La gestion des marchés publics impliquant des prestataires internationaux de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) en République Démocratique du Congo est marquée par une budgétisation forfaitaire basée sur des faits aléatoires. Cette pratique a entraîné d'énormes pertes de deniers publics, s'élevant à près de 400 millions USD entre 2022 et 2023, et 640 millions USD lors du cycle précédent, sans justification. Ces conclusions émanent d'une étude comparative sur le budget et le système de passation des marchés publics dans le cadre des opérations électorales 2016-2019 et 2021-2024, menée par le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL), avec le soutien de l'ONG allemande Democracy Reporting International (DRI).
Valéry Mandiangu, Directeur du Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL), a souligné dans le rapport l'inadéquation entre les budgets des marchés publics mentionnés dans les différents Plans de Passation des Marchés (PPM), le Plan d’Engagement Budgétaire, et le Plan de Trésorerie du pouvoir central (PTR). Certains des marchés effectués par la CENI se situent en dehors du cadre budgétaire, n'ayant pas reçu d'autorisation ou manquant de crédit, et ne figurant pas sur le PPM.
Le rapport dévoile également des marchés surfacturés, notamment l'achat de 33 000 machines à voter neuves pour un coût de 109 869 726 USD, générant un dépassement de 62 778 726 USD. De plus, l'étude met en lumière des marchés surfinancés et/ou dupliqués, notamment l'acquisition de 58 315 000 cartes d'électeurs pour 43 941 891 électeurs enrôlés, avec 14 373 109 cartes d'électeurs inutilisées. Le fournisseur MIRU SYSTEMS SARL remporte les plus importants des marchés publics évalués à 321,4 millions USD, suscitant des interrogations sur la procédure.
Le CREFDL souligne un faible degré de transparence, avec seulement 13 sur 467 documents des marchés publics publiés et accessibles au public. L'organisation pointe également des pratiques de corruption, mentionnant des paiements en espèces effectués par le gouvernement à la CENI pour un montant de 240 millions USD en juillet 2023.
Concernant les marchés avec les prestataires locaux, le CREFDL indique que 80% des commandes publiques avec les fournisseurs locaux ne figurent pas dans les PPM des exercices 2022 et 2023. L'organisation dénonce le saucissonnage des marchés pour échapper à la procédure d'appel d'offres, notamment dans l'achat de produits pétroliers.
L'opposition, déjà critique envers la gestion financière opaque de la CENI, réclame une évaluation du processus électoral, soulignant que dépenser 1 milliard USD pour des élections "chaotiques" est inacceptable, selon Martin Fayulu Madidi.
Clément MUAMBA