Proposition d’un plan de sortie de crise économique en RDC

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IGWANDEY MOLANGA Aristote vit en France. Analyste financier de formation, il a un MBA spécialisé Corporate Finance, et il travaille pour une banque française comme Analyste risques crédits, et  il a un projet de thèse  intitulé : les financements d'investissements d'entreprises par l'endettement dans une économie ayant une forte fluctuation de taux de change, et prévision des risques banques-entreprises

Partie 1 : Comment et où trouver les financements pour les investissements et relancer l’économie ?

La stabilité économique et financière de la République Démocratique du Congo n’est pas une question de consensus, moins encore d’une politique d’austérité.

Les solutions proposées par le ministre des finances lors du webinaire organisé par Makutano ne peuvent produire aucun résultat structurel, si ce n’est qu’un résultat conjoncturel, Or, la réalité économique actuelle nous impose de réagir immédiatement avec des mesures structurelles de manière à résoudre rapidement cette crise.

De ce fait, pour arriver à résoudre les problèmes économiques que traverse la République Démocratique du Congo, l’État doit penser à l’industrialisation du pays, cette mesure permettra de résoudre les problèmes relatifs à l’offre et à la demande des biens. Sauf que, cela reste encore une grosse problématique, étant donné que le pays ne produit pas assez,  qu’il importe plus, et que cela aurait un impact néfaste sur le taux de change dont notamment la forte dépréciation du franc congolais par rapport à sa paire qui est le dollar américain, ainsi que la souveraineté économique du pays.

Il est très important de préciser qu’il y a nuance entre la souveraineté, et la dépendance économique d’un État.  La souveraineté d’un pays ne dépend pas de son taux d’importation, cependant, un pays peut rester souverain, tout en dépendant des autres, sur certains biens et services, C’est ça aussi la globalisation financière. C’est le pays qui choisit de qui doit-il dépendre par rapport à ses besoins, et peut changer tout le temps, sans que cela n’affecte sa souveraineté.

Concernant l’industrialisation, la République Démocratique du Congo, un pays politiquement non stable, avec des crises institutionnelles, dont l’État de droit qui est la vision principale du Président de la République, reste une priorité importante pour lutter contre l’impunité et la corruption , en même temps  cela pose problème dans l’autre partie de la population, où les gens pensent que c’est une façon de faire la dictature par la justice  (république des juges).

Analyste financier de formation que je suis, si je devais conseiller un investisseur étranger, d’investir en République Démocratique du Congo, je donnerais clairement un avis défavorable, à cause de l’instabilité politique, qui ne rassure pas au niveau de risque lié à l’investissement, car tout pourrait basculer à tout moment, d’où la question  faut-il nécessairement attendre des investissements étrangers pour créer des emplois en RDC ? Et la réponse est clairement non !

Il n’est pas impératif d’attendre les investissements venant de l’étranger, pour la simple raison que les crises institutionnelles influencent l’étude d’analyse de risque d’investir en RDC, de manière négative.

 Et de ce fait, le gouvernement peut penser à d’autres alternatives avec des financements purement congolais proposés dans cette tribune.

2 Mais avant, je trouve qu’il est très important d’émettre un avis sur les propositions faites par l’ancien premier Ministre Adolphe Muzitu, ainsi que celles de Monsieur Sele Yalagouli, Ministre des finances, sur comment sauver l’économie congolaise.

1)    Monsieur Adolphe Muzitu, Premier Ministre honoraire, proposait lors de sa 25ième tribune, de relancer les discussions avec le FMI et la Banque Mondiale, afin de contracter d’autres emprunts. De ce fait, avec la problématique de gestion de projet, et de mauvaise analyse de choix d’investissements,  trouver un financement par l’endettement auprès de la Banque Mondiale et du FMI n’est pas une bonne idée, de l’argent emprunté pour un projet non rentable, solide , clair et transparent, le pays ne sera pas en mesure de  rembourser cet emprunt, pour ne pas parler seulement détournement, du fait  qu’il y ait de fortes probabilités que de l’argent emprunté, ne serve pas au motif de l’emprunt, mais plutôt qu’il prenne la voie des poches d’individus. Cela ne ferait qu’aggraver la situation économique du pays et augmenter la dette qui deviendra compliqué de rembourser.

Je ne recommande donc surtout pas au gouvernement de tendre la main à ces institutions internationales pour trouver un moyen de financement, et je démontre un peu plus bas, comment s’autofinancer, tout en maîtrisant les risques.

