Aujourd'hui, ACTUALITE.CD vous propose cette tribune Me Albert Fabrice Puela, député national.
Monsieur le Président, tout en vous présentant nos voeux les meilleurs pour l'an 2020, nous nous faisons le devoir républicain de vous interpeller au nom du bon sens, de l'honorabilité et du sens élevé de l'Etat au sujet de la situation qui prévaut au Kongo central et sur votre posture, que tout observateur averti considère comme sujette à caution.
En effet, loin de toute considération politique ou politicienne, le scandale des moeurs survenu à la tête de l'exécutif provincial du Kongo central, la nuit du 25 Août 2019, au regard des hautes fonctions de ses auteurs, exigeait de ceux-ci, une démission immédiate, sans coup férir avant même que ne soient intervenues les mesures conservatoires ou la procédure judiciaire quant à ce. Nonobstant le tollé général suscité par ce scandale qui, à lui seul, aurait suffi pour que les deux protagonistes soient sanctionnés.
Que ce gouverneur, déjà démis de ses fonctions à la suite du vote par l'Assemblée provinciale d'une motion de défiance, se maintienne au pouvoir, est non seulement une grave défaillance de l'Etat, mais aussi et surtout un aveux d'echec et d’impuissance de votre part.
Devons-nous vous rappeler que le devoir du fonctionnement harmonieux des institutions de la République vous incombe?
J'accuse donc et dénonce tout haut cette apparente mais réelle complaisance, dans la direction des affaires de l'Etat.
Certes, nul n'est parfait, nous en convenons, mais les hautes fonctions de l'Etat exigent de la part des personnes qui les exercent, de l'honorabilité, de l'excellence, de la dignité, une certaine once de puritanisme, bref, de la noblesse qui ne peut s'accommoder avec un tel scandale.
N'est-ce pas qu’à cet égard que Monsieur Kabila dont vous et moi avions combattu le régime avait, sans atermoiements pour des faits de même nature, révoqué un membre de l'un de ses gouvernements? En quoi faites-vous alors la différence par rapport à lui? Monsieur le Président, indignez-vous!
Lorsque vous vous affichez d’une manière ostentatoire et frisant la provocation avec un monsieur qui a déshonoré, non seulement la République et sa classe politique, mais l'humanité et la noblesse des fonctions de l'Etat, quel en est la symbolique?
Que vous approuvez ses actes et l'applaudissiez?
Que voulez-vous que vos compatriotes, ceux du Kongo central en particulier en pensent? Monsieur le Président, indignez-vous!
Comme Émile Zola face au scandale du capitaine Dreyfus touchant le cœur et l'essence même de la société, et au nom de mes compatriotes ainsi que du bon sens, je ne puis me taire, de peur d'être moi aussi complice de cette ignominie et que mes nuits ne soient hantées, alors J'ACCUSE.
J'ACCUSE et dénonce la mise à mal de la crédibilité des institutions de la République et de l'honorabilité des animateurs desdites institutions. N'est-ce pas qu'un dépositaire des charges publiques de l'Etat ne peut se permettre n'importe quoi au regard des fonctions qui sont les siennes? Monsieur le Président, indignez-vous!
Rien, alors rien, au nom du sens élevé de l'Etat, du profond respect et de l'extrême considération envers "le Muntu" dans notre culture, ne peut justifier le maintien au pouvoir de ce gouverneur démissionnaire.
Stabilité des institutions provinciales, dites-vous? Oui! nous sommes parfaitement d'accord avec vous, mais c'est, "de lege ferenda", c'est-à-dire, c'est pour l'avenir et non aller jusqu'à remettre en cause le vote émis par des assemblées provinciales, en l'occurrence celle du Kongo central.
Sauf votre respect et sans la moindre idée de vous offenser, Monsieur Le Président, ne tuez-vous pas la République?
Première institution de la République, le Président de la République ne peut aucunement être au dessus des lois de celle-ci. Face à l'histoire et la postérité dont le jugement risquera d’être implacable, Monsieur le Président, indignez-vous!
Indignez-vous et revenez au bon sens en demandant à ce gouverneur démissionnaire, arrogant et téméraire, de ne pas prendre en otage l’avenir de toute une province en démissionnant effectivement à la suite de la motion de déficience votée contre lui par l'Assemblée provinciale. Il en sortira plus grand et vous aussi.
Ce vote aurait-il été entaché d'irrégularités? Il ne revient pas au President de la République d'en apprécier les mérites, mais plutôt, au nom de l’Etat de droit, aux Cours et tribunaux, qui eux seuls, ont constitutionnellement cette attribution.
Sinon, le peuple que je représente vous demande de démettre effectivement ce gouverneur démissionnaire du Kongo central, conformément à la constitution.
Ne pas le faire voudrait dire que ce peuple, touché dans son cœur, dans ses valeurs profondes et dans son âme, ne peut envisager son destin dans une perspective constructive. Ce à quoi nous nous préparons sauf si votre indignation rejoint enfin la nôtre.
Très patriotiquement,
Me Albert Fabrice Puela
Député national