Développement d’un marché d’art contemporain congolais : la situation socio-économique et le manque d’acheteurs parmi les raisons de blocage

Œuvre d'art
Œuvre d'art. Ph. Droits tiers

La situation socio-économique congolaise, la culture d’achat des œuvres d’art ou encore le nombre réduit d’acheteurs d’œuvres sont parmi les éléments majeurs qui défavorisent le développement d’un marché d’art en RDC et ce, malgré la grande qualité des œuvres d’art des artistes congolais. Les établissements publics appropriés dont les musées accusent également des déficits budgétaires pour la récupération de certaines œuvres. Les revenus par habitant sont très réduits par rapport à d’autres, ce qui pousse les artistes à se tourner, même illicitement, vers l’étranger.

Dans une interview à ACTUALITÉ.CD, le directeur général de l’Institut des Musées Nationaux, Paul Bakua Lufu, a affirmé que l’artiste vit de ses productions mais devrait trouver des preneurs sur place.

« L’artiste est un indépendant, ce n’est pas un fonctionnaire de l’État. Il vit de ses productions mais il faudra qu’il trouve des clients, c’est ça le drame des artistes congolais. Ils produisent des œuvres d’art de qualité mais ils ne trouvent pas de preneurs sur place et on le voit même pour les œuvres d’art traditionnel. Beaucoup préfèrent attendre les étrangers, pour envoyer les œuvres d’art là-bas, pour qu’on les achète puisque chez nous ici, on n’achète pas les œuvres d’art », a-t-il affirmé.

Et d’ajouter :

« C’est ce qui favorise le trafic illicite. Quelqu’un qui vient avec son œuvre pour que le musée achète et que celui-ci n’a pas de moyen, qu’est-ce qu’il va faire ? Il rentrera avec son œuvre, par des moyens illicites, inavoués, il fait sortir l’œuvre d’art pour la vendre à l’étranger ». 

Les créateurs des œuvres d’art, les artistes, estiment la valeur de leurs productions mais les consommateurs, notamment les acheteurs nationaux, il y en a très peu. Si la grande qualité de leurs œuvres est reconnue au-delà des frontières nationales comme maître Liyolo, Botembe, Dikisongele, etc., ce qui manque aux musées congolais est de mettre des moyens conséquents pour acheter toutes ces œuvres d’art. Si elles vont premièrement à l’extérieur, leur récupération sera très coûteuse.

« Chez nous beaucoup de Congolais n’ont pas l’habitude d’acheter des œuvres d’art, que ce soit l’art traditionnel que ce soit l’art contemporain. Cela est dû à nos conditions, à nos revenus, beaucoup de gens se battent pour le ventre plutôt que de dépenser 500 $ ou 1000 $ pour acheter une œuvre d’art. Alors qu’à la maison, on n’a pas à manger, donc on réfléchirait deux fois pour acheter une œuvre d’art », a dit le professeur Bakua Lufu.

Et d’ajouter :

« En Occident, les gens ont déjà une idée, une connaissance sur l’art, sur la valeur de l’œuvre d’art. Au lieu de conserver de l’argent, II y en a qui le versent dans les œuvres d’art parce qu’ils savent que les œuvres d’art ne dévaluent jamais. Ce sont des œuvres qui sont réévaluées et avec le temps, ils pourront les vendre plus cher. Je crois que le jour où nous allons décoller, le jour où nous allons nous développer, nous pourrons nous mettre sur le même train que d’autres pays qui donnent de la valeur aux productions culturelles nationales ». 

Le DG de l’Institut des Musées Nationaux a indiqué que même la politique culturelle suppose des moyens au-delà des lois et des règlements. Si ces lois ne sont pas appliquées, si toutes les directives ne sont pas appliquées, les lois tombent en désuétude et ne produisent plus d’effets. La politique culturelle peut exister mais il faudra qu’on mette des moyens à la disposition des responsables de la culture. Chaque année, le budget sur les interventions culturelles, les interventions économiques, sont présentés mais souvent les demandes n’aboutissent pas.

Emmanuel Kuzamba