2)    Lors de son intervention au Webinaire organisé par Makutano, Monsieur Sele Yalagouli, Ministre des finances, proposait un consensus ainsi qu’une politique d’austérité pour stabiliser l’économie congolaise. Ici, la grande question est celle de savoir comment un mobilisateur des recettes peut proposer un consensus, ainsi qu’une politique d’austérité pendant que le rapport de l’inspection générale des finances nous parle d’environ 5 milliards de perte dus à des exonérations fiscales et que le rapport Luzolo Bambi à son tour nous parle d’environ 15 Milliards de perde suite à la corruption ? Donc, en réalité, pour ne citer que ces deux rapports, on peut comprendre que le Ministre des finances devrait plutôt penser à quelle politique mettre en place pour maximiser les recettes en lieu et place d’une politique d’austérité et de consensus.

Dans ce contexte, voici le plan qui pourrait aider le gouvernement à industrialiser le pays sans dépendre de l’aide extérieure:

1.              La réforme du Fond pour la Promotion de l’Industrie (FPI) et du système bancaire. 

2.              La création des fonds de Private Equity.

3.              La dedollarisation de l’économie congolaise

1)    La réforme du FPI et du système bancaire.

Un bon système bancaire peut être un pilier majeur pour le développement d’un pays, un système bancaire qui favorise avant tout la création d’entreprises, crée de l’emploi, réduit le taux de chômage, et réduit le taux de pauvreté.

J’ai lu des commentaires de mes compatriotes congolais sur les réseaux sociaux qui proposent que l’État transforme le FPI en banque d’investissent. Sur ce sujet, l’idée de reformer le FPI  est très intéressante mais le choix de le transformer en banque d’investissement pose problème suite simplement au rôle des banques d’investissements dans une économie qui est spécifiquement de travailler très souvent sur des opérations de finance d’entreprises , et de finance de marché.  Certes les banques d’investissements sont très importantes pour une économie, de même que les banques commerciales, ainsi que les banques privées et celles des affaires, il serait mieux que  les opérations de haut de bilan  restent celles du secteur privé,

Quant au FPI, il serait mieux de transformer en une Banque pour la promotion de l’industrie, BPI.

Cette banque n’aura pas pour mission de financer les projets d’investissements, non. Sa mission sera de se porter garant sur les demandes de crédits liées à investissement, je cite, des projets de création d’entreprises, ainsi que le financement d’investissements d’entreprises.

Comment ça marche ?

-       Toutes les demandes de financement devront se faire auprès des banques commerciales, et des établissements de crédits privés.

-       Toute demande devra être étudiée par l’équipe ou un analyste risques crédits du secteur privé (de la banque ou de l’établissement de crédits concerné).

-       La banque devra étudier la rentabilité, la solvabilité ainsi que la profitabilité du projet.

-       Une fois les trois éléments validés, la banque pourra télétransmettre un avis favorable à la BPI qui pourra par la suite étudier elle aussi si le projet cadre avec les besoins du pays et pourra se prononcer favorable pour se porter garant ou défavorable dans le cas contraire.

-       La BPI fera un suivi sur les prêts accordés, de manière à se rassurer que les flux et les résultats trimestriels attendus annoncés sur le business plan correspondront bien à la réalité du sur  terrain, Si ce n’est pas le cas, la BPI aura le plein droit de demander à la banque résilier le contrat du prêt accordé.

-       La BPI devra aussi accompagner le projet dont la demande de financement sera rejetée, pour voir ensemble avec son porteur, comment l’améliorer et le donner un vrai sens d’un projet innovant ou d’un projet répondant aux besoins du Pays.

Avantages :

-       Les jeunes porteurs des projets devront bénéficier d’une notation triple A, donc AAA (une notation interne au niveau national, du fait que l’État se portera garant des prêts qui permettront de financer l’industrialisation du Pays).

-       L’État étant le garant, le taux d’intérêt des prêts des banques commerciales sera moins élevé.

-       Optimisation de demande de financement des personnes influentes, qui vont emprunter pour leurs vies privées, et qui ne remboursent pas, comme c’est le cas aujourd’hui avec les congolais qui doivent de l’argent à l’État.

-       Les projets rentables et innovants ne devront plus manquer de financements.

-       Les jeunes déjà entrepreneurs pourront bénéficier des financements pour leurs investissements.

La Banque Centrale dans tout ça.

