Gouvernement : lettre ouverte au président Félix Tshisekedi

Félix Tshisekedi, Président de la RDC

Monsieur le Président Tshisekedi, 
Je vous interpelle ! 

Monsieur le Président, 

C'est avec un sentiment patriotique et une une obligation citoyenne que je vous interpelle sur l'actualité de l'heure. 

Vous nous avez promis le Changement. Le changement sur tous les plans. 

Nous avons cru à votre combat, au combat de l'udps, depuis les pères fondateurs, pour la démocratie et le progrès social. Malheureusement, force est de constater que ce changement se fait attendre. Voyez par vous même. 

S'agissant de La démocratie : 

Tout au long de la lutte et durant la campagne électorale, vous avez toujours repété la nécessité de la RUPTURE avec les anciens systèmes. 

Aussi, afin de ne pas être corrompus, vous avez préféré mener une "Campagne des pauvres" avec des moyens limités, mettant vos vies en danger, pour ne pas accepter la compromission. 

Le changement c'est non seulement le départ de Joseph Kabila, mais aussi et surtout la fin de son système incarné par ceux qui l'ont aidé à pérenniser son pouvoir près de deux décennies. 

Cette idée a été bien captée et résumée par le terme "déboulonnage" qui en son temps a suscité bien d'espoirs, hélas... 

Après avoir subi insultes, calomnies et attaques frontales de la part de ceux qui ont porté à bras le corps le pouvoir sortant, que vous avez promis de déboulonner, qui même après votre votre victoire électorale ont continués à vous refuser toute légitimité, comment comprendre votre attitude de ce jour face à eux? 

D'un côté, vous offrez les deux chambres aux FCC MBoso et Bahati (devenu votre éventuel remplaçant), de l'autre côté, vous êtes prêt à donner des postes stratégiques à ceux qui vous ont combattu à Genève, durant la campagne et pendant votre première année de gouvernance. 

Un petit détail qui a retenu notre attention récemment. Au sortir de l'audience leur accordée par le président de l'assemblée nationale, la délégation de la CENCO, par la bouche de l'abbé Shole, s'est dite très satisfaite de l'audience et a même précisé que monsieur Mboso a été plus que d'accord avec leur position. Cette déclaration et surtout cette attitude de l'actuel président du parlement frôle la trahison, signe indien de ce qui nous attend.

Pourquoi récompensez-vous vos adversaires d'hier et de demain ? 

"Ne jamais fournir des minutions à l'ennemi". L'art de la guerre nous renseigne. 

Soit vous êtes dans la naïveté, soit vous êtes le dauphin de Kabila sensé préparer en douce le retour triomphal du FCC aux prochaines élections qui s'approchent.

Monsieur le Président, 
Qui sont vos conseillers ? 

En voyant ceux qui vous entourent aujourd'hui, papa Étienne Tshisekedi, d'heureuses mémoires, se retourne dans sa tombe !

Alors que votre parti, notre chère udps, berceau de la classe politique congolaise, regorge en son sein des cadres, des militants compétents et loyaux, comment comprendre votre préférence pour des amis et frères non membres du parti et même souvent non Congolais ? 

Des parachutés de la diaspora qui ne comprennent pas les enjeux locaux, qui ne se gênent pas pour exprimer leurs mépris face à la misère des Congolais et qui se remplissent les poches au vu et au su de tous, dans l'impunité la plus totale. 

Aux incompétents d'une certaine diaspora, ajoutons les fous du roi et autres diseurs de bonne aventure : 

Que font réellement monsieur Kitenge Yezu, le tomatier, et tous les autres affairistes, à vos côtés Monsieur le Président ? 

Quels conseils vous donnent-ils pour votre réussite ? 

Aviez-vous, préalablement, consulté l'esprit de nos ancêtres et de nos pères fondateurs ? 

Croyez-vous sincèrement que votre père, notre Leader légendaire, serait fier de vos choix récents ?

Monsieur le Président, 

Un conseiller se doit de réfléchir, analyser et proposer une feuille de route objective au chef, afin que celui-ci, avec sa tête et non son cœur, puisse lever les options qui concourent à la matérialisation de sa vision pour son peuple et pour la conservation saine du pouvoir. 

" Le Président de la République n'a pas d'amis ! " 

Vos adversaires ont compris que pour vous tenir il suffit de vous fréquenter "en dehors des heures de service" et "gérer" vos proches. 

Regardez bien autour de vous, certaines personnes de votre compagnie leur facilitent la tâche. 

Il faut vous en débarrasser, sinon demain, comme ils l'ont fait contre Mobutu ou Kabila, vous les verrez aux côtés de vos adversaires. 

Tenez ! Danny Banza et son premier ministre sont les fruits de Katumbi. L'ignoriez-vous ou ce n'est pas important ?

Avez-vous déshabillé Kabila pour habiller Katumbi et ainsi vous placer sous sa tutelle?

"Le Progrès Social" 

Monsieur le Président,
Savez-vous combien coûte un sceau de farine de maïs ? 

Savez-vous, Monsieur le président, que dans la capitale même, il y a des quartiers qui n'ont ni eau courante ni électricité depuis plusieurs semaines et d'autres des mois entiers ?

Savez-vous, Monsieur le Président, que les policiers n'ont rien changé à leurs pratiques depuis votre avènement ? 

Savez-vous, Monsieur le Président, que la justice et l'administration publique en RDC sont toujours autant corrompues ? 

Savez-vous, Monsieur le président, que l'insécurité à l'Est et partout en général ne fait qu'augmenter depuis votre arrivée au pouvoir ? 

