RDC-Forêt: une table ronde de la foresterie communautaire à Kisangani pour booster un processus qui piétine dans la Tshopo

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Photo de famille avec la gouverneur de la Tshopo

Depuis mardi 11 juillet, Kisangani (Tshopo) abrite la huitième table ronde provinciale sur la foresterie communautaire. Après Kindu (Maniema) en avril dernier, les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de ce processus qui vise à créer et développer des Concessions forestières des communautés locales (CFCL) se sont donné rendez-vous au chef-lieu de la Tshopo en vue de partager de l’expérience pour tenter de booster la foresterie communautaire qui évolue à pas de tortue dans cette province de l’est de la RD Congo. 

Ces assises de quatre jours, soit du mardi 11 au vendredi 14 juillet, connaît une participation de plus de 100 personnes, notamment les délégués des communautés locales et peuples autochtones impliqués dans le processus de la foresterie communautaires dans la Tshopo, le Nord-Kivu, l’Equateur et le Mai-Ndombe, les délégués des organisations impliquées dans l’accompagnement des communautés, ceux du gouvernement et administration provinciale, de l’administration centrale ainsi que des partenaires techniques et financiers qui appuient le processus en République démocratique du Congo (RDC).

Durant quatre jours, ils échangent sur les défis, opportunités et perspectives dans la mise du processus de foresterie au pays en général et dans la Tshopo en particulier. Cette table ronde est également une occasion pour les délégués des communautés locales engagées dans le processus d'échanges sur les succès et difficultés jusque-là rencontrés dans les deux phases de la foresterie, notamment la phase de demande et d’attribution de l’arrêté portant création d’une CFCL ainsi que celle de gestion et exploitation des concessions déjà acquises.

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Tshopo: pleine d’opportunités, mais freinée par des défis!

A en croire les organisateurs de la table ronde, la province de la Tshopo dispose de près de 19,8 millions d’hectares de forêts naturelles, s’étendant sur 93,5% de sa superficie. Cette forêt est très riche en biodiversité faunique et floristique à capitaliser pour le bien être des communautés locales et peuples autochtones très présents dans la région. Mais depuis les premières tentatives d’engagement des communautés dans la foresterie communautaire il y a plus de dix ans ou en cinq ans de la phase expérimentale de cette nouvelle approche de gestion des forêts (2018-2023), la Tshopo, l’une des provinces à fort potentiel forestier du pays «ne compte que trois CFCL légalement attribuées couvrant une superficie de 89 750 hectares des forêts» sur les 165 que compte le pays. Et aucune de ces trois CFCL localisées dans le secteur de Bekeni Kondolole (CFCL de BarumbiTshopo, Bambaka de Bapondi et Bambaka de Bafwamogo)ne dispose d’un plan simple de gestion (PSG) validé et approuvé.

«Au début du processus, Tshopo était chaud. Mais aujourd’hui vous n’avez obtenu que trois cfcl toutes dépourvues des plans simples de gestion. Beaucoup de dossiers trainent au gouvernorat. Il y a des lenteurs. Il y a des complications. Nous devons quitter la table ronde avec des changements», a interpellé Mme Fifi Likunde, cheffe de division nationale de la foresterie communautaire. «Je plaide auprès de madame le gouverneur de voir comment aider (les communautés) qui ont respecté la procédure et de traiter avec ses techniciens les dossiers entachés d’irrégularité», a-t-elle sollicité.

Dans son discours d’ouverture, le gouverneur de la Tshopo, Madeleine Nikomba, a révélé avoir diligenté une enquête qui a révélé que le blocage du processus de la foresterie communautaire est généralement dû au déficit de sensibilisation et par conséquent d’appropriation du processus par les communautaires, ainsi que le non-respect des normes et exigences. Elle a demandé aux partenaires et par conséquent d’appropriation du processus par les communautaires, ainsi que le non-respect des normes et exigences. Elle a demandé aux partenaires et organisations accompagnatrices de multiplier les efforts pour intensifier la sensibilisation des communautés locales.

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Mais au-delà de ces défis évoqués par l’autorité provinciale, les organisateurs disent avoir également recensés d’autres qui freinent le processus dans la Tshopo: «la lenteur administrative dans le traitement des dossiers de demande à divers niveaux (provincial et local), le manque de moyens technique, matériel, logistique et financier qui rend difficile la supervision administrative et le contrôle forestier externe au niveau des CFCL, le trafic d’influence de certaines personnalités locales et traditionnelles ayant parfois pour conséquence de décrédibiliser le processus de la foresterie communautaire, les divers conflits fonciers intercommunautaires liés à un manque de clarté quant aux limites de certains territoires coutumiers, la réduction sensible des espaces attribuables en CFCL suite à l’attribution de grandes concessions industrielles et l’afflux de concessions forestières de conservation, le déficit d’information et de formation des acteurs impliqués au niveau provincial et local et le faible degré de collaboration entre les acteurs, principalement dans le partage d’informations».

Vers un changement d’approche?

Inquiet des piètres résultats du processus dans une province qui abrite des institutions d’enseignement supérieur et universitaire réputées pour leurs recherches sur la gouvernance  forestière, Théophile Gata, directeur exécutif du Centre d’appui à la gestion durable des forêts tropicales (CAGDFT) a appelé les universitaires à sauver le processus en intensifiant des efforts dans la recherche-action.

«Chers universitaires de Kisangani, vous devez quitter la recherche fondamentale pour la recherche-action en vue d’aider le processus. Vraiment, il faut appuyer la recherche fondamentale par la recherche-action pour aider les communautés locales», a-t-elle conseillé.

Présent à la table ronde, le professeur Alphonse Maindo, coordonnateur de Tropenbos RDC qui intervient également dans l’accompagnement des communautés locales et peuples autochtones dans le processus de la foresterie communautaire a appelé l’autorité provinciale à coordonner les interventions des acteurs sur terrain pour se rassurer de l’harmonie dans les interventions.

La division de la foresterie communautaire espère que les travaux des quatre jours pourront aider à booster un processus qui piétine dans la Tshopo.

«Nous voudrions quitter la table ronde avec un changement dans l’approche d’accompagnement, il faut accélérer la sensibilisation, il faut renforcer les capacités des acteurs impliqués dans le processus pour que les gens maîtrisent la procédure de demande et d’exploitation des CFCL. Aussi, il faut qu’ils respectent les normes. Le respect des normes nous concerne tous, et l’Etat, et les communautés locales. Il faut également respecter les rôles de chaque acteur : gouverneur, administration locale. C’est important pour aider le processus», a-t-elle ajouté.

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Ces assises de quatre jours bénéficient de l’appui technique et financier de la Rainforest Foundation Norwey (RFN) à travers le projet Protection des forêts et des droits des communautés et Peuples Autochtones, de Tenure Facility (TF) à travers le projet d’Appui à la Sécurisation des Droits Fonciers et Forestiers (PASDFF) des communautés locales et peuples autochtones pygmées et de la Rainforest Foundation UK (RFUK) à travers le projet « Forêts d’Avenir ».

Claude Sengenya, à Kisangani