Le Chef de l'État Félix Tshisekedi est appelé à révoquer immédiatement tous les pouvoirs accordés aux tribunaux militaires pour juger les civils et à définir un plan de sortie de l'état de siège. Ces recommandations sont de Amnesty International, une organisation de défense des droits de l'homme. Elles ont été faites lors de la présentation d’un rapport intitulé : « RDC : la justice et les libertés en état de siège au Nord-Kivu et en Ituri.
Pour Amnesty International, l’état de siège n'a pas réussi à atteindre l'objectif déclaré d'améliorer au plus vite la situation sécuritaire. Elle a affirmé que les autorités militaires placées à l'endroit des civils ont, au contraire, utilisé leurs pouvoirs exceptionnels pour porter encore plus atteinte aux droits des personnes en toute impunité notamment au droit à la liberté d'expression et de réunion, et au droit à la justice.
« Au président Félix Tshisekedi, nous demandons explicitement : de révoquer immédiatement tous les pouvoirs accordés aux tribunaux militaires pour juger les civils dans le cadre de l'état de siège ; de définir un plan de sortie clair de l'état de siège, celui-ci doit rester un régime exceptionnel et temporaire qui répond aux exigences de légalité, de nécessité et de proportionnalité telles que définies par les normes internationales, et de veiller à ce que toute nouvelle mesure visant à résoudre le conflit armé dans l'Est de la République Démocratique du Congo soit prise et mise en œuvre en pleine conformité avec les normes internationales en matière des droits humains », recommande Amnesty International.
Des recommandations ont aussi été formulées à l’endroit du gouvernement de la République :
• Libérer toutes les personnes détenues arbitrairement au Nord-Kivu et en Ituri et prendre des mesures concrètes de toute urgence pour améliorer les conditions de détention conformément aux normes internationales, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et l'Ituri ;
• Mener sans délai des enquêtes approfondies, indépendantes, transparentes et efficaces sur toutes les atteintes aux droits humains commises pendant l'état de siège au Nord-Kivu et en Ituri, y compris les homicides de Cabral Yombo et de Mumbere Ushindi, deux militants des droits humains, et faire en sorte que les auteurs de ces actes rendent des comptes ;
• Donner à toutes les victimes d'atteintes aux droits humains pendant l'état de siège l'accès à la justice et à des recours effectifs, y compris à des réparations ;
• Renforcer le système judiciaire ordinaire, notamment au Nord-Kivu et en Ituri, en augmentant le nombre de parquets et tribunaux, le nombre de procureurs et de juges, et en leur fournissant les ressources financières et logistiques nécessaires pour mener à bien leur mission ;
• Identifier, en concertation avec les populations concernées, des mécanismes plus appropriés et respectueux des droits humains pour lutter contre les violences et leurs conséquences sur les droits fondamentaux de manière globale et durable ;
• Répondre positivement, et sans plus tarder, aux demandes de visite formulées par le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, par la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits humains et par le rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association.
• Soumettre tous les rapports en retard aux organes de suivi des traités relatifs aux droits humains au sein des Nations unies, et en particulier le rapport dû au titre du pacte international relatif aux droits civils et politiques.
A l'Assemblée nationale et au Sénat, Amnesty International recommande de :
• Veiller à ce que l'état de siège reste un régime exceptionnel et temporaire, conformément au droit international et aux normes connexes. Faire en sorte que les dispositions de l'état de siège qui dérogent aux obligations découlant du PIDCP soient dictées par les nécessités de la situation, compatibles avec les autres obligations internationales de la RDC et non discriminatoires ;
• Rejeter toute nouvelle prorogation de l'état de siège à moins que toutes les mesures restreignant les droits humains ne soient évaluées, et modifiées si nécessaire, pour être justifiées et proportions à l'objectif de l'état de siège, ce qui inclurait la révocation de la compétence accordée aux tribunaux militaires pour juger des personnes civiles ;
• Adopter une loi décrivant les modalités d'application de l'état de siège conformément à l'article 85 de la Constitution qui garantit le respect des obligations de la RDC en matière de droits humains en vertu du droit international ;
• Tenir le gouvernement pour responsable de la justice rendue aux victimes d'atteintes aux droits humains, dont celles commises par les groupes armés ou par les forces gouvernementales dans le cadre de l'état de siège
À la MONUSCO et au Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme :
• Demander instamment à la RDC de lever toutes les dérogations injustifiées aux droits humains consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment les restrictions à la liberté d'expression, d'association et de réunion, et de révoquer tous les pouvoirs accordés aux tribunaux militaires sur les personnes civiles;
• Exhorter la RDC à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement au Nord-Kivu et en Ituri y compris celles détenues uniquement pour avoir remis en question l'état de siège ou critiqué les autorités militaires;
• Mener une enquête spécifique et détaillée sur les conditions d'emprisonnement dans les prisons et autres centres de détention dans le Nord-Kivu et l'lturi et sur les répercussions en la matière de l'état de siège, et rendre public un rapport à ce sujet, assorti de recommandations spécifiques à l'intention des autorités de la RDC et du Conseil de sécurité des Nations unies.
Plusieurs autres recommandations ont été formulées à l’endroit entre autres de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples ou encore au comité des droits de l’homme de l’Assemblée nationale et/ou à la commission nationale des droits de l’homme.
La partie Est de la RDC est en proie à l'insécurité depuis plus de 20 ans maintenant. Pour faire face à cette situation, Félix Tshisekedi et son gouvernement avaient décidé de proclamer l'état de siège dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu. Quelques mois après pour renforcer toujours la mesure, la mutualisation des forces avec l'armée ougandaise a été mise en place pour combattre les groupes armés notamment les ADF.
Une année après, des voix s'élèvent pour exiger la levée de cette mesure d'exception. Si pour certains cette mesure doit être maintenue encore ou requalifier, d'autres, par contre, estiment qu'il faut la lever tout simplement. Après avoir reçu le rapport d'évaluation du gouvernement, le Chef de l'État Félix Tshisekedi a annoncé la tenue avant la clôture de la session parlementaire en cours de la tenue d'une table ronde devant statuer sur l'avenir de cette mesure d'exception.
Clément MUAMBA