Savez-vous, Monsieur le Président, que nous sommes déjà à mi-mandat ? Qu'il ne vous reste plus beaucoup de temps pour donner des signaux positifs de changement et préserver l'espoir naît de votre ascension à la magistrature suprême ? 

Monsieur le Président, quelles sont réellement vos priorités ?! 

La RDC étant un pays continent, avec une mosaïque des peuples, nul ne peut la diriger ni la contrôler seul, sans le soutien des pivots locaux. 

Aussi, voici une brève analyse géopolitique de la scène politique congolaise : 

Au Grand Katanga : 

Depuis la chute de Mobutu en 1997, c'est la province du pouvoir.
Pendant 20 ans, cette riche province a gardé le contrôle du pouvoir économique, sécuritaire et politique en RDC. 

Plusieurs leaders locaux ont vu le jour et se partagent le leadership local : Au Nord, l'inamovible baba Kyungu et la famille Kabila avec Zoé Kabila. 

Au Centre et au Sud, l'homme d'affaires Moïse Katumbi et le Gouverneur Muyej. 

À ces 4 personnalités, il faut ajouter d'autres leaders secondaires. 

Au Bandundu : 

Les deux opposants Martin Fayulu et son partenaire Adolphe Muzitu sont les grands leaders de cette province en ces moments ci.
Telle est la réalité du terrain. 

Le palu du patriarche Gizenga n'a pas pu, n'a pas su récupérer la place qu'occupait ce dernier. 

Quant au vieux crabe Kinkiey Mulumba, le géniteur Kabila désir, il n'a jamais réussi à mobiliser à Masimanimba où il est honni par son peuple. 

Au Kongo Central : 

Cette province, à quelques lieux de la capitale, est réputée contestataire et en général elle se range sur Kinshasa. Peut-être une de raisons qui explique qu'aucun leader n'a pu s'imposer là-bas. 

Il reste tout de même important de garder des contacts utiles avec les leaders religieux Kimbanguistes et autres mpeve-alongo. 

Au Grand Équateur : 

Comme le Grand Katanga, son leadership est clairsemé, divisé entre plusieurs factions rivales, ce qui a dilué son efficacité sur l'échiquier national, depuis la chute de Mobutu qui a régné sur le pays pendant dans 3 décennies. 

Jean Pierre Bemba [et son MLC] en est un de grands leaders, mais reste incapable de s'accaparer de la province qui a aussi d'autres leaders locaux. 

Le Grand Kivu [Nord et Sud Kivu] : 

Depuis l'instauration du système électoral en RDC, les citoyens de ces deux provinces ont toujours voté massivement pour un candidat aux présidentielles. C'était le cas en 2006, 2011 et 2018. Le mot d'ordre revêt toute son importance là-bas. 

Vital Kamerhe.

De tous les temps, des rébellions et des protestations populaires proviennent de ce coin très animé de la République. Un peuple politiquement mûr, qui a su résister face aux intentions d'occupation et de balkanisation de la RDC. Ce qui lui a valu plus de 10 millions de morts que l'ancien pouvoir et votre pouvoir continuent d'ignorer 

Cette négligence du pouvoir central vis à vis du grand Kivu relance des velléités indépendantistes. Il faut un leadership fort et bien assis pour maintenir la cohésion et l'identité nationale. 

Qu'on l'aime ou pas, Vital Kamerhe est un acteur plus qu'important du grand Kivu et par conséquent au pays en général. 

Au fil du temps, tous les analystes ont compris qu'avoir Kamerhe de son côté dans le combat électoral c'est s'arroger 70-80% des votes des électeurs de ces provinces qui offrent plus de 40% des électeurs au niveau national. 

Une manne électorale que nul stratège politique ne peut négliger. Cela s'est vérifié en faisant élire deux présidents, dont vous-même en 2018. 

Bahati Lukwebo : 

Sorti de la société civile, ce fils du Kivu s'est tardivement lancé en politique. En peu de temps, Bahati est devenu l'homme le plus riche de sa province. Sans être commerçant ni héritier, la fortune de cet ancien activiste intrigue et suscite la curiosité chez plus d'un. Un jour on devra en connaître les origines. 

Bien que nanti, l'homme n'a cependant jamais su conquérir le cœur de ses frères et sœurs du grand Kivu. Il s'est toujours butté à leur refus de le choisir comme leur représentant dans le parlement, à l'image du camouflet de 2018 où il était candidat à la députation nationale à Bukavu, en battant campagne contre vous, sans succès. 

Là où Vital Kamerhe a toujours été le meilleur élu national, toutes proportions gardées en 2006 et en 2018 sans avoir battu campagne, puisqu'il était occupé à battre votre campagne, Bahati trébuche et se voit refermer, au nez, la porte de l'assemblée nationale qu'il ne franchira jamais. Aujourd'hui une grogne se formante déjà contre lui et son poulain Théo Kasi, l'actuel Gouverneur du Sud Kivu. 

Pour revenir à vos agissements, en tant qu'analyste des réalités sociopolitiques congolaises, nous restons dubitatifs sur les motivations du choix d'accorder une si grande considération politique à un homme qui n'a jamais pu se faire elire chez lui et qui aurait donc tout intérêt à accéder à la magistrature suprême sans passer par les urnes (en tant que président du Sénat il en a les moyens) et en même temps rejeter le leadership local naturel qui a déjà démontré sa loyauté en vous portant à la tête de ce sous-continent. 

Au vu de cette analyse, il apparaît que l'udps et l'unc devraient se positionner en gardiens du temple dans cette union sacrée, afin de ne pas laisser libre court à tous ces ambitieux venus faire fortune sur le dos du labeur des autres. 

L'avenir nous en dira davantage.

Professeur Matondo Mambweni