Affaire Jean-Marc Kabund : la régularité de l’instruction pré juridictionnelle menée sans la levée d’immunité du député 

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L’affaire mettant en cause l’ancien premier Vice-président de l’Assemblée Nationale Jean-Marc Kabund suscite de nombreuses questions, plus particulièrement celle liée à la régularité de l’instruction menée par le Parquet Général près la Cour de cassation sans avoir obtenu a priori la levée d’immunité de ce membre de la chambre basse du Parlement.  En d’autres termes, il est question de savoir si l’officier du ministère public a procédé de manière régulière en instruisant le dossier à charge du député Jean-Marc Kabund, sans avoir obtenu la levée d’immunités par le Bureau de l’Assemblée Nationale.

Les règles générales applicables en matière d'immunité des membres du Parlement sont d’abord fixées par l’article 107 de la Constitution. Cet article dispose : « Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Aucun parlementaire ne peut, en cours de session, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas.

En dehors de session, aucun parlementaire ne peut être arrêté sauf avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive.

La détention ou la poursuite d’un parlementaire est suspendue si la Chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours ». Ces règles sont également consacrées dans la loi du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation et le Règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée Nationale adopté le 21 mars 2019.

De manière plus précise, l’article 75 de la loi relative à la procédure devant la Cour de cassation dispose  ce qui suit : « Sauf dans le cas où le parlementaire peut être poursuivi ou détenu sans l'autorisation préalable de l'Assemblée nationale, du Sénat ou de leur Bureau selon le cas, si le Procureur Général près la Cour de Cassation, estime que la nature des faits et la gravité des indices relevés justifient l'exercice de l'action publique, il adresse au Bureau de la Chambre dont fait partie le parlementaire, un réquisitoire aux fins de l'instruction.

L'autorisation une fois obtenue, le Procureur Général pose tous les actes d'instruction ». Et l’article 77 de la même loi indique la procédure à suivre en vue  de la mise en accusation ou de  la poursuite d’un Parlementaire. « Si le Procureur Général estime devoir traduire l'inculpé devant la Cour, il adresse un réquisitoire au Bureau de la Chambre dont fait partie le parlementaire aux fins d'obtenir la levée des immunités et l'autorisation des poursuites.

Une fois l'autorisation obtenue, il transmet le dossier au Premier président pour fixation d'audience ».  Ces règles s’appliquent aussi bien aux sénateurs qu’aux députés nationaux.

Il y a lieu de noter que conformément aux dispositions précitées, la demande aux fins d’obtenir la levée des immunités d’un député national n’intervient que lorsque le Procureur Général près la Cour de cassation entend engager des poursuites en saisissant la Cour de cassation; elle n’intervient pas avant l’ouverture du dossier à charge du député ou avant le début de l’instruction.

L’article 102 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale donne les détails sur le déroulement de cette procédure : il y a notamment l’audition du député incriminé et du Procureur Général et l’adoption d’une résolution autorisant ou non la levée des immunités et l’ouverture des poursuites. 

Dans l’affaire Jean-Marc Kabund, le Procureur Général près la Cour de cassation avait obtenu en date du 25 juillet 2022, l’autorisation d’instruire le dossier contre l’ancien Président a.i de l’UDPS. Et le 29 juillet, il avait adressé au Bureau de l’Assemblée National, un réquisitoire aux fins d’obtenir la levée des immunités et l’ouverture des poursuites, pour des infractions d’injures publiques, imputations dommageables, outrages envers les autorités et propagation des faux bruits.

Cette démarche menée par le Procureur Général près la Cour de cassation s’effectue donc  selon la ligne tracée par la loi du 19 février 2013.

Blaise BAÏSE, DESK Justice