Base Opérationnelle Avancée de Nzenga, un dispositif original monté par les écogardes et les FARDC pour lutter efficacement contre les ADF à Mutwanga 

Un QG de l'armée construit par le PNVI à Mutwanga/Ph ACTUALITE.CD

Mutwanga est situé sur la route nationale (RN) 4 à 334 km au nord de Goma (Nord-Kivu). L’agglomération, au cœur du territoire de Beni, porte encore les stigmates des attaques des groupes armés. Les ADF, dont les combattants se cachent dans la brousse à quelques dizaines de kilomètres, ont laissé des traces: boutiques incendiées, maisons détruites et surtout de nombreuses familles endeuillées. Pour tenir à distance ces combattants, l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) par le biais du Parc national des Virunga (PNVi) a développé quelques idées originales comme cette base opérationnelle avancée.

ACTUALITE.CD vous propose une nouvelle série d'articles réservés au PNVi dans sa lutte pour la conservation de la nature, le développement et la sécurisation d'une grande partie de la province du Nord-Kivu.

Le 1er mai 2021. Les combattants ADF ciblent une position militaire près de Mutwanga. L’attaque est violente. Une dizaine de militaires périssent. La peur au ventre, certains habitants quittent l’agglomération qui pourtant tente de se relancer grâce à quelques projets industriels. Pacifier Mutwanga en lançant des projets structurants. C’est d’ailleurs le pari que veut tenter le PNVi, mais pour ce faire, il faut un minimum de sécurité. L’idée d’une base opérationnelle avancée (FOB, en anglais) émerge.

Le principe semble simple, mais efficace. 

« Nous sommes à la FOB de Nzenga. Une FOB, c’est une base fortifiée. Elle est occupée par des unités conjointes ICCN-FARDC. Ces unités sont équipées et formées pour pouvoir intervenir très rapidement en cas d’attaque contre la population », explique Emmanuel de Merode, directeur du PNVi.

Dans ce petit camp de campagne, l’efficacité est le maître-mot:  « Ici, nous avons trois unités. L’une est à préavis zéro, c'est-à-dire qu’elle peut se déployer immédiatement en cas d’alerte. L’autre unité à préavis 15 minutes qui intervient 15 minutes plus tard en appui. Et l’autre unité reste en réserve ». 

Les militaires et les éco-gardes affectés ici sont pris en charge totalement par le PNVi et sont prêts: « Il faut que les unités soient en position de force ici. Il y a un logement, un centre des opérations, un poste radio et un système qui permet de recevoir des alertes de la population ». 

Dans cette base, il y a un mini-centre des opérations qui fonctionne à l’énergie solaire et avec un budget relativement modeste: « Le centre des opérations est très performant, mais simple. C’est un projet-pilote. Si ça marche bien, on va le développer ailleurs. C’est des ondes radio haute fréquence. Ça ne coûte pas si cher. Un dispositif comme celui-ci coûte environ 3000 dollars. C’est un système utilisé dans des zones des conflits comme l’Afghanistan. Les armées modernes opèrent comme ça ». 

Au cœur de la stratégie, il y a la communauté: « Nous distribuons des boutons dans la communauté. Des personnes choisies dans la cité peuvent appuyer sur ces boutons et nous recevrons directement l’alerte. Nous aurons le signalement directement et cela sera visible à l’écran avec la localisation de l’endroit ».

La FOB a été construite par l’ICCN avec l’appui de la population. 

« Les habitants ont apporté la main d’œuvre. La construction a été faite en un jour. C’était spectaculaire », se souvient le Capitaine Majavu Charles qui est officier de liaison FARDC-ICCN.

Cet équilibre est fragile suite aux rumeurs et autres messages d’intoxication lancés par les ADF. Les relations entre la population et les militaires doivent être maintenues et entretenues.

« Les militaires sont ici. Ils ne sortent pas. Ils ne divaguent pas. Vous voyez, il y a une grande télévision ici. Les militaires s’occupent bien notamment avec les films quand ils ne travaillent pas », ajoute Capitaine Majavu Charles.

L’autre équilibre à préserver, c’est l’attente entre éco-gardes et militaires: « Dans le parc, il y a deux bases opérationnelles avancées. Nous travaillons ensemble. La collaboration est étroite. Nous intervenons ensemble ». 

Une chocolaterie, une savonnerie et un parc industriel ont été lancés à Mutwanga et fonctionnent notamment grâce à une centrale électrique qui a été également construite à l’initiative du PNVi. Cet écosystème tente de perdurer dans ce contexte à la quiétude fragile suite à la permanence de la menace ADF dont la présence est particulièrement signalée à Loselose, à une quinzaine de kilomètres de Mutwanga.

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