Répression du 19 septembre 2016 : « je peux vous montrer la photo de la personne qui est morte dans mes bras » (Témoignage d’une alliée de l'UDPS)

ACTUALITE.CD

Dorcas Adikoko, membre alliée de l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) a vécu la marche du 19 septembre 2016 et faisait partie des dirigeants de la manifestation. Ce samedi 21 septembre 2019, à l’occasion d’une messe de suffrage organisée à la paroisse Saint Dominique par l’UDPS, elle est revenue en tant que témoin, sur ces événements malheureux.

« Quand je parle de cette journée, j’ai des frissons. Etant du rassemblement à ce temps-là, les acteurs politiques étaient classés dans les différents coins de Kinshasa.  De mon côté, j’étais avec Bruno Tshibala et Lisanga Bonganga vers le Monument Lumumba. De là, on a commencé à marcher en direction de la CENI pour déposer le mémo qu’on avait préparé. Mais le long du chemin, il y avait beaucoup de gens, trop de militaires et leurs camions. Ça tirait de partout mais on ne prenait pas ça au sérieux. On chantait, on acclamait et on poursuivait notre marche », raconte à ACTUALITE.CD Dorcas Adikoko.

C’est au niveau de Sendwe qu’elle a compté des morts.

« Mais le long du chemin, on commençait à voir des gens tomber, des sangs en train de couler. Sincèrement, je n’en revenais pas (…). Mais plus loin vers Sendwe, je commençais à voir que c’était sérieux. Et de là, je voyais des balles qui passaient même devant mes yeux. Nous nous sommes entendus avec les autres qu’il fallait courir jusqu’au Siège de Fonus (d’Olengankoy) où il y avait aussi plein de gens. Avant de rentrer dans l’enclos, il y a eu un garçon qui est tombé là, il nous a supplié de ne pas l’abandonner. Il avait reçu une balle à la tête, et c’est là que j’ai réalisé que les gens mourraient effectivement. Et du coup, les militaires venaient pour arracher le corps ( …) », poursuit Dorcas Adikoko.

Les forces de la Mission des Nations Unies en RDC (Monusco) et la Croix rouge sont venues à la rescousse. 

« C’est la Monusco et la croix rouge qui sont venues nous libérer de là. Ils nous ont amenés à la 10ème rue où il y avait Tshisekedi Wa Mulumba. Arrivé là, il nous a vus avec un air très triste. Vers 18h, les gens sont venus lui dire qu’il faut qu’on fasse attention, qu’il n’y ait pas des gens à la permanence le soir. Les combattants ne l’ont pas entendu de cette oreille-là, ils ont dit que ce sera comme un soldat qui fuit la guerre. Personne ne pouvait penser que cela allait se passer comme tel. On a oublié que c’était des sanguinaires, des gens sans cœurs etc. Ils ont brûlé les gens vivants. Il y avait plein des gens qui étaient morts, je ne peux pas vous les comptabiliser mais je peux vous montrer la photo de la personne qui est morte dans mes bras…», a-t-elle conclu .

Pour rappel, le 19 septembre 2016, plusieurs manifestants étaient descendus dans la rue pour exiger le respect du calendrier électoral. Les autorités parlaient de 17 morts (14 civils et 3 policiers).

Le bilan de l’ONU faisait état de 53 personnes tuées, 127 blessés et 368 arrestations. Dans son rapport, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme notait que « les forces de sécurité ont eu un recours excessif à la violence et aux armes ». Il avait rapporté des cas des victimes avec des blessures par balles dans la poitrine ou à la tête.

Ivan Kasongo