ACTUALITE.CD donne la parole aux scientifiques, acteurs de la société civile et autres experts pour commenter et surtout expliquer l’actualité. Vous êtes professeur, vous avez déjà publié un ouvrage sur votre domaine d’expertise, vous pouvez soumettre gratuitement votre tribune pour publication sur ACTUALITE.CD. Envoyez vos textes à info@actualite.cd
Dans une tribune intitulée « L’heure de vérité et réconciliation », le député national Claudel-André Lubaya propose la revisitation du « récit national congolais » à travers notamment le programme scolaire, les journées nationales dédiées aux héros et martyrs, la construction d’un mémorial du souvenir, etc.
Tribune.
A la veille du 59ème anniversaire de l’indépendance, la RDC se doit de revisiter son histoire pour construire, sans rancune ni vengeance, sa mémoire collective de façon à tourner la page de ces 58 dernières années. C’est la voie idéale pour la réconciliation nationale, la paix civile et la stabilité politique.
Il m’a paru utile, en ce moment précis, d’exhumer ce débat qui ne peut continuellement être évité puisqu’il y va de notre identité collective et de notre devenir en tant que peuple. Plusieurs événements malheureux qui ont marqué l’histoire de la RDC depuis l’indépendance nécessitent une exorcisation publique en vue de réconcilier le peuple avec son histoire. Le Congo d’aujourd’hui est hanté par des esprits errants, qui croupissent dans un oubli collectif et qu’il va falloir réhabiliter pour qu’ils retrouvent la paix. Inventorier ces événements, recenser les victimes, déterminer les périodes et les lieux, établir les responsabilités dans un esprit de repentance sincère et de pardon mutuel constituent pour les institutions, un devoir d’État et pour le peuple, un devoir de mémoire. Il s’agit, en effet, de l’obligation morale qui incombe à l’État de rappeler des événements historiques tragiques, en reconnaissant les souffrances des victimes, afin que pareils crimes ne se reproduisent plus. La RDC se doit de se doter de son «bloc mémoriel» pour activer dans le temps présent, une séquence historique en quatre composantes : des victimes à qui l'on rend hommage, des héros que l'on honore, des outils que l'on utilise (cimetière des héros, journées nationales commémoratives, musées et mémoriaux, programmes scolaires...) et des acteurs qui se mobilisent. L’enjeu est de taille.
Ce débat a tout son sens en cette période cruciale où, grâce à la volonté politique du Président de la République, le pays retrouve peu à peu de l’apaisement nécessaire à son redressement. Tout le mérite lui revient pour avoir permis aux prisonniers politiques de recouvrer la liberté et aux exilés de rentrer au pays sans moindre représailles.
Fort de cette volonté politique doublée d’un courage qu’imposent les circonstances, le Président de la République pourrait, de concert avec l’ensemble des institutions du pays, en cette veille du 59ème anniversaire de l’indépendance, prendre l’initiative de réhabiliter la mémoire des victimes des dictatures successives en confiant une mission spéciale aux historiens et autres personnalités indépendantes dont regorge le pays de façon à faire toute la lumière sur les années sombres de notre histoire et ce, sans alimenter les haines ni les velléités de vengeance. Parmi les recommandations d’une telle mission pourraient figurer notamment : la construction d’un mémorial du souvenir appelé à devenir le lieu de mémoire de la République, la fixation d’une seule date dans une année pour célébrer les différents héros et martyrs, la correction du programme scolaire d’histoire, la reconnaissance par l’État de sa responsabilité, etc. Plusieurs pays européens ont expérimenté cette voie au lendemain de la seconde guerre mondiale et, plus près de nous, l’Afrique du Sud post apartheid, le Bénin, la Côte d’Ivoire et la Gambie ont mis en place des instances commises à cette fin.