La cheffe de l'exécutif de la province du Tanganyika, investie par le Chef de l’Etat le 09 juin et entrée en fonction le 20 juin 2022, peine à affirmer son leadership à cause d’une suite des tempêtes. Pourtant, son score électoral, 14 voix sur 24, lui avait donné une bonne marge de manœuvre pour gouverner sans coup férir. En réalité, le problème est plus profond qu'il n’yparaît. Décryptage !
Les premiers couacs à haut risque
La Gouv a réussi, avec le soutien – un secret de polichinelle - du Directeur de cabinet en fonction du chef de l'Etat, à persuader une bonne dizaine de députés jadis FCC de soutenir sa candidature. Seulement, l'alliance ainsi scellée à Kinshasa est loin d’avoir porté sur une vision politique partagée axée sur l’émergence de la province de Tanganyika. Il s’est agi d’une convergence circonstancielle d’intérêts dont la politique congolaise maitrise mieux les secrets. Objectif immédiat : la victoire électorale de la candidate Ngungwa. Résultat atteint. Puis, plus rien après. Bien contraire : des frustrations montantes. Sans cesse, indique-t-on.
Jadis reçue par le Président du Sénat et autorité morale de l’AFDC-A, Modeste Bahati pour ne pas le citer, Julie Ngungwa, désormais Gouv, aurait affiché une posture d’ingratitude. Jamais retournée pour remercier cet infini animal politique qui réussit, contre vents et marrées, à déjouer les coups de ses détracteurs, susurre-t-on dans son entourage. La Gouv n’a pas attribué, dans son équipe gouvernementale, un portefeuille à l’AFDC-A.
En outre, les relations entre la candidate UDPS Julie Ngungwa et son colistier, l'AFDC-AFerdinand Massamba wa Massamba, se sont avéré de mauvaise intelligence avant la tenue de l’élection. Elus, les deux se parlent à peine. Selon des sources proches de l'exécutif provincial, la méfiance entre la Gouv et son adjoint est telle que le numéro un de la province n’est encore pas disposée de confier, en cas d’absence ou d’empêchement, l'intérim à ce dernier. Preuve, si besoin était, que l’exécutif provincial accuse un sérieux déficit de cohésion. Pour n’avoir pas créé les conditions d’unité au sein de son équipe gouvernementale dont les compétences de certains membres seraient sujet à caution, la Gouv semblerait avoir vite perdu la confiance de certains de ses alliés.
Par ailleurs, dans les couloirs du parlement tanganyikais, il est fait état d'un bras de fer entre, d’une part, le chargé de mission du Président de la République Danny Banza, réputé à tort ou à raison être le mentor politique du Premier Ministre Jean Michel Sama, et, d’autre part, leDircab du chef de l'Etat, tous deux ressortissants de cette province dont ils se disputeraient le leadership. De bonne guerre ou effets de boulimie du pouvoir ?
Lorsqu'il est fait état de la solidité du réseau de Guylain Nyembo, un technocrate issu de la diapora et assez introduit dans les sillages de la famille biologique du Chef de l’Etat, il lui est en même temps reproché de ne pas connaitre le Tanganyika, ni son Kongolo « originel » où il n’aurait jamais foulé ses pieds. De quoi douter de son ancrage politique dans cette province jadis considérée comme un fief de l’ancien Président Joseph Kabila et dont le frère cadet fut Gouverneur. Quant à Danny Banza, dont la maitrise du milieu sociopolitique tanganyikais ne ferait l’ombre d’aucun doute, il serait critiqué de nourrir l’obsession d’imposer ses empreintes dans cette entité provinciale dont la position géographique à la lisière du pays et la découverte des ressources minières offrent tant d’opportunités d’affaires.
Entre contestations et retournement de la situation
Tanganyika passe pour un objet d’inquiétudes depuis quelques semaines. Contrariété à l’Université de Kalemie, marquée par le débrayage du personnel suivi des manifestations et sit-in des étudiants pour protester contre ce qui est perçue, par ces derniers, comme « une ingérence inopportune » de la Gouv dans la gestion de cet établissement universitaire, outrepassant ses prérogatives. En effet, les établissements d’enseignement supérieur et universitaire relèvent de la compétence du Gouvernement central et non pas de l’exécutif provincial. Pourquoi la Gouv n’avait-elle pas préalablement jugé utile de se référer au Ministre national en charge de l’ESU pour lui faire part de ses préoccupations sur la gestion de l’UNIKAL ?, pourrait-on s’interroger. Y avait-il péril en la demeure pour troubler la quiétude dans cette université ? « À travers les étudiants, c’est le problème même de la jeunesse qui est posé, de sa place dans la société, de ses obligations et de ses droits, de son équilibre moral même. », avait déclaré, le 14 mai 1968, Georges POMPIDOU, alors Premier ministre de la France, devant l’Assemblée nationale de son pays. Une observation à bien scruter.
Il est utile de mieux organiser la province dans ses différentes composantes. Encore faut-il y employer des méthodes idoines non sans recours à la stratégie de persuasion. Ce qui n’aurait pas été le cas. Le Ministre de l’ESU, réputé également proche du Dircab du Chef de l’Etat,va-t-il prendre le risque, sous le regard du personnel et des étudiants de l’UNIKAL, d’énerver les textes régissant l’ESU ? S’opposera-t-il à la démarche de la Gouv ? Ceci risquerait de fragiliser davantage cette dernière, déjà en froid avec un autre membre du Gouvernement central.
Le Ministre national de l’Intérieur semble avoir mis la Gouv dans une situation davantage embarrassante. En effet, il vient de décider la réinstallation du bureau de l’Assemblée provinciale déchu, dans des conditions confuses, peu après l’entrée en fonction de la nouvelle dirigeante de l’exécutif provincial. Il s'agit du bureau d'âge installé ainsi que celui qui ayant fait l'objet des pétitions. En effet, face à la menace de violence constatée à l'Assemblée provinciale du Tanganyika, Daniel Aselo Okito, Vice-premier ministre et ministre de l'intérieur, sécurité, décentralisation et affaires coutumières, a décidé, dans sa circulaire du 23 juin 2022, de rappeler les deux bureaux à Kinshasa. Cette mesure est restée sans aucune suite. Une pilule provenant d’on ne sait où, et que l’UDPS Aselo aurait eu du mal à ingurgiter. La Gouv a présenté son programme au cours d’une plénière convoquée par le bureau d’âge.
Dans ses attributions, le Ministre national de l’intérieur a, entre autres, compétences pour définir et veiller à la mise en œuvre de la politique d’administration du territoire ainsi que la coordination des rapports entre les membres du Gouvernement et les Gouverneurs de Provinces. La réhabilitation de l’ancien bureau de l’Assemblée provinciale dans un contexte de reconfiguration de la majorité parlementaire, raconte-t-on, pourrait porter un sérieux coup dur à la durée de vie politique de la Gouv Ngungwa à la tête de cette province. Tout Tanganyika politique en est conscient. Ce qui explique les vives tensions d’hier au Parlement de cette entité provinciale. D’où les appels à l’arbitrage du chef de l’Etat et son intervention pour réconcilier deux membres son sérail engagés dans une « guerre invisible » de leadership, à savoir : Guylain Nyembo et Danny Banza. Car les populations n’attendent que de voir améliorées leurs conditions de vie matérielles. Ceci requiert une gouvernance marquée par la transparence, le respect rigoureux des normes et la stabilité des institutions provinciales.
JC MWIMBA
Chercheur indépendant