La Banque Centrale aura un grand rôle à jouer dans cette réforme, Étant l’institution financière qui gère la politique monétaire du pays, elle définit le taux directeur (le taux d’emprunts des banques commerciales) et même le taux de réserve obligatoire (le taux du montant des dépôts d’une banque qui doit être détenu sous forme de réserve sur son compte courant). Les banques qui financeront le plus de projets d’investissements devront bénéficier d’une remise à la fin d’exercice sur le taux directeur ainsi que sur le taux de réserve.

La remise s’effectuera à la fin pour la simple raison de s’assurer que le prêt accordé par la banque a permis financer un investissement.

Cette première proposition basée sur le financement via secteur bancaire ne poserait pas de problème d’inflation si les crédits octroyés serviraient à leurs motifs (création d’emplois).

2      La création des fonds de Private Equity.

Une question peut se poser sur ce point, pourquoi supprimer un fonds, pour en créer un autre ?

La réponse résulte simplement sur le fait qu’un fond de private equity ne fonctionne pas de la même façon que le FPI, tout d’abord parce qu’il est du secteur  privé, et en deuxième lieu, parce qu’il sera consacré aux entreprises non cotées en bourse d’où même le « private », qui signifie, non coté en bourse.

Le fonds de private equity a pour ressources les dépôts qui constituent des investissements venant des compagnies d’assurances, des caisses de retraites…

Une personne ayant souscrit à une assurance ; ça pourrait être automobile, santé, prévoyance, etc., couvre un risque qui peut arriver, mais, ils arrivent souvent que des personnes ne déclarent pas des sinistres, ce qui implique même de gros résultats pour les compagnies d’assurance, à la fin de leurs exercices comptables, ceci pourrait constituer une bonne source de financement des projets d’investissements, ces bénéfices pourraient être réinjecté dans l’économie congolaise pour financer des projets, et créer de l’emploi.

Comment ça marche ?

Il existe deux possibilités pour accéder à cette proposition :

A. Exonération fiscale.

Exonération fiscale sur les compagnies d’assurances du montant de bénéfice réinjecté dans l’économie. Quand une compagnie d’assurance décide de rentrer dans un fond sur une durée de 7 ans, le capital investi ne sera pas soumis à l’impôt sur le bénéfice,

Cette somme servira à créer de l’emploi en République Démocratique du Congo, et à l’échéance, une fois la dette remboursée, la compagnie pourra bénéficier de son capital investit au départ sans aucun intérêt quelconque mais gagnera à son tour l’exonération sur le montant attribué.

B.  Investissement obligatoire des ressources susceptibles d’être rapatriées.

Ici, l’idée c’est de mettre en place une règlementation qui fera en sorte que les bénéfices des compagnies d’assurances ne sortent pays de la République Démocratique du Congo, sans qu’ils ne soient réinjectés dans l’économie.

Dans des pays développés comme en France, les compagnies d’assurance placent leurs bénéfices, dans des fonds de private equity, et par la suite ces fonds vont financer des projets d’entreprises sur une période donnée et précise, Une fois arrivé à échéance le fonds va quitter l’entreprise qui va rembourser toute sa dette et le fonds pourra rembourser  à son tour la compagnie d’assurance.

Avantages :

-       L’argent ne pourra sortir de l’économie congolaise sans qu’il n’y soit réinjecté.

La création monétaire (processus par lequel une masse monétaire d’une zone économique est augmentée),  lorsqu’un pays reçoit de l’argent en provenance de l’étranger dans quelconque échange, la masse monétaire du pays qui reçoit de la devise étrangère augmente, et dans le cas contraire, le pays d’où provient l’argent peut constater une destruction monétaire.

Une illustration simple ; quelqu’un qui vit en France, et qui envoie de l’argent (100 euros à titre d’exemple) en RDC, crée de l’argent qui n’existait pas dans l’économie congolaise.

L’application de cette proposition, permettrait d’éviter le rapatriement direct des fonds dans les pays d’origines des compagnies d’assurances.

-       Une source de financement d’entreprises.

La monnaie réinjectée aura pour unique mission de financer des projets d’entreprises, en plus de la mission citée ci-dessus, le fond sera un intermédiaire entre d’une part les entreprises et les particuliers qui auront des besoins de financement et d’autre part, les acteurs en capacité de financement, un rapprochement permettant de résoudre les problèmes de financement d’entreprises.

