Denis Mukwege: « les femmes qui payent le plus lourd tribut de la violence armée doivent réclamer des sanctions contre l’agresseur » 

Des déplacés du territoire de Rutshuru. Ph. ACTUALITE.CD/Moses Sawasawa
Des déplacés du territoire de Rutshuru. Ph. ACTUALITE.CD/Moses Sawasawa

La journée internationale des droits des femmes se déroule cette année sous le thème de "l'innovation et des technologies pour l'égalité des sexes : pour un monde digital inclusif". Le choix de ce thème, selon l’ONU, permet de saluer et de célébrer les femmes et les filles qui défendent l'avancement de la technologie transformatrice et de l'éducation numérique. 

Au Congo-Kinshasa, Denis Mukwege a un autre regard par rapport au contexte actuel du pays. « En RDC, la journée du 8 mars ne sera pas non plus une journée de fête. Il s'agit bien plus d'une journée de deuil et nous appelons les femmes à s'habiller en noir et à clamer haut et fort que le temps est venu pour nos gouvernants de prendre leurs responsabilités », a t-il déclaré. 

Et d’ajouter:

« A l'instar de chaque autre jour de l'année, la journée de la femme sera aussi une journée de lutte car les femmes sont encore considérées comme des citoyennes de seconde zone en RDC. Ainsi, alors qu'elles ont démontré qu'elles sont capables, elles devront être pleinement et effectivement associées à toutes démarches visant à instaurer et à consolider la paix, en conformité avec la résolution 1325 du Conseil de Sécurité ».

Évoquant les violences dans l’est de la RDC, le prix Nobel pousse pour plus une plus grande implication pour que justice soit faite. 

« Comme les initiatives diplomatiques pour ramener la stabilité à l'Est du Congo sont dans l'impasse et que les ultimatum pour faire taire les armes se succèdent sans jamais être respectés, les femmes qui payent le plus lourd tribut de la violence armée doivent réclamer des sanctions contre l’agresseur », a t-il ajouté.

Sur le plan politique, il a appelé les femmes une grande mobilisation en cette année électorale: « En outre, en cette année où la Nation s'apprête à vivre des élections générales, nous appelons toutes les citoyennes en âge de voter à s'enrôler massivement. Il est temps de prendre notre destin en main et nous sommes convaincus que le changement de paradigme viendra par la pleine participation des femmes à toutes les questions de la vie publique ». 

En dépit de précédentes expériences électorales malheureuses, il ne prône pas le boycott des élections: « Ayant à l'esprit que l'abstention ne profite qu'au régime en place, il est primordial que les femmes se mobilisent pour participer en masse à tous les scrutins à venir, pour se présenter et pour avancer vers la parité dans les institutions de la République, conformément à la Constitution congolaise, et faire le choix de leurs représentants pour les années à venir ».

La clé, d’après lui, c’est dans la vigilance: « Nous appelons aussi les femmes à s'organiser pour l'observation des élections à tous les niveaux et à devenir les sentinelles de la démocratie en genèse en RDC. Le changement tant attendu dépend de tous, et les femmes, qui sont majoritaires dans la société, ont une occasion à ne pas manquer d'exprimer leur soif de paix, de justice et de démocratie, et de faire la différence pour le bien commun ».

Et d’ajouter avec une pointe d’espoir: 

« Alors que les défis sont multiples dans le monde entier et en RDC en particulier, il n'y a pas de place pour la fatalité. Nous exhortons les responsables politiques, religieux et économiques d'être aussi courageux que le sont les femmes pour construire un monde plus libre, plus juste, plus égalitaire, plus prospère et plus pacifique où les femmes jouiront dignement des mêmes droits que les hommes, dans l'intérêt de l'humanité et de la planète ».

Pressenti candidat à la prochaine présidentielle, Denis Mukwege n’a pas encore clairement précisé son positionnement face à ces scrutins.