Etat de siège : que pensent les kinoises des conclusions tirées au cours des travaux d’évaluation ? 

Photo/ Actualité.cd
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Les travaux d’évaluation de l’état de siège ont eu lieu du 14 au 16 août à Kinshasa. Faut-il maintenir cette mesure exceptionnelle ou la lever conformément à la demande de la majorité des participants ? Ce lundi dans les rues de la capitale, des kinoises ont partagé leurs points de vue à ce sujet. 


« Je vais m’exprimer de manière générale », prévient Cynthia Balama, agent dans une banque. Et de renchérir, « la décision de lever cette mesure dépend de plusieurs facteurs et peut faire l'objet de multiples débats. L’état de siège est mis en place pour assurer la sécurité et la stabilité d'une région. Avant de lever cette mesure, il est important d'évaluer si les conditions sont réunies pour garantir la sécurité des citoyens et le bon déroulement des élections. Au niveau de l'opinion publique, il est intéressant de noter que la majorité des participants aux travaux d'évaluation ont demandé la levée de l'état de siège. Cependant, il est important de prendre en compte l'opinion de tous les acteurs concernés, y compris les responsables de la sécurité et les experts en la matière ». 


En ce qui concerne l'équité électorale, Mme Balama souligne que « lorsqu'une mesure d'exception comme l'état de siège est mise en place, il est essentiel de s'assurer que toutes les partis politiques ont des chances égales de mener leur campagne électorale et de participer aux élections. La levée de l'état de siège pourrait favoriser un environnement plus équilibré et équitable pour tous les candidats. Par conséquent, il est important de peser les risques potentiels liés à la levée de l'état de siège. Il faut prendre en compte la situation sécuritaire actuelle, les menaces potentielles et la capacité des forces de sécurité à maintenir l'ordre et à garantir la sécurité des citoyens pendant la période électorale ».


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Avant état de siège=après état de siège?


L’état de siège n’a certes pas produit les résultats escomptés, dit Ariane Olondo, la trentaine, entrepreneure dans le domaine de l’agro-industrie. 


Mais, poursuit-elle, « je pense que lever cette mesure à 6 mois des élections n’est pas une bonne idée. Je me rappelle qu’en 2018 les habitants de Béni et Butembo n’avaient pas pu participer aux élections présidentielles à cause de l’insécurité. Lever l’état de siège pourrait être un risque en matière de sécurité car on ne sait pas ce qui peut arriver. L’idéal serait de ne pas lever l’état de siège en attendant que les élections passent. Pour renforcer la sécurité il faudrait déjà évaluer ce qui a été fait, ressortir les forces et les faiblesses. Puis élaborer une nouvelle stratégie ».


Étudiante finaliste à l’université pédagogique nationale (UPN), Mpemba Mukuna abonde dans le même sens.

« Je pense que ce n’est pas une bonne proposition de lever l’état de siège à partir du moment où il y a menace. La raison pour laquelle l’état de siège a été instauré n’a pas encore été totalement éradiquée. C’est normal que la population ne soit pas d’accord avec cette mesure car la plupart de ses droits sont limités ». 


« Cette disposition constitutionnelle a été mise en application pour éradiquer les groupes armés qui sèment la terreur dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, afin de mettre fin à l’insécurité qui sévit dans cette partie du pays depuis plus de deux décennies. Trois ans après l’instauration de cette mesure exceptionnelle, on ne peut pas dire que l’objectif a été atteint. On a plutôt l’impression que l’avant état de siège est égal à l’après état de siège. D’ailleurs, les massacres de la population s’intensifient. Certaines organisations internationales et mouvements citoyens ont, dans leurs rapports, dressé un bilan mitigé de l’état de siège. Aussi, la population en a marre. Donc il fallait réfléchir sur d’autres options à lever parce que l’état de siège a échoué », propose Maryline Mushiya, vendeuse au croisement des avenues Rwakadingi et Kasavubu. 


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Tirer du positif dans l’action de l’armée congolaise


Malaïka Luhahi, qui travaille pour une agence de l'Etat, estime qu’il faut reconnaître l’action des militaires congolais contre les groupes armés. 


« Les gens disent que les militaires ne font rien. Moi, je crois par contre qu’ils n’agissent pas au niveau attendu peut-être par insuffisance de la prise en charge. A un certain niveau ils font un travail louable. C’est encourageant. Ils travaillent pour rassurer la population. C’est très important de garder l’état de siège. Pour renforcer la sécurité dans ces provinces, alors que les négociations diplomatiques n’ont pas abouties, nous devons renforcer notre armée, non seulement en quantité mais aussi en logistique, formation », a-t-elle soutenu. 


Il faut noter que la table ronde organisée à Kinshasa sur l'avenir de l'état de siège en vigueur dans les provinces de l'Ituri et Nord-Kivu a été abordée dans la communication du Chef de l'État Félix Tshisekedi lors de la 109e réunion du conseil des ministres tenue vendredi 18 août 2023 à la Cité de l'Union Africaine.


En sa qualité de garant de la nation et du bon fonctionnement des institutions, rapporte le compte rendu de la réunion, Félix Tshisekedi a promis d'examiner la situation en toute responsabilité et de communiquer incessamment à la nation la suite à réserver à cette mesure d'exception suivant les différentes recommandations qui lui ont été transmises par les parties prenantes.

Prisca Lokale