Le Réseau pour la Réforme du Secteur de Sécurité et de Justice (RRSSJ) a rendu public le huitième rapport du Groupe de Travail des OSC sur le processus de paix en RDC, intitulé : « Elections du 23 décembre 2018 : Vers un énième rendez-vous manqué pour le peuple congolais ? ».
Ce travail est fait en partenariat avec l’Action Contre l’Impunité pour les Droits Humains (ACIDH), le Centre de Recherches et d’Etudes sur l’Etat de Droit en Afrique (CREEDA), le Centre pour la Gouvernance (CEGO) et l’Institut Alternatives et Initiatives Citoyennes pour la Gouvernance Démocratique (I-AICGD). Ce rapport est le huitième de la série des rapports que publie le Groupe de travail sur le processus de paix qui est un « laboratoire » de production d’analyses indépendantes en vue d’influer positivement sur les politiques publiques nationales et internationales. Il est composé des experts congolais des Organisations de la Société Civile intéressées au processus de paix.
Résumé du rapport
Les élections du 23 décembre 2018 pourraient constituer un énième rendez-vous manqué pour le peuple congolais. Leur tenue est agitée par le spectre des élections mal organisées et aux résultats contestés en 2006 et en 2011.
Plusieurs facteurs font craindre un manque de crédibilité des élections du 23 décembre 2018. D’une part, il y a la méfiance entre l’opposition et la coalition au pouvoir, incapables de trouver un consensus sur l’organisation des scrutins. D’autre part, on assiste à un rétrécissement de l’espace politique et des libertés publiques affectant le droit des citoyens congolais d’exprimer leur choix en tant peuple souverain primaire. De ce fait, les élections du 23 décembre 2018 pourraient être une opération politique cosmétique pour la légitimation de prochains dirigeants sans refléter la volonté réelle des électeurs. Ce qui conduirait à une nouvelle crise de légitimité, synonyme du blocage du processus démocratique et compromettant le développement socio-économique tant attendu.
Le présent rapport aborde, à travers un développement en sept points, les facteurs qui minent le processus électoral en cours et constituent les signes prémonitoires d’une crise politique postélectorale aiguë en RDC.
Le premier point montre que ces élections ne seront pas crédibles à cause des défaillances qui affectent leur organisation. Il s’agit notamment du tripatouillage du cadre juridique électoral, de l’inféodation politique des membres de la CENI et du maintien dans le fichier électoral d’un nombre important d’électeurs insuffisamment identifiés, et partant fictifs. En même temps, il y a des inquiétudes au sujet des forces politiques qui sont en compétition électorale. Vont s’affronter désormais 599 partis et 77 regroupements politiques alignés aux élections du 23 décembre 2018.
Quant à l’opposition politique, elle semble partie à l’élection présidentielle en ordre dispersé face au candidat de la coalition au pouvoir. De nombreuses réunions qui se sont tenues entre les principaux leaders de l’opposition dans différentes villes des pays étrangers (Bruxelles, Johannesburg et Genève) ont certes abouti à la conclusion d’un accord1 désignant Monsieur Martin Fayulu en tant que candidat commun de l’opposition. Cependant, deux participants, Félix Tshilombo Tshisekedi et Vital Kamerhe, présidents de deux principaux partis d’opposition (l’UDPS et l’UNC respectivement), l’ont dénoncé.
Le deuxième point aborde la question de la logistique électorale, cristallisée autour du recours à la machine à voter qui n’a pas requis le consensus des parties prenantes, ni en amont ni en aval, sans vider la controverse sur sa légalité. Le recours aux moyens de locomotion des FARDC, dont la neutralité politique est généralement mise en cause, en vue du déploiement des matériels électoraux, n’est pas de nature à atténuer les suspicions d’une fraude électorale planifiée.
Le troisième point relatif au financement des élections salue l’option levée par le gouvernement de prendre en charge tout le coût lié à ces opérations. Cependant, cette option ne peut servir de prétexte contre l’obligation de redevabilité tant interne qu’externe et devait être étendue à d’autres secteurs pourtant régaliens mais supportés entièrement ou presque par les partenaires au développement.
Le quatrième point traite de l’environnement sécuritaire des élections et montre qu’il existe encore de nombreux défis à surmonter. En l’occurrence, l’activisme persistant des groupes armés risque d’impacter négativement le déroulement des élections dans leurs zones d’influences. L’un des plus grands défis sécuritaires nouveaux est la survenance de l’épidémie d’Ebola dans la région de Beni dont la persistance risque d’influer négativement sur le comportement des électeurs dans les contrées affectées par l’épidémie et de les empêcher de remplir leur devoir civique le 23 décembre. La mobilisation des FARDC pour appuyer la CENI est aussi un motif d’inquiétude dans la mesure où celles-ci demeurent perçues par les citoyens non-républicaines.
Le cinquième point met en évidence le manque d’indépendance des organes judiciaires impliqués dans le processus électoral en cours, avec en première ligne, la Cour constitutionnelle. En effet, la Cour constitutionnelle a laissé dans l’opinion publique l’impression d’être à la solde du pouvoir lors de l’examen des contentieux des candidatures de l’élection présidentielle pour écarter certaines figures de l’opposition. En outre, les nouvelles mises en place des cours d’appel et les nominations des magistrats devant les animer semblent avoir obéi à une logique de nature politicienne.
Le sixième point peint un tableau sombre de la situation des droits humains qui sont constamment violés pendant la période préélectorale en dépit des appels pressants pour un processus électoral apaisé et inclusif. Il s’agit notamment du droit à l’égalité de tous les Congolais devant la loi, du droit des Congolais aux élections libres et transparentes comme une expression de son autodétermination, du droit à la libre expression des opinions, du droit aux manifestations publiques et du droit à l’information surtout durant la campagne électorale.
Le septième point planche sur le rôle de la Communauté Internationale et plaide en faveur de sa forte implication dans le suivi et l’appui technique au processus électoral en cours, conformément au droit international. Il s’agit surtout de marquer sa solidarité avec le peuple congolais.
Devant cette situation, l’Etat congolais semble se dresser contre le peuple au profit des intérêts partisans, la Communauté internationale ne doit pas rester sans agir. Il est de la responsabilité de l’ONU, des organisations africaines et des partenaires de la RDC de faire en sorte que le pays retrouve le chemin de la stabilité politique, condition sine qua non de développement économique et social et de paix en Afrique centrale.
Ce rapport formule les principales recommandations que voici :