4    La Dédollarisation de l’économie congolaise.

La dépréciation du franc congolais par rapport à sa paire, le dollar américain, est une des conséquences de la loi de marché de l’offre, et la demande, selon certains experts congolais, dont notamment de la banque centrale. Ceci est caractérisé par le manque d’importation de devise étrangère, suite à la crise sanitaire de covid-19, qui avait ralenti les économies mondiales.  Cette réponse est affirmative, mais le problème en est que, comparé à la réalité économique et financière du pays, les plus grands responsables de cette dépréciation, sont aussi les spéculateurs dont les dirigeants des institutions de la République Démocratique du Congo, qui sont généralement payés en franc congolais une monnaie dont ils ne font pas confiance, au profit du dollar américain qu’ils aiment garder et utiliser.

Ce qui fait que du côté des cadres et dirigeants, ils ont souvent des banquiers qui s’occupent du change de leurs rémunérations perçues en franc congolais, pour les convertir en dollar américain, et c’est cette devise qui sert de leur monnaie de transaction, sur le marché local.

Cette analyse nous amène à dire, que le dollar ne manque pas forcément en République Démocratique du Congo, mais plutôt, il ne se trouve pas au bon endroit, le dollar qui devait se retrouver dans l’économie, se retrouve dans des poches d’individus, et les conséquences économiques sont claires, sur les réserves de change.

Proposition :

Pour résoudre ce problème de confiance sur la monnaie locale, une solution serait de faire du dollar américain, une monnaie de change uniquement réservée pour le marché de change, et qu’elle ne soit plus utilisée pour des transactions locales.

Comment ça marche ?

-       L’État devra interdire l’utilisation du dollar américain dans le marché pour des échanges courants, comme par exemple ; des achats, des ventes de biens et services au niveau national, seul le franc congolais devra être utilisé pour ces types d’opérations de premières nécessités.

-       Le dollar devra être réservé pour les opérations de types, transferts vers la république démocratique du Congo, donc une personne en France peut envoyer 100 euros en RDC, et la personne pourrait recevoir l’équivalent de sa valeur, ou même les toucher en dollar, mais qu’elle ne pourra pas utiliser sans qu’elle ne la convertisse en franc congolais via un bureau de change.

C’est juste une façon de ne pas éliminer  le dollar américain dans l’économie, tout en le rendant comme monnaie des opérations spécifiques.

Il est important de souligner que l’une des raisons qui crée la dépréciation d’une monnaie, c’est la spéculation, quand le marché ne fait plus confiance à la monnaie, lorsqu’on anticipe sa baisse, et que tout le monde la propose en vente, elle perd de la valeur, dans le cas contraire, lorsqu’une monnaie aspire confiance, lorsque tout le monde la veut, elle devient rare parce que personne la propose sur le marché, et elle prend de la valeur, c’est le cas avec le franc congolais et le dollar américain en RDC.

Avantage :

-       Pas de spéculation

-       Le dollar ne sera plus que demandé par les opérateurs économiques, pour des raisons d’échanges extérieurs, et ça ne sera plus le cas pour les dirigeants font partie du premier groupe de spéculateurs.

-       Le franc-congolais deviendra une monnaie de confiance au niveau national.

En conclusion, la République Démocratique du Congo a tout pour réussir, Le consensus ou l’austérité  ne serait pas la réponse à des questions économiques et financières sur la stabilité structurelle de l’économie congolaise.

Je ne trouve pas normal que dans une économie, et pendant la crise, que le gouvernement par son ministre de l’économie propose de supprimer la TVA sur les produits de premières nécessités.  Un gouvernement peut augmenter ses dépenses oui, mais se permettre de réduire ses recettes, surtout celles liées à la TVA, pour augmenter le pouvoir d’achat de la population.  La ministre avait la possibilité d’augmenter ses dépenses en compensant les faibles revenus des fonctionnaires, en créant de l’emploi, au lieu de réduire ses recettes, En augmentant ses dépenses l’État peut s’attendre à des recettes supplémentaires qui seront récoltées, grâce aux impôts et taxes, qui seront créés par lesdites dépenses, ce qu’il n’a pas en réduisant ses recettes, Étant donné que l’idée était de garantir le pouvoir d’achat de la population, la ministre de l’économie devait penser à la consommation incompressible des ménages, qui revient simplement dire qu’ils consomment même quand leur revenu est nul, donc on n’aurait pas de problème de consommation.

C’était une grosse erreur de la part du gouvernement de supprimer la TVA sur les produits de premières nécessités, sachant que dans une économie qui fonctionne normalement, la TVA est la première source de recette d’un État.

Produisez, produisez, produisez chers dirigeants, ceci est un son de cloche, accompagné d’un signal d’alarme.

IGWANDEY MOLANGA Aristote.

 

Analyste Financier et Banquier.