C'était dans la confusion totale que dans la nuit du 12 au 13 juin 2022, la cité de Bunagana (Nord-Kivu) était tombée entre les mains des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda après d’intenses combats avec les forces armées de la République Démocratique du Congo. Une année après, cette cité stratégique et frontalière à l'Ouganda reste toujours sous contrôle des rebelles du M23. Toutes les tentatives de l’armée pour récupérer Bunagana n’ont pas produit de résultats positifs.
L’occupation prolongée de Bunagana suscite des réactions dans l'environnement sociopolitique congolais. C'est le cas du député national Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa qui note qu'il n'y a aucune perspective de la part du gouvernement de reconquérir les différentes entités y compris Bunagana entre les mains des rebelles du M23.
"Une année après l'occupation de Bunagana par le M23, les populations déplacées se retrouvent réfugiés en Ouganda, les autres déplacées dans des camps autour de Goma, abandonnées de tous, le gouvernement n'apporte aucune assistance à ces populations. Ces populations sont dans le désespoir parce qu'il n'y a aucune perspective de la part du gouvernement de pouvoir libérer ces territoires-là. Non seulement les populations étaient privées de la possibilité de se faire enrôler, elles n'ont pas de carte”, a déploré Jean-Baptiste Kasekwa au cours d'une interview accordée à ACTUALITE.CD lundi 12 juin 2023.
Cet élu de Goma craint que le cessez-le-feu qui dure depuis mars sur le terrain puisse jouer à l’avantage du M23 pour attaquer Goma.
“Comme nous l'avons vécu en juillet 2022, Kinshasa avait instruit les FARDC d'observer un cessez-le-feu trois mois après ce sont les M23 qui ont pris le contrôle de Kiwanja jusqu'à Mabenga, Tongo, Bambo. Nous craignons que ce cessez-le-feu ait pour objectif effectivement de laisser au M23 de se renforcer et de se déployer et venir accomplir la menace sur Goma tels que le gouvernement a eu à l'annoncer", a-t-il dénoncé.
Kasekwa accuse le pouvoir de complicité visant à matérialiser le plan de balkanisation de la RDC. À l'en croire, l'armée Ougandaise ayant prêté main forte au M23 dans la chute de Bunagana ne devrait pas être déployée dans cette cité d'autant plus qu'elle sert de base arrière aux rebelles.
"Nous notons dans les Chef du gouvernement une sorte de complicité parce que sachant que l'armée Ougandaise avait été aux côtés du M23 le 13 juin 2022 pour la prise de Bunagana, elle a été visible par la population le 26 et 29 octobre 2022 lors de l'entrée des pseudos M23 à Kiwanja. Alors que la feuille de route de Luanda du 23 novembre prévoyait que ça soit les contingents Kényans qui devraient être déployés à Bunagana, Kiwanja jusqu'à Mabenga, on ne comprend pas comment Kinshasa a autorisé que ça soit les mêmes Ougandais qui sont déployés à leur propre frontière, personne ne contrôle les mouvements, nous apprenons que les M23 recrutent à partir de l'Ouganda, des matériels entrent nuit et jour sous la présence de ces contingents. Nous craignons que cette autorisation officielle de la présence des agresseurs sous couvert désormais de la casquette EAC n'aboutisse à un renforcement de certains dispositifs qui va concrétiser la menace de balkanisation et là le pouvoir de Monsieur Félix Tshisekedi devrait être accusé pour haute trahison", a ajouté Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa.
Ne compter que sur les FARDC
En sa qualité de membre de la Commission défense et sécurité de l'assemblée nationale, l'élu de Goma a rappelé la nécessité de renforcer la capacité des FARDC et de bien les entretenir afin d'aboutir aux résultats escomptés sur le terrain.
"Il n'y a pas d'autres voies en dehors des FARDC, il faut remonter le moral des FARDC, il faut assurer l'unité de commandement, il faut améliorer les conditions des vies de nos militaires et il faut lever l'état de siège qui sert des masques pour tromper l'opinion qu'il y a des opérations militaires alors qu'en réalité l'état de siège ne sert qu'à tracasser à outrance les populations déjà meurtries, asphyxiées. L'état de siège est devenu un business pour des officiers militaires qui se permettent de spolier toutes les petites parcelles de l'État, finalement après l'état de siège le Nord-Kivu et l'Ituri vont hériter des grands conflits plus dangereux que les conflits ayant été à la base de la guerre, de la présence des groupes armés. Il faut améliorer les relations entre l'armée et la population parce que sans la population l'armée ne peut rien faire", a-t-il recommandé
La situation sécuritaire dans la partie Est de la RDC peine à s'améliorer. La force régionale EACRF, créée en 2022 pour arrêter l'avancée du groupe armé M23, a récupéré, depuis décembre, certains des bastions de la rébellion. Mais, sur le terrain, les rebelles sont toujours là et cohabitent avec la force de l’EAC.
En dépit de cette méfiance, le général de division Aphaxard Muthuri Kiugu a officiellement, jeudi 18 mai 2023 pris ses fonctions à Goma (RDC). Il est le nouveau commandant de la force de l’EAC. Des initiatives diplomatiques régionales aussi peinent à donner des résultats escomptés sur terrain.
Entretemps, la RDC attend la matérialisation de la décision prise le 8 mai dernier par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) approuvant le déploiement d'une force de cette organisation régionale pour restaurer la paix et la sécurité à l'est du pays.
Clément Muamba