Elections recalées à Yumbi, Beni et Butembo : Quelle crédibilité pour le processus électoral en RDC ?

Corneille Nangaa, président de la CENI lors de la conférence de presse le jeudi 20 décembre 2018 pour annoncer le report des élections.

Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), a confirmé la tenue des élections législatives nationales et provinciales à Yumbi (Maï-Ndombe), Beni ville, Beni territoire et Butembo (Nord-Kivu) pour le dimanche 31 mars 2019. Les élections se tiendront dans ces quatre circonscriptions trois mois après les scrutins qui ont eu lieu dans le pays.

Le président de la République étant investi, les électeurs de Yumbi, Beni ville, Beni territoire et Butembo éliront seulement les députés provinciaux et nationaux. Plusieurs observateurs pensent que la légitimé de l’actuel chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, serait mise en cause car plus d’un million d’électeurs ont été privés de choisir leur président de la République officiellement « à cause des situations sanitaires et sécuritaires précaires » dans leurs régions.

Qu'en pensent les experts ?

« Ces élections auront la même crédibilité que les élections précédentes étant donné qu’il y a eu des cas de force majeure », indique Jérôme Bonso, président de la Ligue nationale pour des élections libres et transparentes (LINELIT).

M. Bonso poursuit : « La crédibilité des élections dépend de la loi. Elle tient à l’intégrité des acteurs qui organisent les élections (l’administration électorale), elle tient également à la transparence que l’on accorde au processus électoral. Si la CENI va organiser ces élections dans les territoires de Beni, Butembo et Yumbi en tenant compte de la loi, elle sera crédible ».

Pour ces élections partielles, le seuil de représentativité ne sera pas d’application mais plutôt le mode de désignation sera proportionnel contrairement aux élections du 30 décembre dernier.

Gérard Bisambo, secrétaire général de l’ONG Agir pour des Élections Transparentes et Apaisées (AETA), pense tout de même que la crédibilité de ces scrutins attendus est en jeu.

« Ce sont des scrutins qui vont positionner au niveau des institutions nationales et provinciales, des candidats qui doivent être sélectionnés sur base des suffrages leur accordés par la population. Si la CENI ne gère pas ces élections selon les instruments nationaux de crédibilité ou selon la loi, c’est évident qu’il y ait contestation et soulèvement. La population de ces coins du pays veut se faire représenter par des candidats auxquels ils adhèrent en termes de vision, de combat social et politique », souligne-t-il.  

Légitimité du président de la République

Concernant la légitimité de Félix Tshisekedi qui a été investi président de la République avant la tenue des élections à Yumbi, Beni ville, Beni territoire et Butembo, les deux experts sont divisés.

« La légitimité du président de la République a été établie sur base du nombre des suffrages valablement exprimés sur l’ensemble du territoire national. C’est sur le nombre de ceux qui se sont présentés, sur le nombre des électeurs que l’on confère la légitimité du président de la République », dit Jérôme Bonso.

Mais, pour Gérard Bisambo, « puisqu’on a déjà proclamé le président de la République élu, ceci entache la légitimité sociologique du président de la République. Si du point de vue juridique ou légal, on a pu trouver une solution à cela, avec quelques exceptions de jurisprudence, sur le plan sociologique, il y a des problèmes. A moins que l’actuel président fasse un effort pour reconstruire sa légitimité sociologique au niveau de Beni, Butembo et Yumbi. Ce qui reste un processus ».

Prisca Lokale