(<em>Photo depuis www.rfi.fr</em>)
Le visa du chercheur belge Kris Berwouts a été annulé le 27 septembre 2017 au moment de son départ pour Bruxelles, à partir de l’aéroport de Goma, au Nord-Kivu. Son visa était cependant valide jusqu’au mois de mars 2018.
Dans une interview ce samedi 30 septembre à ACTUALITE.CD, Kris Berwouts affirme avoir été interpellé à son arrivée à l’aéroport et ses documents lui ont été confisqués sans aucune raison valable. Il reconnait cependant être très connecté dans l’opposition avec certains mouvements citoyens.
<strong>Vous avez été interpellé à Goma par la DGM, le mercredi 27 septembre. Qu’est-ce qui s‘est passé au juste ?</strong>
J’étais en RDC depuis le 4 septembre. Quelques jours avant les faits, le jeune journaliste et cinéaste belge Quentin Noirfalisse avait été arrêté à N'djili pendant qu’il était en train de sortir du pays. Il a été détenu pendant deux jours et puis expulsé. Pendant sa détention, il a été interrogé plusieurs fois sur ma personne et la relation entre nous. Cette relation est cordiale mais plutôt superficielle, on ne s’est rencontré que deux fois à cause de nos agendas chargés. Une fois en Belgique, il m’a contacté pour me dire qu’il pourrait y avoir un problème autour de ma personne.
Le même jour, mon ambassade m’a confirmé qu’il pouvait effectivement y avoir un problème et que je risquais une détention si j’arrivais à Kinshasa. A ce moment, j’étais à Bukavu, le plan était de partir à travers Goma le 27 septembre pour rentrer sur Kinshasa, passer quelques jours dans la capitale et rentrer chez moi, le 30 septembre. L’arrestation éventuelle me fait changer de plan. J’ai décidé de partir effectivement le 27 septembre pour Goma, mais d’y prendre Ethiopian Airways et de rentrer sur Bruxelles en passant par Addis-Abeba.
Une fois dans les procédures de départ à Goma, je trouvais que cela prenait beaucoup de temps. Après une heure d’attente dans le bureau de la DGM à l’aéroport, le directeur provincial de la DGM est venu me chercher et il m’a conduit au bureau central à Goma. Une fois que je quittais l’aéroport sans mes papiers, je commençais à me sentir vulnérable et j’ai commencé à avertir des gens sur ma situation.
<strong>Qui aviez-vous averti ?</strong>
Principalement deux sortes de contact. D’abord dans le milieu diplomatique et puis mes contacts dans le paysage politique congolais, où j’ai beaucoup d’amis. Dans tous les coins du paysage d’ailleurs. Les gens qui m’accompagnaient n’ont absolument rien fait pour m’empêcher de communiquer. Une fois dans le bureau central, on m’a installé dans une salle d’attente, et la hiérarchie est partie.
<strong>Comment avez-vous été traité ? Avez-vous été intimidé ? Etiez-vous à l’aise ?</strong>
Le traitement qui m’a été réservé était très correct, courtois même. A aucun moment, je ne me suis senti intimidé. Il n’y avait pas de gardiens mais, bien sûr, il y avait des gens qui passaient ou qui n’étaient de toutes les façons pas loin. Je conversais avec ces gens dans les meilleurs termes, en français ou en swahili. Ils me disaient de ne pas être au courant des détails sur mon cas, mais qu’ils pensaient que j’allais être amené à Kinshasa.
<strong>Mais vous n’êtes pas parti à Kinshasa ?</strong>
Non. Après deux heures, autour de l’heure que mon avion devait partir, on est venu me chercher et on m’a conduit à l’aéroport. Au pied de l’avion, on m’a rendu mes documents et ma valise, et je suis parti avec le vol pour lequel j’avais déjà fait les enregistrements trois heures avant.
<strong>Donc vous n’avez pas été arrêté ?</strong>
Pas du tout. Arrêter et mettre en détention quelqu’un, ce sont des actes judiciaires formels. Ce n’a jamais été à l’ordre du jour. J’ai été interpellé par la DGM et j’ai passé une heure dans leur bureau à l’aéroport et deux heures dans le bureau central au centre-ville. Je n’ai même pas été interrogé. Mais quand j’étais dans l’avion, j’ai vérifié mes documents et j’ai vu que mon visa était annulé.
<strong>Vous n’avez donc pas été expulsé ?</strong>
Je ne sais pas si on peut expulser quelqu’un qui est en train de quitter le pays. En tout cas, on ne m’a rien dit dans ce sens-là.
<strong>Qu’est-ce que les autorités congolaises vous reprochent ?</strong>
Je ne sais pas. Je garde de bons contacts avec beaucoup de gens dans les institutions, qui trouvent que mes analyses contribuent à une meilleure compréhension de la complexité de la problématique congolaise. Ils se rendent compte que mes analyses sont très critiques, mais ils apprécient ma tentative honnête d’atteindre une objectivité maximale. Je suis très bien connecté dans l’opposition et dans les mouvements citoyens. J’ai des interlocuteurs dans tous les segments de la société congolaise.
<strong>Vous êtes donc écrivain ?</strong>
Je suis un analyste indépendant. Professionnellement, je travaille avec des partenaires bilatéraux du Congo et je joue un rôle comme faiseur d’opinions à travers mes écrits. Je viens de publier un livre en anglais, Congo’s violent peace. Conflict and struggle since the Great African War, où j’analyse les différentes couches des conflits congolais avant de traiter les problématiques contemporaines du pays. Le but est de trouver un éditeur francophone pour rendre le livre accessible aux Congolais. Mais les raisons pour fréquenter le Congo ne sont pas seulement professionnelles. Une partie de ma famille habite en RDC.
<strong>Pensez-vous que vous allez rentrer bientôt en RDC ?</strong>
J’en suis convaincu. Je ne pense pas que les autorités trouveront qu’ils ont des raisons pour me garder en dehors du pays. S'il y a des questions, j’imagine qu’on va les poser et je vais leur répondre. Je crois que mon objectivité, mon amour pour le Congo et sa population, et mon respect pour la dignité de la nation feront que ça sera difficile de me considérer longtemps comme ennemi du pays.
<strong>Stanys Bujakera Tshiamala</strong>