Le collectif Article 15 a tenu une de ses activités annuelles ce jeudi 6 juin 2024 au Musée National de la RDC. Entre conférence d’échanges avec les artistes sur les modalités d’adhésion à la galerie américaine Article 15 et l’exposition consacrée à la grande province du Katanga, les participants ont passé environ 3h dans un univers artistique particulier.
La galerie américaine de l’art congolais dénommée Article 15 œuvre depuis deux ans entre la RDC où l’initiatrice Elizabeth Jaffee vient pour la sélection des œuvres d’art, et les Etats-Unis où elles sont exposées en permanence puis vendues aux éventuels intéressés. La sélection des œuvres des artistes congolais se fait par processus collaboratif avec l’équipe de la galerie A15 installée à Kinshasa, tenant compte de la qualité, l’originalité, le style, la technique, le thème mais surtout la vendabilité sur le marché américain.
La galerie “Article 15” travaillera à la vente des œuvres d’art des artistes congolais aux Etats-Unis avec les marchands d’art et d’autres galeries estimés à plus de 4 500 et les musées à 3 500 à travers ce pays, troisième plus peuplé au monde. Un collectif des artistes dénommé A15 a été mis en place pour faciliter cette navigation. Le marché américain a terminé premier mondial en 2021, générant 43% de la valeur marchande mondiale de l’art.
L’idée de la création de cette galerie est partie de l’intérêt que portaient les américains à vouloir acheter des tableaux d’une collection dans une boutique de pagnes à Washington, DC. Une exposition dénommée “We are Congo” a eu lieu par la suite entre décembre 2021 et janvier 2022, elle a suscité beaucoup d’intérêts.
Le grand Katanga à l’honneur
Côté exposition des œuvres sélectionnées, les artistes de la grande province du Katanga ont été appelés à soumettre leurs productions. Une trentaine a été choisie et présentée dans la salle de conférence du Musée National de la RDC. Ces artistes viennent de 4 provinces qui sont le Tanganyika, le Haut-Katanga, le Lualaba et le Haut-Lomami.
D’ores et déjà, ces 4 provinces représentent une bonne partie de la couche minière du sous-sol congolais qui est un véritable vivier au niveau mondial. Cette partie sud-est de la RDC est réputée d’être très riche en ressources naturelles, même si c’est le cas dans bien des endroits partout dans le pays dont au nord-est où elles sont la cause de l’insécurité persistante depuis 3 décennies.
Quoi de plus normal que de voir ce reflet dans l’art des artistes qui proviennent de cet espace. C’est une attente qui n’aura pas gain de cause pour cette sélection si précise. Les artistes, parmi lesquels Jérôme Kasongo, Jordy Sadiki, Leopold Kazadi, Madinda Ntalaja Samseth, Mozart Lungi, Elie Biruru, Jordy Sadiki ; ont tout simplement présenté les fruits de leur expression sur la société humaine.
Ces tableaux de peintures offrent, en général, une contemporainéité que l’auteure Catherine Millet admet réellement lorsque l’art dont il est question est en phase avec son époque, différemment de l’art moderne qui était en rupture.
Jordy Sadiki est un jeune peintre, résidant à Lubumbashi, qui expose pour la première fois à Kinshasa. Il aborde la question des transports. Trois de ces œuvres sont peintes sur des pneus de véhicule pour être en phase avec sa problématique. Des humains comme ceux des marchandises, le transport est un sujet qui le touche particulièrement tant les conditions sont difficiles autour de lui.
« Dans ma démarche, je m’inspire beaucoup plus de la vie quotidienne routière. Notamment à Lubumbashi, à Kinshasa et de la RDC en général. Je me suis inspiré de tous les mouvements qui se passent en route. Des roulages, des véhicules transportant des marchandises, etc. », a-t-il expliqué à ACTUALITÉ.CD
Même si l’on voit, sur ces tableaux, des corvées pour des véhicules destinés au taxi qui transportent des marchandises au-delà de leurs capacités, Jordy dit être fan de l’ambiance et du mouvement de ce qui se passe sur la route. Ses yeux ne sont pas rivés sur les arrêts et leurs réalités uniquement, il voit toute une œuvre.
Dans un pays ou bien des choses sont à améliorer, il se voit aussi comme une voix qui porte pour appeler à cette amélioration. Son tableau “Mbote ya likasu” est une œuvre qui dénonce la corruption des policiers de roulage avec les chauffeurs.
« Il y a des choses à arranger sur le frais des transports interurbains qui n’est presque jamais stable. L’état des routes aussi, la corruption. Les PCR se sont familiarisés avec les chauffeurs pour avoir de l’argent au quotidien sans prêter les yeux à la loi sur la situation des chauffeurs, en ordre ou pas », a ajouté M. Sadiki.
De son côté, Madinda Ntalaja Samseth a présenté trois tableaux dont deux avec de petits enfants avec des bouteilles de jus à la bouche, seulement qu’elles sont retournées.
« Dans mes œuvres, j’aime partir des concepts et faits sociaux qui sont très vus pour que le contemplateur puissent se retrouver sur la toile, qu’il retrouve son identité. J’interprète les scènes sociales mais au fond de tout, je vais coder le message du tableau par un élément comme la bouteille retournée », explique l’artiste.
Artistiquement, il veut parler de l’inversion des règles, des rôles dans différents plans. « Par exemple, un policier qui est censé protéger la population fait autant peur que des malfaiteurs », dit-il. Madinda Ntalaja Samseth use de l’énigme dans ses œuvres, représentant des enfants pour évoquer le futur du pays et le danger qu’il court.
Elizabeth Jaffee qui est l’initiatrice et responsable de la galerie, est arrivée en RDC en 2008, à l’époque diplomate avec l’ambassadeur américain. Elle a commencé, pour ce faire, à acheter de l’art congolais, elle a toujours été impressionnée par le talent.
Après sa carrière de diplomate en RDC, elle a tout de même continuer à acheter de l’art congolais. Elle voulait faire le pont d’intégrer l’art congolais sur le marché américain. Un business difficile, qui prend beaucoup de temps, reconnaît-elle. La cause qu’elle soulève est que l’art congolais contemporain n’est pas très connu aux Etats-Unis, les artistes non plus, alors ça doit prendre du temps.
Par ailleurs, la découverte par les américains est époustouflante, la réaction des collectionneurs est rempli d’intérêts pour acheter ces œuvres des congolais.
« Les clients américains sont vraiment impressionnés. Pour la majorité, c’est une surprise d’apprendre qu’il existe des artistes congolais de ce niveau de talent. Parce que l’image du Congo n’est pas vraiment positive aux Etats-Unis. C’est les conflits, la pauvreté, la corruption, et c’est vraiment une autre nouvelle avec cette culture riche ainsi que l’énorme talent artistique », a dit Elizabeth Jaffee.
Kuzamba Mbuangu