Cardinal Ambongo : "Nous avons toujours attiré l'attention sur le risque de balkanisation, aujourd'hui nous en sommes là, notre pays est en train d'être dépecé devant nous et nous faisons comme si ce n'était pas notre pays"

Photo d'illustration
Cardinal Ambongo

La situation sécuritaire dans la partie Est de la République Démocratique du Congo ne cesse de se détériorer suite à l'activisme des groupes armés étrangers et locaux. Dans son message samedi 30 mars 2024 à la messe de Pâques, le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu a dénoncé l'insouciance des autorités compétentes face à cette situation.

Selon le chef de l'Église catholique en RDC, les autorités sont préoccupées par d'autres choses au lieu de se pencher sur les véritables préoccupations de la population. Il estime que la RDC est dans cet état parce qu'elle ne possède pas une armée capable de défendre son intégrité territoriale.

« Nous savons très bien que notre pays est aujourd'hui un pays en agonie, un grand malade et quand un grand malade est dans un état de coma, il est dangereux de pronostiquer sur son avenir et aujourd'hui le Congo est dans cette situation du grand malade qui est presque dans un état comateux. Au-delà du discours que nous tenons ici, des discours complètement inutiles, la réalité est que les autres continuent à avancer et à occuper l'Est de notre pays. C'est une évidence pour la simple raison que le Congo n'a aucune force pour défendre l'intégrité de son pays », a fait remarquer l'archevêque de Kinshasa.

Et de poursuivre :

« Nous sommes tellement grands mais nous sommes comme on le dit, un éléphant aux pieds d'argile. Un éléphant qu'on a posé sur des pieds d'argile, il est donc un éléphant fragile, fragilisé même par des petits enfants aujourd'hui peuvent jouer avec le Congo et ils sont là, ils sont en train de venir, ils sont en train de venir et nous tenons des discours ici comme si nous étions forts, la vérité c'est que le Congo n'a pas d'armée et c'est très grave pour une nation comme la nôtre ».

Au-delà de la volonté de la communauté internationale, de ses voisins avec des visions expansionnistes et de ses richesses, Fridolin Ambongo Besungu estime que la part des responsabilités des Congolais est aussi grande dans ce qui arrive au pays actuellement.

« Nous constatons que notre pays est aujourd'hui placé dans un état comateux, nous constatons que ceux qui viennent de l'extérieur peuvent se permettre de jouer avec la nation congolaise parce que la cause principale de notre malheur, la cause première de manque de paix dans notre pays ce ne sont pas les gens de l'extérieur, ce ne sont pas les étrangers, ce n'est pas le méchant Rwanda c'est d'abord nous les Congolais. Notre irresponsabilité a fait que nous posons aujourd'hui des gestes qui ne permettent pas l'éclosion de la paix dans notre pays », a indiqué Fridolin Ambongo Besungu.

C'est dans ce cadre que Fridolin Ambongo Besungu a appelé les Congolais et Congolaises à prendre conscience pour changer la situation de la RDC qui ne cesse de s'empirer. Pour lui, si rien n'est fait, le pays va bel et bien vers sa balkanisation.

« Nous ne devons pas croiser les bras et attendre que notre nation congolaise disparaisse comme ça a commencé à l'Est, on a toujours parlé du risque de balkanisation, nous les évêques nous avons toujours attiré l'attention sur le risque de balkanisation, aujourd'hui nous en sommes là, notre pays est en train d'être dépecé devant nous et nous regardons, nous assistons, nous voyons et nous faisons comme si ce n'était pas notre pays qu'on est en train de dépecer. Demain, nous n'aurons que nos yeux pour pleurer, lorsque le Congo sera divisé en plusieurs nations et le processus est déjà en marche à l'Est », a interpellé Fridolin Ambongo.

Et d'ajouter :

« Prions pour nos dirigeants, les dirigeants de ce pays qui sont complètement, je dirais, déphasés par rapport à la souffrance de leur peuple. Quand on voit leur comportement, quand on voit leur langage, on se demande si ce sont ceux-là les vrais dirigeants de ce peuple malheureux. Ce peuple qui souffre. Tout le temps, ils font des fêtes, ils sont heureux parce qu'ils ont tout ce qu'il faut pour vivre et le peuple est là, cantonné dans son coin où il n'a peut-être à sa disposition que la Bible, une Bible qui est tombée entre les mains des charlatans qui continuent à enfoncer le peuple dans les illusions, dans des prêches qui n'aident pas le peuple à ouvrir l'œil ».

La République démocratique du Congo, dans sa partie Est, fait face à l'activisme des groupes armés étrangers et locaux. À l'Est, la situation s'est détériorée davantage depuis la résurgence des rebelles du M23 soutenus par Kigali. Depuis l'année 2021, plusieurs pans de la province du Nord-Kivu sont sous le contrôle de ces rebelles. Ils veulent un dialogue direct avec Kinshasa, un schéma que rejette l'administration Tshisekedi, voulant dialoguer directement avec Kagame qu'elle considère comme le parrain du M23.

Clément MUAMBA