Comment nous «créons» des analphabètes fonctionnels!

 Mabiala Ma-Umba

Aujourd’hui 8 septembre, le monde entier célèbre la journée internationale de l’alphabétisation. C’est l’occasion d’attirer l’attention sur ce que nous pouvons faire pour nos compatriotes qui ne savent ni lire ni écrire. Beaucoup ne peuvent pas imaginer qu’en 2020,  soixante ans après l’indépendance, il y ait encore des Congolais qui soient analphabètes! D’après les données disponibles (notamment EDS, 2014), il y aurait, dans notre pays, environ 27% d’analphabètes, soit plus ou moins 19 millions de Congolais!!

Certains d’entre eux n’ont jamais été à l’école; d’autres sont ceux qu’on appelle des «analphabètes fonctionnels»: ils furent jadis à l’école mais ils avaient quitté celle-ci trop tôt et n’avaient donc pas maîtrisé les apprentissages de base. Aujourd’hui, il ne reste pratiquement rien de ce qu’ils avaient appris il y a 10, 20 ou 30 ans. Conséquence: aujourd’hui, ils sont incapables de «fonctionner » normalement dans la société! 

Malheureusement, les «analphabètes fonctionnels », notre système actuel d’éducation en crée chaque jour! En effet, malgré le progrès que nous avons accompli en termes d’accès universel à l’éducation (dans cette perspective, la gratuité est un levier important), ne perdons pas de vue que chaque année, des milliers d’enfants et de jeunes quittent l’école sans qualifications!!Ils abandonnent avant d’avoir achevé le premier cycle de l’école secondaire et, parfois, avant même d’avoir achevé le niveau primaire. 

D’après les données disponibles, sur 100 enfants qui entrent en 1ère année primaire, seulement environ 53% atteignent la 5ème année primaire (source: annuaires statistiques EPSP 2013-2014). Enfin, signalons l’écart entre filles et garçons en ce qui concerne le taux de survie en dernière année d’école primaire: il est d’environ 75% chez les garçons et à peine 54,5% chez les filles (source: Unicef). Ces dernières abandonnent massivement l’école à la fin de l’école primaire et durant les premières années du cycle secondaire. Les filles abandonnent l’école pour deux raisons majeures: 1) les mariages précoces qui affectent encore environ 28% des adolescentes de 15 à 19 ans; 2) les grossesses précoces (et non désirées!) dont sont victimes 12% des filles de moins de 15 ans et 39% pour la classe d’âge 15-19 ans(source: MiniSanté (2014), planification familiale. Plan stratégique à vision multisectorielle).

Alors, si dans 10 ans, quand nous célèbrerons nos 70 ans d’indépendance, nous voulons réduire le phénomène «d’analphabètes fonctionnels », c’est maintenant que nous devons agir! En luttant effectivement et efficacement contre l’abandon scolaire aussi bien chez les garçons que les filles et, en particulier pour celles-ci, en luttant contre les mariages et les grossesses précoces!

Mabiala Ma-Umba

Expert Éducation, Formation, Jeunesse et Communication pour le Changement Social et de Comportement - Ancien Directeur de l’éducation et de la jeunesse à l’OIF-