Blocs pétroliers: en décourageant la RDC d’emprunter cette voie, la communauté internationale peut-elle compenser avec d’autres sources de financement et d’investissement ?

Alok Sharma, président de la COP 26
Alok Sharma, président de la COP 26

Les travaux préparatoires de la 27ème Conférence des parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique « PRECOP27 » se sont clôturés officiellement mercredi à Kinshasa. Ces assises ont connu la participation d’une soixantaine de ministres et de nombreuses autres personnalités internationales. L’enjeu est de préparer la COP 27 qui aura lieu dans un mois en Égypte. Cependant, pour la RDC, il était également question de défendre son projet de mettre en exploitation une trentaine de blocs pétroliers et gaziers. Nous voulons de l’oxygène et nous voulons du pain, avait illustré Ève Bazaiba, vice-premier ministre chargée de l’environnement. Le message semble passé, à en croire le britannique Alok Sharma, président de la COP 26. Il est invité de la rédaction.

Quels sont les messages que vous êtes venus partager avec les autres participants à cette pré-COP?

Il y a 12 mois, à Glasgow, nous avons essayé de mettre ensemble 200 pays dans le but de se mettre d’accord sur le pacte de Glasgow. L’objectif de la COP 26 était d’obtenir des engagements de manière à dire de façon crédible que nous avons pu capitaliser la possibilité de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius. Nous avons essayé d’avoir les engagements de pays. Cette année, nous voulions nous assurer que ces engagements ont été mis en pratique. Pour le cas du bassin du Congo, nous avons ici un endroit qui absorbe le gaz à effet de serre. C’est pour cela que c’est important de soutenir les pays du bassin du Congo. C’est pour cela qu’en 2006, un certain nombre de pays dont le Royaume-Uni se sont mis ensemble pour constituer un fonds de 1,5 milliards USD pour les cinq années à venir pour soutenir les pays, combattre la déforestation et améliorer les conditions de vie de la population. 

Quelle évaluation faites-vous du pacte de Glasgow qui avait prévu de maintenir l'objectif de limiter la hausse des températures mondiales à moins de 1,5°C

Les pays ont contribué. Nous avons constaté qu’il y a du progrès. Il y a 23 pays qui ont mis en œuvre cette disposition. Les efforts sont en cours. Les pays doivent accélérer leurs efforts. 

Comment peut-on expliquer le peu d’intérêt et de l’attention de la communauté climatique internationale sur le Bassin du Congo depuis toutes ces années ?

On remarque à présent que les efforts sont fournis. Lors de la précédente COP, des engagements ont été pris à ce sujet. C’est très important. Nous devons tout faire pour soutenir les pays du bassin du Congo.

Pour sortir ses populations de la pauvreté et développer son indépendance énergétique, la RDC mise notamment sur ses blocs pétroliers et gaziers. Le premier ministre congolais parle d’un cas de force majeure. Votre réaction ?

Nous reconnaissons que le Congo est un pays souverain. Il a le doit de s’occuper de ses gaz. Ce que nous devons faire, c’est de mettre les moyens à la disposition du pays pour qu’il puisse mener des actions qui soutiennent le niveau de vie des populations. Il y a un groupe de travail entre la RDC et les USA sur ce point. Le Royaume-Uni veut également mettre les moyens pour soutenir la RDC en vue de protéger la forêt.

Les blocs pétroliers apporteraient des milliards de dollars. Vous êtes prêts à compenser avec d’autres sources de financement et d’investissement ?

Nous ne savons pas commenter pour le moment parce que nous ne savons pas les capacités de ces blocs. Nous savons que le développement de ces projets pétroliers prend du temps. Ce que nous voulons nous rassurer, c’est que les financements sont mis à la disposition pour soutenir les populations locales. Nous devons aussi disponibiliser l’argent du secteur privé pour soutenir la population.

La RDC revient sur la récurrente question de l’accès aux fonds climats par les pays forestiers, notamment ceux des bassins tropicaux de la planète. Que faire pour accéder aux 100 milliards par an promis? 

C’est important que les pays importants rendent disponible cet argent. Ce serait un signe de confiance. C’est pour cela qu’avant les réunions de la COP nous nous sommes mis d’accord sur le montant de 100 milliards. Nous espérons que ce montant sera disponible avant 2023. Pour les cinq années qui suivent, la moitié pourra être disponibilisée. Il y a un rapport qui doit être publié avant la COP 27. Ce montant d’un milliard, c’est important. Mais, il faut aussi que le secteur privé soit impliqué. Nous allons publier les noms des pays bénéficiaires. 

Lors de la COP26 à Glasgow, l'ancien premier ministre britannique Boris Johnson, le président américain Joe Biden, le président Félix Tshisekedi et le président Ali Bongo Ondimba du Gabon ont annoncé une promesse de don de 12 donateurs de 1,5 milliard de dollars pour les forêts du bassin du Congo sur la période 2021-25. Où en sommes-nous ? Quelles sont les pesanteurs ?

L’engagement a été pris pour une période de cinq ans. Ce soir, je vais publier le montant qui sera disponibilisé.

Venons en au prix de la tonne de carbone forestier. Qu’est-ce qui bloque pour une meilleure valorisation? A ce propos, les 100 dollars américains qui ont souvent été avancés sont toujours insuffisants, en contrepartie à la valeur des services rendus, estime la RDC.

C’est un engagement. Lors de la COP 26, on s'est entendus sur les règles. Des démarches sont en cours pour voir comment rendre cela opérationnel. Cela permettra aux pays comme la RDC de tirer profit des actifs en sa possession;

La RDC veut que soit faite la différence entre la question des pertes et dommages liée aux impacts du changement climatique à celle de l’adaptation au changement climatique. Les deux questions soient traitées  séparément. Et concernant les pertes et préjudices: les pays du Sud demandent à quand la mise en place d’un mécanisme dédié pour financer cet axe ?

Les pays du Sud insistent pour la mise en place d’un mécanisme spécifique pour le financement de l’axe lié aux pertes et préjudices. C’est également votre avis? C’est une question importante. Pendant les trois ans, j’ai remarqué que la musique a changé. Il faut qu’on arrive à un consensus à ce sujet. Je suis convaincu qu’à la COP 27, ce point fera l’objet d’une discussion sérieuse. Aussi, nous avons des facilités techniques pour apporter des appuis aux pays victimes de ces pertes et justices.  Je vais voir si cela est mis en œuvre par les pays d’ici à la COP 27.

Et pour la COP 27

Nous avons eu des engagements à la COP 26. Nous voulons avoir la mise en œuvre. Le président égyptien est clair là-dessus. Le monde regarde. Nous avons encore un mois avant la COP 27.

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