Contrairement à ce que nombreux le croient, les rebelles du M23 ne se sont vraiment pas retirés de certaines agglomérations conquises au Nord-Kivu. C’est le cas notamment du territoire de Nyiragongo, proche de Goma où les rebelles avaient annoncé en décembre dernier, leur retrait de Kibumba. Plus de trois mois après, le M23 est toujours présent à Kibumba et Buhumba, deux groupements de plusieurs villages, à la frontière entre la RDC et le Rwanda.
« Les rebelles se déguisent en civils pour tromper la vigilance de la population et même des autorités », ont témoigné à ACTUALITE.CD sous anonymat certains habitants de Kibumba.
Mardi, une équipe de journalistes a été conduite par la force de l’EAC dans la région afin de constater le retrait de la rébellion pro rwandaise. La délégation avec à sa tête le lieutenant-colonel O Dbiero est arrivée à Kibati, à Kibumba où elle a pu visiter le bureau du territoire de Nyiragongo.
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Au centre de Kibumba, l’ambiance n'est pas comme d’habitude. Quelques personnes seulement sont visibles, la plupart exercent de petits commerces le long de la RN2.
« La vie coûte cher ici, un petit bol de haricot qui coûtait entre 1 000 et 2 000 FC se négocie actuellement à 5 000 FC, voire plus. Le haricot vient de Mulimbi dans le Bwito. D'autres quantités viennent du Rwanda. Plusieurs produits vendus ici proviennent du Rwanda, parce que ici, tout le monde avait fui et donc, on ne pouvait plus faire le champ. Tous ces gens qui vendent ici, pour la plupart, viennent du Rwanda. Au moins 90% et c'est seulement 10% des gens d'ici qui proviennent du camp et viennent exercer aussi le commerce. Moi, par exemple, chaque soir, je suis obligé de rentrer à Kanyaruchinya parce que la sécurité n'est pas encore garantie », dit une vendeuse qui ne souhaite pas être aperçue en train de parler aux journalistes par peur des représailles car ici les rebelles sont toujours présents.
Presque partout dans le territoire de Nyiragongo, le reporter de ACTUALITE.CD a vu plusieurs habitations fermées, des maisons de commerce, écoles, structures sanitaires et autres vandalisés et même des portes arrachées.
Le M23 a juste abandonné certaines positions mais n’est pas parti. C’est le cas de Kanyamahoro, une colline qui constituait l'une des bases avancées du M23, en vue de lancer un assaut sur Goma mais déjà reconquise par les FARDC.
Lors d’un briefing de presse lundi, le commandant de la force régionale, EACRF, le lieutenant-général Jeff Nyagah, a affirmé que le retrait du M23, n’est pas une donne facile mais des signaux forts sont enregistrés sur le terrain.
A Rutshuru, l’ambiance est différente
Le constat est tout autre à Rugari et même à Kisigari (territoire de Rutshuru), où le M23 avait occupé la base militaire stratégique de Rumangabo. La région est contrôlée par les contingents Kényan et Sud-soudanais. Ici, le retour des habitants est au rendez-vous et les activités socio-économiques reprennent progressivement. Le marché de Kabaya a même reçu du monde ce lundi, comme on ne pouvait pas l’imaginer. « Le M23 est parti mais on ne sait où » nous chuchotent certains habitants.
« Ici, nous sommes en sécurité. Comme vous le constatez, l'ambiance est au zénith. Nous sommes rentrés quand nous avons appris que le M23 s’est retiré de chez nous. Au moins 80% de la population de Rumangabo est déjà de retour. Mais, pour dire vrai, certains sont retournés, même quand le M23 occupait encore la zone ici. Parce qu'ils se disaient, mieux vaut aller mourir dans nos champs que de continuer à souffrir dans les camps des déplacés. Nous avons ici le problème de la famine mais côté sécurité, tout va bien jusque-là », a confié un habitant croisé au monument de Rumangabo.
La présence de la force de l'EAC dans plusieurs zones, supposées être abandonnées par le M23 a permis la reprise du trafic entre Goma et Rutshuru, sur la RN2. Certains taximans de moto bravent la peur en traversant cette zone mais se plaignent de certains cas de tracasseries de la part des FARDC, positionnées à des points dits de contrôle. Au sujet de la traversée des véhicules et camions poids sur cette voie, l'EAC parle d’une question de quelques jours mais appelle tout le monde à contribuer à la sécurité de ces entités. Les militaires de tous les pays contributeurs des troupes de la force régionale de l’EAC sont arrivés dans l’Est de la RDC. Les derniers sont les sud-soudanais qui sont arrivés dimanche 2 avril à Goma (Nord-Kivu).
La RDC a, cependant, sollicité l'évaluation du mandat de la force régionale de l'EA , déployée sur son sol et dont le premier mandat de six mois a expiré fin février.
Jonathan Kombi