MONUSCO : diminuer l’effectif des civils, renforcer l’appui des casques bleus aux FARDC, réactiver la Brigade d’intervention, …ce que pensent notamment les habitants de Butembo

Le SGA de l'ONU Jean Pierre Lacroix à Walikale/Ph ACTUALITE.CD

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 18 décembre dernier la résolution 2556 prorogeant une nouvelle fois d’une année (jusqu’au 20 décembre 2021) le mandant de la MONUSCO. Pour ce mandat, la mission n’a pas changé. Les « priorités stratégiques » restent « la protection des civils et l’appui à la stabilisation, au renforcement des institutions de l’État et aux principales réformes de la gouvernance et de la sécurité ». 

ACTUALITE.CD a accordé la parole aux habitants de Butembo, région voisine de Beni où des violences perdurent depuis plus de six ans en raison de l’activisme des groupes armés dont les Forces démocratiques alliées (ADF). La plupart de personnes interrogées appellent à concentrer plus d’efforts sur les composantes militaires de la mission qui doivent aider les FARDC à combattre les forces négatives en vue de sécuriser les civils. 

Parfait Muhami, agronome, habitant de Butembo

« Je déplore le bilan de la Monusco depuis sa présence au Congo. Tout ce qu’on attendait de la Monusco, c'est la paix. Il faut que ce mandat soit axé uniquement sur la paix et le retour de la sécurité le plus tôt possible dans notre région, et particulièrement à Beni. Depuis que la Monusco est ici à Butembo, elle ne nous a servi en rien. Pour moi dans le cadre du mandat de la Monusco, il faut qu’on sépare le rôle de la brigade d’intervention (des Nations Unies). Quand on voit que le mandat de la brigade dépend de celui de la Monusco, ça ne permet pas l’autonomie même de cette brigade, parce que cette brigade est inféodée au mandat de la Monusco. S’il faut renouveler le mandat de la Monusco pour imposer la paix au Congo, il faut le séparer du mandat de la brigade d’intervention, parce que moi j’ai vécu ce qui s’est passé à Goma, ce qui s’est passé à Rutshuru avec l’avènement du M23, on a vu la brigade combattre aux côtés des FARDC, et on a vu le résultat. Mais pour nous ici à Beni, c’est très compliqué, parce que la brigade est directement liée à la Monusco, et ça ne fait pas que la brigade travaille ».

Elie Muhindo Kwiravusa

« Je demanderai au conseil de réduire la composante civile, policière et administrative de la Monusco, pour renforcer la composante militaire. Et dans la composante militaire, il faut penser à appuyer les FARDC, renforcer leurs capacités logistiques surtout, en appui en munitions et en stratégies. Si aujourd’hui on continue à parler de l’insécurité dans l’Est de la RDC, c’est parce qu’il y a la persistance des groupes armés qui constitue un frein, un obstacle pour la stabilité et l’accomplissement de la mission des Nations Unies. Je proposerai qu’on puisse renforcer l’armée nationale par la formation, l’équipement, voir comment doter des munitions nécessaires à cette armée pour qu’elle soit souveraine, capable à arrêter, à combattre toutes sortes des forces négatives sur le territoire congolais. L’ONU a encore sa raison d’être, parce qu’il y a encore beaucoup à faire. Mais le retrait doit être progressif ».

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Suzanne Mukohe, enseignante

« La loi dit, lorsque vous ne portez pas assistance à une personne en danger, vous êtes complice dans cette affaire. Au Nord-Kivu, nous vivons la guerre tous les jours, alors que la Monusco est près de nous. Je ne vois pas l’importance de leur nouveau mandat. Il faut qu’ils soient traduits en justice pour qu’ils expliquent comment les gens sont tués plus proche d’eux, sans leur apporter assistance. Si vraiment nos autorités savent qu’elles ont ce mandat de nous protéger, nous sécuriser, nous garantir la paix et la sécurité et d’autres choses vitales, je ne vois pas pourquoi elles peuvent accepter que la Monusco reste au Congo alors que nous souffrons, malgré leur présence ».

Cédric Kakule

« Je ne sais vraiment pas ce que fait la Monusco. J’ai aujourd’hui 25 ans, je n’ai jamais vu ce qu’ils font, même un exploit qu’ils ont réalisé ici chez nous au Nord-Kivu. Ce que je vois à la Monusco, c’est de circuler avec leurs véhicules ici, je n’ai rien vu ce qu’ils font, moi comme habitant. Parce qu’à Beni, on a massacré, tué des gens plus proches de leurs bases, sans qu’ils n’interviennent, alors qu’ils sont là. En tout cas, il faut qu’ils partent, qu’ils quittent le Congo, pour voir ce qui va se passer. Qu’ils se retirent. Vraiment, nous ne voyons pas ce qu’ils font ici, vraiment ils ne font rien ».

Un cultivateur

« Qu’ils rentrent chez eux, parce qu’à Beni, à Oicha, les massacres continuent, alors qu’ils sont là. On se demande qui est-ce qu’ils sécurisent. Je ne vois pas leur importance ici, parce que des gens continuent à être tués. Aux responsables des Nations Unies, qu’ils rentrent chez eux avec la Monusco. A l’époque de Mobutu, il n’y avait pas des choses pareilles (à Beni), il y avait vraiment la paix. Nombre de mes familiers sont morts ici à Oicha, d’autres à Lubero, des familiers, alors que des casques bleus sont là. Vraiment que notre président déploie des militaires ici à Beni pour qu’ils voient ce qui se passe dans cette forêt d’Oicha, de Beni. Nous devons cultiver (nos champs) pour reprendre notre vie ».

Une tenancière d’un restaurant 

« Jusque-là, je ne sais vraiment pas si la Monusco est venu maintenir la paix au Congo, puisqu’à Beni des gens continuent à être tués. Je ne sais qu’est ce qui peut motiver qu’on leur accorde un nouveau mandat. Je n’ai jamais vu ce qu’ils sont venus faire. Rien ne marche, parce que nous n’avons pas la paix. Si j’étais autorité, je refuserais qu’on leur accorde un nouveau mandat, parce qu’on dit qu’ils sont venus rétablir la sécurité, mais nous n’avons pas la sécurité au Congo. On les déploie à Beni pour protéger (les habitants), mais il n’y a pas de sécurité, on ne fait que tuer ».

La MONUSCO comptera pour ce mandat 14.000 membres du personnel militaire, 660 observateurs militaires et officiers d'état-major, 591 policiers, et 1.050 membres des unités de police constituées.

Propos recueillis par Claude Sengenya, à Butembo