De mars à juillet 2020, des écoles, des universités et autres commerces ont été contraints à la fermeture suite au Covid-19. Si pour les écoles publiques la rémunération a été à régulière, cela n’a pourtant pas été le cas pour certaines écoles privées. Reportage
Il est 10 heures, sur une avenue grouillante de monde en plein Kinshasa, Blandine et Madeleine, (noms d'emprunt) enseignantes dans des écoles privées, habitent dans la même parcelle. Elles étaient rémunérées au moins 150 dollars chacune. Mais depuis le confinement, ce salaire ne leur a été jamais payé. “J’avais 50 élèves dans ma salle de classe. Nous étions en pleine session d’examens du deuxième trimestre lorsque l’état d’urgence a été déclaré. A ce jour, l’école n’a fait aucun signe. La seule excuse que nous avons reçue, c’est que les parents n’avaient pas payés les frais scolaires” explique Madeleine a cinq enfants, elle est enseignante en 1ère année. Bien avant le confinement, elle avait déjà cumulé trois mois d’arriérés de salaire.
“Nous avons même délégué certains enseignants pour aller rencontrer le promoteur d’école", poursuit Madeleine, “Il a été catégorique ; Il n’y a pas d’argent. J’ai passé une période très dure pendant cette crise(...) A vrai dire, je ne sais pas si je vais poursuivre mon travail au sein de cette école.”
Blandine est enseignante de 5è année primaire à l’école Espérance de Barumbu. De son côté, les salaires étaient très réguliers avant le confinement.
“Mais, lorsque le Chef de l’Etat a décrété l’état d’urgence, tout a changé. Pendant ces trois mois, aucun frais ne nous a été payé”, déclare Blandine.
Michou est institutrice maternelle à l’école Bon Berger de Kinshasa. Grâce au salaire de son époux, son foyer a pu résister à la crise.
“ Je n’ose pas imaginer ce que serait devenu mon foyer si mon époux ne travaillait pas. L’école n’a pas su honorer ses engagements. A travers sa caisse et l'épargne, elle devait penser à nous au moins pour le mois de mars”, confie-t-elle assise devant son commerce des beignets et autres accessoires.
A l’école Bon Berger, le directeur des études est à l’école pour accueillir les élèves finalistes dans le cadre des préparatifs de l’Exetat.
“Cette école est privée. C’est-à-dire qu’elle est payée par les parents, moyennant des études de leurs enfants. Cependant, les enfants n’ont pas été à l’école. D’où proviendront les moyens que nous allons utiliser pour rémunérer les enseignants ?”, s’interroge Vincent Kalala.
Et de poursuivre :
“Même le personnel administratif fait des sacrifices. Moi-même, j’ai quitté la maison avec mes propres moyens. Je dois me rendre à l’inspool, à la sous-division et à l’inspection avec mes propres moyens.”
Concernant la rémunération du mois de mars le directeur justifie “ Le coronavirus nous a tous surpris. Juste au moment où nous pensions payer les enseignants, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré.”
Les écoles adaptent les mécanismes de paiement
Parmi les rares écoles où les salaires ont été réguliers au cours de cette crise, se trouve l’école primaire “Estheco Grâce” à Gombe. A en croire la directrice d’école, le promoteur a dû retirer de l’argent dans son compte bancaire pour payer les enseignants.
“ Je pense que nous avons bénéficié d’une grâce. Quand le confinement a été déclaré, les parents n'avaient pas encore terminé de payer les frais scolaires. Mais le promoteur s’est arrangé pour mettre son compte à la disposition de l’école. Nous avons en tout 11 enseignants et autres membres du personnel. Le salaire moyen d’un enseignant est d’environ 500 dollars”, dit Louise Badila, Directrice.
Toujours à Gombe, l’école Manyanga a réparti les salaires en trois séquences.
“Nous avons réussi à toucher nos salaires complets du mois de mars. Pour le mois d'avril, nous avons touché la moitié des sommes dues. Au mois de mai, nous avons touché le 1/3 de nos salaires. Et pour le mois de Juin, nous n'avons pas eu de salaire” dit un membre de bureau de l'école Manyanga.
Et d'ajouter:
“Nous avons tous reçu un prêt de 100 $. Je ne sais pas si je peux appeler cela une avance sur salaires parce que le Chef a promis de soutirer cette somme prêtée dès la reprise des cours. On ne pouvait pas en demander assez,”dit-il, pour une école de 26 enseignants.
D'ailleurs, rajoute-t-il, si notre promoteur a pris cette résolution, il a dérogé aux règles reconnues par leur association des promoteurs d'écoles.
À l'école Maarif, un établissement privé de la Fondation turque, des instructions ont été données pour répondre aux besoins d'éducation et du personnel malgré la Covid-19.
"Pour cette raison, des groupes en ligne ont été mis en place en vue de poursuivre les séances de cours. Les élèves des classes de terminales ont été les plus privilégiés, élargi aux pré finalistes”, renseigne Coşkun Tüfekçi, assistant du directeur pays et membre du bureau de l'école.
Et de poursuivre :
“Nous avons un effectif de 59 enseignants et cadres académiques pour un total de 542 élèves de l'école maternelle, primaire et secondaire. Nous avons mis en place des nouveaux modèles d'éducation à distance, avec un horaire des cours équilibré et adapté aux types d'élèves et aussi, à nos partenaires, les parents d'élèves. Autant les cours ont été dispensés, autant les enseignants ont été payés.”
Actuellement, des négociations se poursuivent pour une levée de l'état d'urgence en RDC. Le ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique avait annoncé une probable reprise des cours au 21 juillet et que les élèves finalistes seront privilégiés à cette occasion.
Prisca Lokale