Des vidéos troublantes de l’intérieur du Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK) ont été partagées ce week-end par le journaliste Stanis Bujakera Tshiamala. Des images inédites documentées pendant sa détention de près de 7 mois.
L’hébergement est marqué par la surpopulation, entraînant des décès fréquents par étouffement et diverses maladies. Les prisonniers dorment perchés sur les latrines, et des repas maigres et de mauvaise qualité sont servis une seule fois par jour entre 17 et 18 heures. La cuisine, faite au feu de bois, doit nourrir 15 000 personnes, et il n'y a pas d'eau potable au robinet. Les prisonniers font leurs besoins naturels à l'air libre, les latrines étant hors service ou inutilisables par manque d'eau. Les conditions réelles de détention dans la prison de Makala sont alarmantes et affreuses.
La plus vaste prison de la capitale congolaise, avec une capacité d’accueil théorique de 1 500 détenus, est située dans la commune de Selembao, à proximité de Makala, Bumbu, Ngiri-Ngiri et Bandalungwa. La prison de Makala héberge une population carcérale très diversifiée, composée de détenus en détention provisoire et de condamnés, de civils et de militaires, d’adultes, hommes et femmes, et de mineurs.
Depuis plusieurs décennies, la surpopulation chronique représente le principal défi pour la prison de Makala et le système carcéral congolais dans son ensemble. La capacité d'accueil initiale de 1 500 détenus est largement dépassée, avec dix fois plus de détenus que prévu depuis sa construction sous la colonisation. Les onze pavillons de la prison, dont un réservé aux femmes, abritent actuellement plus de 15 000 détenus.
Cette surpopulation s'explique en partie par la croissance démographique explosive de Kinshasa, qui n’a pas évolué en termes d’infrastructures. L’autre prison dans la capitale congolaise, réservée aux militaires et civils inculpés par la justice militaire, Ndolo, compte également plus de détenus que sa capacité d'accueil initiale.
Un autre facteur contribuant à la surpopulation est la lenteur administrative de la justice, qui entraîne des délais de traitement des dossiers des détenus excessivement longs. De nombreux prisonniers, notamment les moins favorisés, restent en détention préventive pendant plusieurs années avant d'être jugés. “En prison, j’ai vu des gens sans jugement depuis 2, 5, 10, 15 voire même 20 ans”, explique Stanis Bujakera. “Un autre prisonnier qui était acquitté depuis 2018, n’a quitté Makala qu’en 2023, parce qu’il n’avait pas les moyens pour suivre la suite de son dossier et que les greffiers exigent de l’argent pour notifier les détenus de leurs situations.”
Les conditions de détention varient considérablement en fonction du "statut" accordé aux détenus. Une hiérarchie sociale et économique s'est instaurée au sein de la prison, allant du détenu ordinaire aux détenus les plus aisés, considérés comme des VIP avec un traitement différencié. La sécurité à l’intérieur de la prison est assurée par les prisonniers eux-mêmes selon leur ancienneté, leurs moyens ou encore les faveurs de la direction. La prison de Makala réunit toutes les conditions d’un véritable centre de concentration plutôt que d’un centre de rééducation.
Ces révélations soulignent l'urgence d'une réforme du système carcéral congolais pour garantir des conditions de détention humaines et dignes.