RDC : « il ne suffit pas d’avoir des terres arables, il faut une politique agricole », Pascaline Zamuda

Photo/ Droits tiers
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 Des champs de soja, au manioc en passant par l’élevage des porcs et des volailles, Pascaline Zamuda a l'ambition de participer à l’autosuffisance alimentaire dans son pays. Responsable de la société « Maison Belive Services » lancée en 2015, elle nous livre sa recette du succès dans l'agrobusiness.


« En 2015, lorsque nous avons lancé la Maison Belive en tant qu'ONG, nous avions simplement pour objectif de lutter contre la famine. Quatre ans plus tard, nous avons pensé que pour parvenir à réaliser cet objectif, il était important d’intégrer l’agrobusiness », fait-elle savoir. 


Cet objectif part d’un constat. Pascaline Zamuda s’explique, « à Kinshasa, une grande partie de la population est frappée par la famine. Cependant, les productions sont essentiellement vivrières, et ne suffisent pas pour répondre aux besoins alimentaires des populations. Nous avions en même temps constaté que les produits importés étaient de plus en plus consommés mais leur composition soulevait des doutes au niveau local. Il fallait encourager la consommation des produits locaux, dont on connait la composition et l’origine des matières. Notre motivation était aussi d’améliorer l’alimentation des enfants dans les ménages modestes. Faire de l’agriculture locale pour contribuer à la protection de l’environnement ». 


"L’un des plus grands défis concerne le sol"


Pour mener à bien ses activités, Pascaline Zamuda et son équipe se procure un terrain de plus de 5 hectares dans la commune de la N’Sele. Elles ne se rendent pas encore compte des défis qui les y attendent. 
« La plupart des entrepreneurs congolais rencontrent énormément de défis dans ce secteur. Je pense que les paysans ont suffisamment d’avance même s’ils travaillent dans des conditions difficiles. J’ai lancé des champs de maïs et de soja. Mon plus grand défi était dans la production. Il fallait maitriser toutes les étapes (de la préparation du sol à la récolte, en passant par la semence, les engrais…)», avoue-t-elle. 


Spécialisée en gestion de projet, en leadership, psychologue de formation, la C.E.O n’est pas uniquement dans l’agrobusiness. Elle est également connue pour son engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes bien que ses activités agropastorales nécessitent un suivi régulier. 


« C’est très difficile d’être dans d’autres activités et suivre en même temps l’évolution du champ, si l’on ne dispose pas d’une main-d’œuvre professionnelle. Cela est d'autant plus difficile quand on n'a pas son domicile installé aux environs de ses plantations. L’un des plus grands défis concerne le sol. Nous étions confrontés à un sol très sablonneux qui n’était pas fertile. Nous avons tenté la culture du soja et du maniocs le résultat n’a pas été optimal. Le sol exigeait beaucoup de travaux et d’engrais. Il fallait également songer à la sécurité. Avec un terrain de 7 hectares, il fallait mettre la clôture, avoir des gardes qui veillent sur vos cultures et qui présentent leurs rapports de façon régulière. C’est pratiquement la même technique pour l’élevage puisqu’il exige d’être installé en dehors de la ville. » explique Pascaline Zamuda, qui déplore également l’absence de subvention de l’Etat vis à vis des entrepreneurs, la rareté des partenaires qui s’intéressent à l’agriculture et des routes de dessertes agricoles. 


Après six ans, elle a acquis de l’expérience, s’est procuré un autre terrain moins vaste mais plus fertile, elle est passée d’un à une vingtaine de porcs, se lance bientôt dans la culture des fruits, la pisciculture et la transformation des produits agricoles. 


Que faire pour booster l’agriculture en RDC ? 


Le FAO et plusieurs autres experts affirment que la RDC dispose d’environ 80 millions d’hectares de terres arables et 4 millions de terres irrigables dont seulement 1% est cultivé
Pour Pascaline Zamuda, cette affirmation est discutable. « Il ne suffit pas uniquement d’avoir suffisamment de terre arable pour réussir dans l’agriculture surtout lorsque la population est conséquente. La RDC favorise l’agriculture de subsistance. Les populations riveraines n’ont pas les outils nécessaires pour cultiver, pour que leurs productions soient optimales, » dit-elle. 


Et d’ajouter, « Quand on parle de l’agribusiness, on doit intégrer la dimension selon laquelle au-delà d’avoir une terre, il faut une planification, des équipements, des infrastructures telles que les routes, l’électricité, la subvention pour démarrer la production agricole. Et donc, il y a une nécessité d’avoir des politiques agricoles adaptées, réelles et surtout de les mettre en œuvre. Le budget réservé à notre pays est insignifiant et ne permettra pas de résoudre le problème. » 


Par ailleurs, sa société voudrait être parmi les opérateurs clés dans la lutte vers l’auto-suffisance alimentaire des enfants, des personnes âgées et des prisonniers. Avec une subvention de la Banque mondiale aux PME congolaises reçue récemment, elle espère s’installer effectivement pour bien réussir la transformation de ses produits.

Prisca Lokale