Par Roger-Claude Liwanga, Chercheur à l'université Harvard, professeur de droit et de négociations internationales à l'université Emory
A mi-mandat, Tshisekedi planifierait un renouvellement de son équipe au regard des résultats modestes récoltés par ses projets. Pour d’aucuns, la faute incomberait aux collaborateurs du chef d’Etat congolais parce que certains d’entre eux ne seraient pas à la hauteur de la tâche. Mais que dirait Nicolas Machiavel à Tshisekedi sur le choix de ses futurs collaborateurs ?
Lors de ses récentes visites dans le Congo « profond », Tshisekedi se serait confronté à des enjeux cruciaux pour les populations qui n’ont pas d’eau potable, des routes, des écoles, des hôpitaux, etc. Les projets sociaux qu’il a lancés dans le cadre du « programme de 100 jours » ou du « projet Tshilejelu » n’auraient jusque-là pas atteint les buts escomptés. Bien entendu, à deux ans des élections présidentielles, Tshisekedi voudrait avoir des résultats positifs et tangibles à brandir à ses électeurs. Mais, il semblerait frustré car certains de ses collaborateurs auraient quelques lacunes dans « les pilotages » des différents projets, selon Tshisekedi lui-même.
D’après quelques analystes, les modestes résultats obtenus étaient prévisibles parce que certains rapports de l’inspection générale des finances (IGF) mettraient déjà en cause plusieurs conseillers et ministres de Tshisekedi dans des scandales relatifs aux détournements présumés des deniers publics pendant que Tshisekedi lui-même fait de la lutte contre la corruption lecheval de bataille de son action politique.
Souvenons-nous qu’une vidéo circule présentement dans les réseaux sociaux dans laquelle l’on pourrait reconnaitre l’actuel ministre de la recherche scientifique affirmer que « nous qui sommes autour du chef de l’Etat, sommes pour la plupart des voleurs ».
Selon son entourage, Tshisekedi préparerait un remaniement de son cabinet et/ou de l’équipe gouvernementale pour inclure des nouvelles personnalités qui pourront l’aider à atteindre ses objectifs quinquennaux. Cependant, les observateurs se demandent sur le profil de ses futurs collaborateurs. Une question importante, quelle erreur le président congolais devra-t-il éviter de commettre dans le processus de sélection ? Et surtout, qu’est-ce que Nicolas Machiavel, ce penseur politique italien de la renaissance, aurait-il conseillé à Tshisekedi sur le choix de ses collaborateurs ?
Certes, le processus de sélection des conseillers ou des ministres serait un exercice complexe pour n’importe quel leader politique car il exigerait que l’on mette chaque personne à la place qu’il faut pour la bonne implémentation de l’agenda gouvernemental.
Reconnaissant la complexité de ce processus dans son ouvrage Le Prince, Machiavel déconseillaau prince bien avisé de « se laisser flatter » ou de prêter oreille aux « conseillers-flatteurs » qui pourraient le bercer dans l’illusion de puissance, le conforter dans l’erreur ou le pousser à la faute politique. Mais en quoi ce conseil de Machiavel concernerait-il Tshisekedi ? Comme sous l’ère des précédents régimes, la « flatterie politique » (communément appelée « djalelo » en RDC) décrit une pratique répandue où un aspirant à un poste s’adonne à des compliments excessifs ou dédie des cantiques à la gloire du décideur aux fins de bénéficier de ses faveurs. Un politicien congolais, avec qui j’ai échangé, me confirma que la « flatterie » serait un outil susceptible de vous faire rapidement monter les échelons en RDC.
Toutefois, quels critères objectifs de sélection un leader politique pourrait-il utiliser pour choisir les membres de son cabinet ?
Selon les quelques experts, plusieurs éléments doivent être pris en compte dans le choix de la nouvelle équipe : d’abord, le leader politique devra soupeser les compétences et l'expérience des potentiels collaborateurs dans les différents portefeuilles à pourvoir. Ensuite, il devra considérer la représentation géopolitique des collaborateurs afin de garantir la diversité nationale du pays. Subséquemment, il devra évaluer la récompense à accorder aux collaborateurs performants dans leur portefeuille, en leur confiant des responsabilités importantes si possible; car ceci signifierait qu’il est attentif à la façon dont ses collaborateurs travaillent. Enfin, il devra jauger la taille de son cabinet en donnant préférence à un groupe réduit puisqu’une équipe pléthorique pourrait être inefficace dans le processus de prise de décision ou être onéreux à entretenir pour les contribuables.
Cependant, quelques autres diront que tous ces critères risqueraient de n’avoir aucune importance en RDC dans le contexte où les sanctions pédagogiques ne seraient pas imposées à l’encontre des « collaborateurs-détourneurs ». Et ce d’autant plus que la plupart des conseillers ou ministres, qui ont été accusés ou condamnés pour détournement, étaient ensuite remis en liberté de manière opaque après leur courte détention. C’est un argument valide.
Néanmoins, s’il veut avoir les résultats satisfaisants pour le reste de son mandat, Tshisekediserait averti de se souvenir du conseil de Machiavel et des critères de sélection, et surtout s’assurer que ses collaborateurs mis en cause n’échappent pas à des sanctions disciplinaires ou pénales.