Ce mardi 08 avril, le DeskFemme a rencontré quelques femmes agricultrices et entrepreneures œuvrant dans la transformation agroalimentaire à Kinshasa. Elles ont partagé leurs initiatives visant à promouvoir l’agriculture durable, l’alimentation locale et l’autosuffisance alimentaire dans la capitale.
Louise Oloweko, une agricultrice de 45 ans qui cultive des légumes (amarantes, feuilles de manioc…) à Maluku, se confie : “Nous avons constaté que de nombreux produits alimentaires consommés à Kinshasa sont importés, ce qui impacte non seulement l’économie locale, mais aussi la santé des populations. J’ai décidé de faire pousser des légumes bio pour offrir des alternatives saines à la population et sensibiliser sur l’importance de consommer local,” explique-t-elle. Elle cultive également des tomates, des oignons, des épinards et du maïs à Kimwenza. Mais l’obstacle majeur pour elle reste la gestion de l'eau et des sols. “L'irrigation est un défi majeur ici. Nous avons mis en place des systèmes de récupération d’eau de pluie et nous avons recours à des pratiques agroécologiques pour limiter l’usage des produits chimiques,” ajoute-t-elle.
La transformation des produits agricoles constitue une autre facette de cette dynamique. Nathalie Maka, spécialisée dans la transformation de fruits et épices en conserves, raconte. “L’agriculture est une base, mais il faut transformer pour avoir un impact durable. En transformant des produits locaux en conserves, jus ou épices, je crée de la valeur et des emplois tout en réduisant la dépendance aux produits importés,” confie Nathalie, qui a lancé sa propre entreprise de transformation agroalimentaire il y a cinq ans. Aujourd’hui, elle exporte une partie de sa production vers d'autres provinces du pays et participe activement à des campagnes de sensibilisation sur les bienfaits de consommer des produits locaux. Elle mise sur les ressources locales : “Je travaille avec des femmes agricultrices, nous faisons le lien entre production et transformation, et cela crée une chaîne de valeur très bénéfique pour la communauté.”
Parallèlement, Clara Ngoma, une autre entrepreneure dans la transformation agroalimentaire, met l’accent sur la diversification des produits. “Nous ne devons pas seulement nous limiter à la transformation des fruits et légumes. J’ai récemment commencé à transformer des produits dérivés du manioc, comme la farine et le tapioca, pour diversifier l’offre alimentaire. Cela permet d'encourager les agriculteurs à cultiver davantage de manioc, tout en contribuant à la sécurité alimentaire dans la région,” explique-t-elle. Elle note également que la transformation donne aux produits locaux une durée de vie plus longue, ce qui ouvre des perspectives d’exportation et réduit les pertes post-récolte.
Françoise Bena, directrice d'une association d'agricultrices, souligne pour sa part, l'importance de la formation et du soutien gouvernemental pour pérenniser ces projets. “Les femmes ont un grand rôle à jouer dans la sécurisation alimentaire, mais elles ont besoin d’outils, de formation et d’un meilleur accès au financement pour aller plus loin. Nous faisons des miracles avec peu de moyens, mais il faut plus de soutien pour qu’elles puissent réellement prospérer.”
Malgré ces succès, les femmes agricultrices et entrepreneures rencontrent de nombreux défis. L’accès au financement reste l’un des plus grands obstacles. Beaucoup d’entre elles sont exclues du système bancaire traditionnel et peinent à obtenir des prêts pour développer leur activité. En outre, l’accès aux marchés reste limité, surtout dans les zones rurales où les infrastructures de transport sont dégradées. Cependant, l’optimisme demeure.
“Nous avons de la ressource ici, dans nos terres et dans nos idées. Nous devons continuer à nous battre pour que notre travail soit reconnu et soutenu. Il est temps que les femmes soient considérées comme des moteurs de l’économie agricole de Kinshasa,” conclut Nathalie Maka.
Nancy Clémence Tshimueneka