Rejet par le Sénat de la levée d’immunité de Matata Ponyo : quelle lecture juridique ?

Matata Ponyo/Ph droits tiers

Professeur Dr José Tasoki Manzele

Lorsque la science juridique a savamment construit les notions d'immunité et d'inviolabilité, elle ne pouvait pas s'imaginer que dans un petit coin du monde ces institutions-mécanismes allaient être dévoyées "démocratiquement" par des assemblées délibérantes issues pourtant du peuple pour faire obstruction à une justice démocratique. C'est ce qu'on appelle en droit l'abus de droit, en l'espèce l'abus de la démocratie.

Je ne suis pas sûr que la procédure constitutionnelle d'autorisation de poursuite peut fonder une assemblée délibérante à faire échec à un réquisitoire du parquet lorsque ce dernier l'a suffisamment documenté en termes de faits infractionnels et de preuves qui fondent toutes les accusations.

En fait, si le magistrat est obligé de recourir à l'autorisation politique d'un autre pouvoir c'est d'abord par respect au principe constitutionnel  de séparation des pouvoirs, mais aussi parce qu'il faut éviter qu'un pouvoir (assemblée  délibérante) soit surpris par les diligences d'un autre pouvoir (la justice) sur l'un de ses membres. En retour, le pouvoir qui reçoit des sollicitations de la justice ne peut pas, d'emblée et sans justification légitime et pertinente, réserver une fin de non recevoir à cette demande, surtout lorsque celle-ci est suffisamment documentée.

Un tel refus s'analyserait en effet comme une forme répugnante et répréhensible de complicité dans le chef de l'autorité qui refuse. Une complicité qui prend une autre tournure, allant bien au-delà jusqu'à nager dans la consanguinité!

Aucun problème posé en droit ne peut rester sans solution. L'on peut toujours, à défaut, imaginer une solution boulevard, pourvu que le problème ne reste pas insoluble.

En effet, un complice, qui sert de cavité naturelle à l'auteur principal, ne peut ni être écouté outre mesure ni servir de référent pour la justice lorsque cette dernière veut se saisir de l'auteur principal. Aussi faut-il suggérer à la justice de passer outre l'autorisation. Les précautions judiciaires d'interprétation de l'article 107 de la constitution doivent tendre à cette solution, dont l'objectif est de briser l'inertie politique et tordre le cou à une complicité politique qui fait mal à la justice et à la démocratie.

Enfin, quelle image politique l'opinion peut avoir d'une assemblée délibérante qui fait arrêter la justice devant sa porte? Une assemblée délibérante est-elle un microcosme  qui ne supporte pas la pénétration de la justice? Au-delà de tout, le peuple avait-il donné mandat directement ou indirectement aux députés et sénateurs pour parler en son nom et pour son compte ou, à l'opposé, pour assurer la protection de ses bourreaux ? Quel que soit le bout par lequel l'on prendrait cette affaire, il faudrait admettre que le sénat congolais a Sali et pâli son image.