamment en Afrique, en Amérique latine et dans le Moyen-Orient.

Le rapport fait état de trois conclusions majeures. Tout d’abord, il montre que le commerce a été un puissant vecteur d’inclusivité. Depuis la création de l'OMC il y a 30 ans, les revenus par habitant dans les économies à faible et moyen revenu ont quasiment triplé, contribuant à réduire considérablement l’écart de revenus avec les pays à revenu élevé. Cela s’est accompagné d’une baisse marquée de l’extrême pauvreté, la part des personnes vivant dans des conditions de grande précarité ayant chuté de 40 % à environ 11 % depuis 1995. Ces avancées sont en partie dues à la réduction des coûts commerciaux et à l’augmentation de la part du commerce dans le PIB de ces pays, qui est passée de 16 % à 32 %. Contrairement aux idées reçues, les inégalités de revenus au sein des pays n'ont pas augmenté en moyenne, et certaines régions, autrefois marginalisées, ont tiré des bénéfices importants du commerce international.

Cependant, le rapport souligne que toutes les économies n’ont pas connu cette convergence de revenus. Un tiers des économies à faible et moyen revenu n’ont pas progressé aussi rapidement que les autres, et cette divergence est particulièrement visible en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Ces économies sont souvent confrontées à des obstacles tels que des infrastructures sous-développées, des coûts commerciaux élevés et une dépendance excessive aux exportations de matières premières, ce qui limite leur capacité à profiter pleinement des avantages du commerce mondial.

Le rapport conclut que pour une véritable inclusion, il est nécessaire de combiner un commerce ouvert avec des politiques internes adaptées, notamment dans les domaines de l’éducation, de la régulation du marché du travail et des infrastructures. Il met également en lumière l’importance d’une coopération internationale renforcée pour relever les défis mondiaux tels que le changement climatique et la transition numérique.

La situation en RDC : entre dépendance minière et volonté de diversification

La RDC incarne à la fois les opportunités et les défis soulevés par le rapport de l'OMC. Le pays dépend fortement de ses exportations minières, avec 90 % de ses revenus provenant du cuivre et du cobalt, principalement exportés vers la Chine. En 2023, la RDC a exporté pour 18,7 milliards de dollars de produits miniers vers la Chine, affichant un excédent commercial de 14,2 milliards de dollars. Toutefois, cette dépendance excessive aux matières premières expose le pays aux fluctuations des prix des produits de base et limite ses possibilités de diversification économique.

Comme le souligne le rapport de l'OMC, une économie trop concentrée sur les matières premières risque de manquer des opportunités de développement durable à long terme. La RDC en est consciente et cherche à diversifier ses exportations en misant sur le développement du secteur agricole, avec un potentiel de 80 millions d'hectares de terres arables, ainsi que sur la transformation locale des ressources naturelles. Le gouvernement congolais a pris des mesures pour attirer les investissements dans ces secteurs et améliorer les infrastructures nécessaires à leur développement.

Cependant, la RDC est confrontée à des pratiques commerciales déloyales de la part de certains pays voisins, notamment le dumping et le transbordement, qui coûtent à l'État environ 5 milliards de dollars par an. Des efforts sont en cours pour moderniser les contrôles douaniers, renforcer l'Office Congolais de Contrôle (OCC) et améliorer les infrastructures de transport afin de faciliter le commerce intérieur et extérieur.

Le rapport de l'OMC souligne également l'importance de politiques nationales complémentaires pour garantir que les bénéfices du commerce atteignent les populations locales. En RDC, cela implique des investissements dans l'éducation, la formation professionnelle et les infrastructures, ainsi que des réformes pour faciliter la circulation des biens et des personnes à travers le pays et avec ses voisins.

Enjeux et perspectives pour la RDC

Pour tirer pleinement parti du commerce mondial et sous-régional, la RDC doit relever plusieurs défis : réduire sa dépendance aux exportations minières, renforcer son secteur agricole, améliorer ses infrastructures et lutter contre les pratiques commerciales déloyales. Le rapport de l'OMC souligne que ces efforts doivent s'accompagner de réformes politiques et économiques à l’échelle nationale, ainsi que d'une coopération internationale accrue, afin de garantir que le commerce bénéficie à toutes les couches de la population.

La RDC, avec ses richesses naturelles et son marché intérieur de plus de 100 millions d’habitants, dispose d’un potentiel considérable pour stimuler son développement économique. Toutefois, pour que le commerce devienne un outil véritablement inclusif, il est essentiel que les réformes en cours s’accompagnent d’investissements ciblés et d’une vision à long terme.

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